Nouvelle illustration du fameux effet « papillon ». Les attaques des rebelles houthis dans le détroit qui relie la Méditerranée à la mer Rouge via le canal de Suez ne font pas que renchérir les prix du transport maritime. Elles chamboulent aussi l'organisation métronomique des terminaux portuaires où sont chargées et déchargées les « boîtes » embarquées sur les navires. Les premiers effets commencent à se faire sentir sur les quais du Havre où les opérateurs de manutention s'attendent à vivre une quinzaine, sinon noire, au moins compliquée. En cause, la désorganisation des lignes maritimes que provoquent les tensions au large du Yémen.
Pour rappel, en 2022, le port du Havre, premier port français pour le trafic conteneurisé et le huitième au niveau européen, a vu transiter 3 millions de conteneurs.
En raison de ces turbulences, les géants du transport maritime mondial modifient, en effet, beaucoup la feuille de route de leurs navires ces derniers temps - et au passage leur heure d'arrivée dans les ports. Par exemple, le français CMA CGM (propriétaire de La Tribune), qui avait délaissé la mer Rouge, a confirmé fin décembre y avoir fait de nouveau circuler « certains navires ». Dans un message à ses clients, il a également annoncé son intention « d'augmenter de façon progressive le transit » de ses bâtiments par le canal de Suez. De leur côté, le Chinois Cosco et le Danois Maersk ont choisi de dérouter, jusqu'à nouvel ordre, l'ensemble de leur flotte par le Cap de Bonne Espérance au prix d'un allongement du temps de trajet.
Cette approche différenciée des armateurs donne quelques cheveux blancs aux opérateurs des terminaux portuaires (et en aval aux entreprises qui attendent d'expédier ou de recevoir des marchandises). « Ce qui est compliqué pour nous, c'est la non constance et la mixité des stratégies des grandes compagnies maritimes même si leurs approches sont complètement légitimes », reconnaît Nathalie Wagner, directrice commerciale de la Générale de Manutention Portuaire (GMP) qui gère plusieurs terminaux au Havre.
Un risque d'engorgement
A la clef, des arrivées en ordre dispersé et des embouteillages à prévoir à l'arrivée au port pendant au moins les deux prochaines semaines. « Concrètement, deux ou trois navires d'une ligne peuvent se présenter quasi-simultanément là où un seul était prévu », illustre Kris Danaradjou, numéro 2 d'Haropa Port, l'établissement public qui administre les grands ports de la Seine. Cet afflux imprévu risque d'être difficile à gérer pour la GMP, admet sans détour Nathalie Wagner. « Deux grosses escales la même semaine, c'est trop ».
Pour éviter l'embolie, la société a mobilisé 150 équipes (de 14 dockers chacune) jusqu'à la fin du mois, presque 60 de plus qu'en temps ordinaire à cette époque de l'année. Elle a également mis en place des solutions de stockage « de semi-longue durée (des conteneurs ndlr) pour désengorger le terminal principal ». Malgré ces efforts, sa directrice commerciale n'exclut pas des difficultés, notamment pour les denrées alimentaires qui ne souffrent pas d'attendre. « On espère que l'on va réussir à lisser l'activité grâce à notre plan B mais il pourrait y avoir quelques petites complications », admet-elle.
Du côté des autorités portuaires havraises, on se veut néanmoins rassurant. « Cette situation n'a rien à voir avec la congestion que nous avons connu dans la période post Covid, jure le directeur adjoint d'Haropa Port. C'est d'autant plus vrai que le mois de janvier est traditionnellement une période creuse pour le transport maritime ». Reste à espérer que l'incertitude ne se prolonge pas indéfiniment en mer Rouge... ce qui pour l'instant n'en prend pas le chemin. Pour mémoire, hier encore, un missile des rebelles houthis a frappé un navire américain qui croisait au large du Yémen.
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