Droits des voyageurs : Bruxelles ne veut plus revivre la situation du Covid et renforce les droits des passagers

Des passagers mieux protégés, des délais de remboursement respectés, des responsabilités claires... la Commission européen vient de publier un paquet législatif d'ampleur sur la question du droit des passagers. Un texte attendu après le chaos du Covid, mais qui ne satisfait pas encore les différentes parties.
Léo Barnier
L'information aux passagers va être clarifiée en cas d'annulation.
L'information aux passagers va être clarifiée en cas d'annulation. (Crédits : Reuters)

La Commission européenne veut reprendre l'initiative sur un sujet épineux : le droit des passagers et des voyageurs. C'est un chantier de longue date à Bruxelles, qui a réussi à établir des règles communautaires en la matière il y quasiment 20 ans. Depuis, elles ont été souvent contestées, obligeant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) à statuer à plusieurs reprises sur des litiges entre compagnies aériennes, voyagistes et particuliers. Surtout, le Covid a mis en lumière d'importantes difficultés pour traiter les cas de remboursement, de réacheminement et d'indemnisation. La Commission a donc adopté cette semaine « une série de propositions visant à améliorer l'expérience des passagers et des voyageurs en renforçant leurs droits ». Pour autant, des limites subsistent.

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Attendu de longue date par les professionnels du secteur, ce texte va concerner « quelque 13 milliards de passagers qui voyagent chaque année dans l'Union européenne en avion, en train, en autocar, en bus ou en ferry » selon le décompte avancé par la Commission européenne, qui prévoit que celui-ci atteindra 15 milliards d'ici à 2030 et près de 20 milliards d'ici à 2050. Face à cette explosion attendue du nombre de voyageurs, Bruxelles a voulu avancer sur trois axes, à savoir le renforcement des droits des passagers, la protection des voyageurs à forfait, et l'amélioration des services d'information sur les déplacements multimodaux assortie à la création d'un espace européen commun des données sur la mobilité.

Laurent Timsit, délégué général de la Fédération nationale de l'aviation et de ses métiers (Fnam), principal syndicat de compagnies aériennes en France), se veut prudent pour l'instant au vu de l'étendue de ce paquet législatif, qui doit modifier plusieurs textes assez différents. A ce stade, il juge que les propositions de la Commission ne semblent pas excessives, même si certaines d'entre elles risquent d'engendrer un travail administratif assez conséquent.

Des progrès mais des lacunes

Pour Khalid El Wardi, secrétaire général de la Médiation tourisme et voyage (MTV, chargée de résoudre les litiges entre les particuliers et les professionnels du secteur), « ces propositions vont dans le bon sens parce que, évidemment, elles protègent un peu mieux le consommateur, mais elles ne répondent pas à toutes les questions, notamment juridiques, que nous nous posons depuis des années sur l'application du règlement UE 261 ».

Ce règlement en question est celui qui régit les droits des passagers au sein de l'Union européenne. En la matière, la Commission veut combler les lacunes qui existent, tant sur les règles que sur leur application. Elle vise notamment à obliger les transporteurs de proposer un réacheminement ou un remboursement aux passagers en cas de perturbation du voyage, ainsi qu'une indemnisation, voire une assistance selon les circonstances. Khalid El Wardi note ainsi que cette disposition est pour l'instant limitée en raison de l'absence d'un délai précis pour proposer le réacheminement et l'absence de conséquences pour le transporteur se soustrayant à cette obligation.

Parmi les questions non traitées, Khalid El Wardi pointe l'absence d'une clarification des responsabilités entre le transporteur effectif et le transporteur contractuel lors d'un voyage en avion - des partenariats tels que les accords de partage de codes permettent à une compagnie aérienne de commercialiser un voyage effectué par une autre compagnie - notamment lorsque l'un des deux n'appartient pas à l'Union européenne et n'est donc pas soumis au droit communautaire. Il en va de même pour les vols en escale. Le secrétaire général de la Médiation tourisme et voyage indique que la Cour de justice de l'Union européenne tend à rendre le transporteur effectif responsable, mais qu'elle a parfois estimé que c'était au transporteur contractuel de porter l'indemnisation.

La Commission entend néanmoins « introduire des règles pour les passagers aériens qui ont réservé leurs vols via un intermédiaire, y compris en matière de remboursement ». De même, elle veut améliorer la protection des passagers utilisant différents modes de transports dans le cadre de voyages multimodaux, avec de meilleurs droits d'information, « y compris en ce qui concerne les temps minimaux de correspondance entre les différents services de transport », ainsi que « l'assistance du transporteur en cas de correspondance manquée » à condition d'avoir contracté un seul contrat de transport. Bruxelles insiste enfin sur l'assistance qui devra être apportée aux passagers handicapés ou à mobilité réduite, en particulier lors des correspondances.

Laurent Timsit, pour sa part, espère que ces nouvelles dispositions - qui doivent désormais suivre le long processus législatif européen - n'entraînent pas l'abandon d'une précédente révision du règlement EU 261 proposée il y a 10 ans, mais tombée dans les limbes bruxelloises. A son sens, celle-ci contient des dispositions « cruciales », telles que la définition des circonstances exceptionnelles permettant aux compagnies d'être exemptées de verser une indemnisation en cas de retard, ainsi qu'une clarification de certaines jurisprudences de la CJUE notamment pour les indemnisations en cas de retard de plus de trois heures. Enterrer cette révision de 2013 ne semble en tout cas pas la volonté de la Commission qui souhaite la lier à son initiative actuelle.

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Des délais encadrés

Khalid El Wardi se montre bien plus satisfait des propositions faites sur la révision de la directive sur les voyages à forfait, en particulier sur les délais de remboursement qui étaient apparus comme « le point noir durant la période du Covid, où ils ont complètement explosé, durant parfois plusieurs mois. En particulier dans le cas où il y avait un intermédiaire dans la procédure de remboursement. » La Commission veut désormais imposer aux prestataires de services intermédiaires de rembourser les organisateurs de forfaits dans un délai de 7 jours. Cela doit permettre à ces organisateurs, typiquement des agences de voyages et essentiellement des petites et moyennes entreprises (PME), de pouvoir rembourser à leur tour le consommateur dans un délai (inchangé) de 14 jours. Pour limiter les risques pour les voyageurs, il ne pourra leur être demandé de verser un acompte supérieur à 25 % du prix du forfait plus tôt que les 28 jours avant le voyage - sauf certaines exceptions.

Si les organisateurs de voyage proposent des bons plutôt qu'un remboursement, les voyageurs devront être informés clairement qu'ils peuvent exiger un remboursement. Et celui-ci deviendra automatique si le bon n'est pas utilisé durant sa période de validité. Et la Commission ajoute « qu'en outre, les bons et les droits au remboursement seront couverts par une protection contre l'insolvabilité ». Les voyageurs devront aussi être clairement informés de qui est responsable entre les différents prestataires du voyage à forfait en cas de problème.

Léo Barnier

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Commentaire 1
à écrit le 02/12/2023 à 10:11
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Ben oui ils prennent tous l'avions les nababs aux salaires à 5 chiffres qui bossent pour l'UE !

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