Desserte aérienne Corse-Orly : Air Corsica et Air France raflent la mise

La compagnie régionale corse a été retenue pour l’exploitation des liaisons de service public entre la Corse et Paris-Orly pour une durée de quatre ans. Volotea, qui encaisse une deuxième déconvenue après avoir perdu la desserte sur Nice et Marseille, pourrait – ou pas – introduire un recours devant la juridiction administrative.
Air Corsica s'est vue accorder l'exploitation de la desserte de service public (DSP) entre ses quatre aéroports internationaux (Ajaccio, Figari, Bastia et Calvi) et Paris-Orly jusqu'au 31 décembre 2027.
Air Corsica s'est vue accorder l'exploitation de la desserte de service public (DSP) entre ses quatre aéroports internationaux (Ajaccio, Figari, Bastia et Calvi) et Paris-Orly jusqu'au 31 décembre 2027. (Crédits : DR)

Le vote à l'unanimité ce jeudi à l'Assemblée de Corse ne faisait pas l'ombre d'un doute : la compagnie régionale Air Corsica, qu'elle a elle-même porté sur les fonts baptismaux  pour s'octroyer la maîtrise pleine et entière de son transport aérien, s'est vue accorder l'exploitation de la desserte de service public (DSP) entre ses quatre aéroports internationaux (Ajaccio, Figari, Bastia et Calvi) et Paris-Orly jusqu'au 31 décembre 2027. Elle remporte ainsi l'appel d'offres, en association avec Air-France devant Volotea, la compagnie catalane.

Le 30 novembre dernier, c'était déjà en faveur d'Air Corsica que les élus territoriaux avaient confié les rênes des lignes dites « de bord à bord » entre la Corse et les deux grandes villes de la rive méditerranéenne d'en face, Nice et Marseille, toujours au détriment de Volotea, concurrent malheureux mais pas forcément résigné, car s'ouvre à lui la possibilité d'introduire un recours administratif s'il s'estime injustement lésé...

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Dotation de Continuité territoriale « insuffisante »

La concession concernant Paris-Orly avait été mise entre parenthèses pour deux raisons concomitantes : la demande de compensation financière des deux compagnies avait été estimée trop élevée et il y avait comme un trou d'air dans le budget de la Collectivité de Corse. Il faut savoir que pour ses transports, la Collectivité reçoit de l'État une dotation annuelle dite « de continuité territoriale » d'un montant s'élevant à 187 millions d'euros. Sur cette enveloppe, 107 millions d'euros ont été mobilisés pour la DSP maritime et encore environ 20 autres millions d'euros pour le fonctionnement de l'Office des transports et des investissements portuaires. Bref, la Collectivité de Corse n'avait de quoi payer la totalité de la DSP aérienne. C'est donc le marché de Paris-Orly qui a dû suspendre son vol. Mais si l'Assemblée de Corse a pu voter ce jeudi, c'est parce que, d'une part, au terme du cycle des négociations - la dernière séance a eu lieu le 10 janvier - les deux compagnies en compétition ont revu leurs prix de compensation à la baisse et, d'autre part, parce que la Collectivité de Corse a obtenu du gouvernement une rallonge de 40 millions d'euros de l'enveloppe de Continuité territoriale. Une revalorisation que Gilles Simeoni espère voir pérennisée et même augmentée en raison de l'inflation, du prix du carburant et de la fiscalité écologique que le président du Conseil exécutif estime injuste pour une île.

Volotea moins chère mais moins robuste

Les deux candidatures ont été instruites sur la base de trois critères : le montant de la compensation demandée, la qualité du service et la solidité financière de l'offre. Pour chacun d'eux, une note était attribuée de 1 (très insuffisant) à 6 (très satisfaisant). S'agissant de la compensation financière, Volotea a rendu la meilleure copie : 19,7 millions d'euros par an pour la liaison Ajaccio-Orly (22,3 millions d'euros pour Air Corsica) et 22,7 millions d'euros pour la liaison Bastia-Orly (25,6 millions d'euros pour Air Corsica). En revanche, Volotea a perdu de l'altitude sur les deux autres critères : sa qualité de service et sa robustesse financière ont été jugées « correctes » alors que celles de son concurrent sont respectivement « satisfaisante » et « très satisfaisante ».

Précisons que pour la desserte Calvi-Paris-Orly et Figari-Paris-Orly, seul le groupement Air-Corsica/Air-France avait soumissionné.

Chaque année, ce sont 1,16 million de passagers qui empruntent les lignes vers et depuis la Capitale. La part des voyageurs résidents (qui bénéficient d'un tarif aller-retour de 207 euros TTC) y est très limitée : 17,5 % ce qui représente 200.000 passagers. C'est la faiblesse de cette fréquentation qui refroidit la Commission européenne sur le maintien d'une DSP aérienne à un tel niveau. Mais la Collectivité de Corse a réussi à la convaincre en optant pour le principe des « vases communicants » qui a consisté à réduire sensiblement le nombre de sièges en période estivale (durant laquelle plusieurs compagnies à bas coût volent entre Paris et la Corse) pour les augmenter le reste de l'année...

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Une collectivité hantée par les recours

Le caractère unanime du vote à l'Assemblée de Corse n'est sans doute pas de nature à émouvoir Volotea. La compagnie low cost espagnole est présente sur les tarmacs de l'île depuis sa création en 2012 : elle a transporté depuis 6 millions de passagers à bord de 47.000 vols. « Notre expérience en Corse nous permet d'envisager très sérieusement ce projet d'obligation de service public » avait déclaré Gabriel Schmilovich, directeur de la stratégie de la compagnie à Corse-Matin au moment du décollage de la procédure d'appel d'offre. Et à l'atterrissage, sa demande de compensation financière est de 20 millions d'euros inférieure à celle du tandem Air-Corsica/Air-France. Dès lors une alternative se présente à elle : soit elle estime que ce critère doit être prépondérant au regard des prescriptions de Bruxelles et de l'Autorité de la Concurrence et elle introduit un recours devant le Tribunal administratif, soit elle fait le dos rond pour pouvoir poursuivre le déploiement de ses ailes hors service public dans un climat serein et, pourquoi pas, se positionner le moment venu sur Paris lorsque Air-France se sera totalement désengagé de la plateforme d'Orly.

Pour la Collectivité de Corse, difficile d'assimiler la desserte de service public à un... transport de joie. Elle a appris que la Commission européenne, qui scrute à la loupe l'utilisation des deniers publics, avait ouvert une enquête sur les aides de l'État accordées à sa DSP maritime. Les optimistes évoquent une procédure réglementaire classique. Ceux qui ont en mémoire les 86 millions d'euros de pénalités versées à Corsica Ferries, écartée de la précédente DSP, y voient un nouveau risque de saignée financière. L'enquête peut durer plusieurs années et la décision est susceptible d'appel devant la Cour de justice de l'Union européenne.

D'ici là, beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts...

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Commentaire 1
à écrit le 01/03/2024 à 13:19
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