
A partir de juillet prochain, les autoroutes qui relient le Nord-est de l'Espagne et le Nord-ouest de la France devraient être (un peu) moins encombrées de poids lourds. Les automobilistes familiers de cet axe Nord-sud ne le savent pas, mais ils devront ce surcroît de tranquillité aux autorités du port de Cherbourg. Celles-ci ont, en effet, lancé mardi 29 août les travaux de construction du terminal de ferroutage, maillon essentiel de la future autoroute ferroviaire longue distance qui raccordera bientôt la pointe du Cotentin au Pays basque.
Réplique occidentale de la liaison Calais-Perpignan lancée en 2017 par la SNCF, cette « route roulante » de 1.000 kilomètres vouée au transport de marchandises sera « la première sur la façade atlantique », comme le rappelle Hervé Morin, président de la Région Normandie contributrice de l'opération. A pleine capacité, la ligne doit ainsi permettre d'exfiltrer du bitume quelque 25.000 camions chaque année, selon les projections de la Brittany Ferries qui l'opérera.
Une pierre dans le jardin du Calaisis
La compagnie bretonne a ferraillé durant plusieurs années avec l'Etat et la SNCF pour faire aboutir ce projet grâce auquel elle espère mordre les mollets de ses rivaux du détroit nordiste.
« Le monopole de Calais ne pouvait plus durer. C'est pourquoi, nous avons renversé la table », a tonné son PDG mardi à Cherbourg, où il assistait à la pose symbolique du premier boulon du terminal.
Jean-Marc Roué veut notamment dérouter vers le rail les transporteurs espagnols et portugais qui acheminent « des pièces industrielles et des produits manufacturés » vers l'Irlande et le Royaume-Uni.
Tout a été minutieusement calculé pour les y inciter, nous assure-t-on. A raison d'un aller-retour quotidien, les trains partiront de Bayonne en fin de journée afin que leur chargement arrive le lendemain matin, juste à temps pour embarquer à bord de l'un des trois ferries de la compagnie desservant le port irlandais de Rosslare. « Les horaires de départ des bateaux ne seront pas modifiés pour ne pas contrarier les passagers (40% du trafic, ndlr) », précise-t-on au sein de la compagnie.
« Cela va marcher »
A première vue, cette offre décarbonée via Cherbourg arrive à point nommé. Depuis que le Royaume-Uni a quitté l'Union européenne, le port normand a multiplié par plus de dix son trafic de poids lourds, vers ou en provenance, d'Irlande, jusqu'à devenir la principale porte d'entrée européenne du pays du trèfle. A quoi s'ajoute l'éclatante santé du marché du transmanche, en croissance de 25% depuis dix ans.
De quoi conforter le PDG de la compagnie bretonne. Si l'intéressé anticipe une montée en charge progressive, il exclut la possibilité d'un flop. « Cela va marcher. En 2006, la FNTR (Fédération nationale des Transports Routiers, ndlr) m'avait prédit un échec pour notre autoroute maritime entre Portsmouth et Bilbao, rappelle-t-il. Ils avaient tort. De 3.500 camions embarqués à l'époque, nous sommes passés à 50.000 aujourd'hui ».
La liaison ferrée Cherbourg-Bayonne connaîtra-t-elle la même trajectoire ? A voir. A l'antenne normande de la FNTR, on affiche néanmoins une certaine circonspection. Bien que son délégué régional affirme être favorable à ce type d'infrastructures, il est loin de parier sur sa réussite commerciale.
« Le ferroutage demeure un maillon faible en France. Même si les objectifs de décarbonation s'imposent à nous, il reste très compliqué de faire coïncider l'offre et la demande en raison du manque de souplesse du fer », confie Samuel Neufville à La Tribune.
A charge pour la Brittany Ferries de faire mentir ce pronostic.
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