Covid-19 : suspendre le "droit du grand-père" des compagnies aériennes ? Pas si simple, dit l'UE

La demande des compagnies aériennes d'un assouplissement immédiat des règles d'utilisation des créneaux horaires de décollage est pour l'heure rejetée par la Commission européenne. Filip Cornelis, le directeur Aviation à DG Move de la Commission européenne explique le point de vue de Bruxelles à La Tribune.
Fabrice Gliszczynski
(Crédits : Kai Pfaffenbach)

Les compagnies aériennes devront patienter, du moins en Europe. La demande d'assouplir les règles d'utilisation des créneaux horaires de décollages dans les aéroports congestionnés n'est pas simple à mettre en place.

"Use-it-or-lose-it"

En raison de l'impact du Covid-19 sur leur activité, les transporteurs européens ont demandé à la Commission européenne de suspendre immédiatement les dispositions du Règlement sur les créneaux qui les obligent à utiliser les créneaux horaires à au moins 80% au cours d'une saison sous peine de les perdre la saison suivante. C'est la règle du « use-it-or-lose-it ». Egalement appelée dans la profession le « droit du grand-père », elle peut pousser les compagnies aériennes à voler à vide.

S'il a déjà été mis en œuvre dans le passé pour atténuer l'impact des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, puis du SRAS en 2003, et de la crise de 2009, un tel moratoire ne se décide pas en un claquement de doigts. Il a été validé pour la saison hiver pour les vols desservant la Chine, et peut-être demain l'Italie, mais il est toujours à l'étude pour la saison estivale, laquelle constitue le véritable enjeu pour les compagnies aériennes. Et, là les choses ne sont pas simples comme l'explique à La Tribune, Filip Cornelis, directeur Aviation à la DG Move, responsable de la politique de l'Union européenne pour la mobilité et les transports.

« Les coordonnateurs européens ont accepté d'activer pour la Chine la clause de cas force-majeure qui figure dans la réglementation sur les créneaux horaires de décollages et atterrissages. Nous allons étudier s'il y a lieu d'utiliser ce procédé pour d'autres axes pour le reste de la fin de la saison d'hiver qui s'achève fin mars », a-t-il expliqué ce mardi à La Tribune en aparté du colloque organisé par Airlines for Europe.

« Pour autant, les compagnies aériennes nous sollicitent surtout pour la saison d'été (fin mars-fin octobre, NDLR). Nous avons déjà pris de telles mesures dans le passé. Mais il faut reconnaître et que le processus est compliqué car il nécessite l'accord du Parlement européen. Pour suspendre la règle des 80-20, l'impact pour les compagnies aériennes doit être important, or aujourd'hui il est impossible de dire quelle sera son ampleur au cours de la saison été. Peut-être sera-t-il important, peut-être pas, peut-être n'y en aura-t-il pas, personne ne sait. Nous allons donc demander aux compagnies aériennes de nous fournir des chiffres sur les réservations, les annulations déjà faites et planifiées, afin d'avoir une meilleure visibilité de l'impact réel », a-t-il ajouté.

Trois précédents, le 11-Septembre, le SRAS et la crise de 2009

La Commission veut donc avoir la photographie la plus nette possible de la situation qui évolue rapidement, pour prendre les décisions correspondant à la réalité du marché. Si moratoire il y a, il faut effectivement définir sa durée et préciser son périmètre géographique.

Au regard des cas précédents, il faudra encore un peu de temps avant que la Commission ne se prononce. En 2003, la Commission avait suspendu la règle des 80-20 le 25 avril soit grosso-modo plus d'un mois après le pic du SRAS et moins d'un mois après l'intervention militaire menée par les Etats-Unis en Irak. Pour la crise économique de 2009, la décision avait été prise le 15 juin, grosso modo six mois après le grand plongeon de l'activité qui avait suivi la faillite de la banque Lehman Brothers, le 15 septembre 2008.

Certaines compagnies aériennes jouent gros. C'est le cas de Lufthansa qui a très rapidement annoncé qu'elle clouait au sol 15 gros-porteurs avec la possibilité d'aller jusqu'à 25 appareils. Le groupe allemand n'exclut pas de réduire jusqu'à 25% de ses vols court et moyen-courriers.

Fabrice Gliszczynski

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