Transport fluvial : le port du Havre exhume un projet de chenal vieux de vingt ans

C’est une bizarrerie à l’heure de la transition écologique. Aujourd’hui, il circule deux fois et demi moins de marchandises sur la Seine que dans les années 70. En réponse, le port du Havre vient de donner le coup d’envoi d’un projet vieux de près d’un quart de siècle. Il engage la construction d’un chenal entre le fleuve et la mer dans l’espoir de faire transiter plus de conteneurs sur la voie d’eau.
Les barges fluviales les plus capacitaires peuvent transporter l'équivalent du chargement de 250 camions.
Les barges fluviales les plus capacitaires peuvent transporter l'équivalent du chargement de 250 camions. (Crédits : DR)

La coïncidence n'est probablement pas fortuite. Alors que le ministre de la transition écologique vient de lancer à Paris l'élaboration d'une « stratégie nationale pour le transport fluvial », les lignes bougent déjà à l'aval de la capitale. Depuis quelques jours, le port du Havre a engagé les travaux préliminaires d'un chantier attendu par les mariniers depuis près de vingt ans. En fait, depuis l'inauguration en 2006 des terminaux à conteneurs de Port 2000.

Joliment baptisée chatière, cette opération à 125 millions d'euros financée aux deux tiers par la Région Normandie va consister à construire une digue de protection deux kilomètres de long entre le canal de la Seine et ces quais en pleine mer. Objectif : permettre aux barges fluviales d'accéder directement au pied des porte-conteneurs sans craindre un chavirage.

Aujourd'hui, seule une petite dizaine de navires sur la centaine qui circulent sur la Seine peuvent se frayer un chemin jusqu'à ces géants des mers dont le commerce mondial ne sait plus se passer. Et encore, la route leur a été barrée un tiers de l'année lorsque la houle est trop forte. Conséquence, les conteneurs qui débarquent à Port 2000 doivent d'abord embarquer à bord d'une navette ferroviaire direction le terminal multimodal situé en bord de Seine où ils peuvent être chargés sur une barge. Pas simple.

Les conteneurs n'aiment pas l'eau douce

La manœuvre compliquée et coûteuse conduit nombre d'importateurs à préférer la route pour rallier l'énorme bassin de consommation francilien. « Le terminal multimodal est un bel outil que l'on nous envie mais il n'a pas eu l'effet escompté sur le trafic fluvial », reconnaît Juliette Duszinski, cheffe du service développement de la voie d'eau chez Voies Navigables de France (VNF) pour le bassin de la Seine. « Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'a pas fait exploser le report modal », ironise en écho Louis Bonnefon, directeur des activités logistiques et fluviale de la compagnie Marfret.  Difficile de lui donner tort.

Malgré la création de cet équipement il y a dix ans, le trafic des conteneurs de l'aval à l'amont de la Seine plafonne à un niveau epsilonesque. Aujourd'hui, les « boîtes » représentent à peine 6% des marchandises transportées sur le fleuve où transitent essentiellement des céréales et des matériaux et des déblais de la construction (dont ceux du chantier du grand Paris en ce moment).

Vers un changement d'échelle ?

Espérée dans deux ans, la mise en service de la chatière changera la donne ? A voir. Mais chez VNF, on identifie plusieurs signaux laissant espérer un regain d'intérêt pour la voie d'eau. A commencer par le milliard d'euros d'investissement programmé pour moderniser et agrandir les écluses vieillissantes  de la Seine. Les armateurs apportent aussi leur pierre à l'édifice. Le triplement du nombre de conteneurs promis par MSC à Port 2000 pourrait stimuler le trafic de même que la décision de CMA CGM (propriétaire de La Tribune) d'aligner le coût du recours aux barges sur celui des camions, historiquement moins cher. « Les planètes s'alignent », veut croire Juliette Duszinski.

Du côté des armateurs fluviaux, le ton est plus réservé. Echaudés par le peu d'attention prêté à leur profession ces dernières décennies, ils se gardent bien de prédire des lendemains chantants. « Croire que la chatière aura des pouvoirs magiques serait une erreur. Ce n'est qu'un outil, pas un but en soi, tempère par exemple Louis Bonnefon chez Marfret. Pour espérer massifier, il faudra d'abord emporter l'adhésion de tous les acteurs ». Façon de dire que le temps perdu ne se rattrapera pas en un jour.

Une question à 25 millions d'euros

Il se rattrapera d'autant moins que les travaux de l'accès fluvial à Port 2000 prennent du retard. En cause, le recours intenté en octobre dernier par les pêcheurs et plusieurs ONG environnementales contre la chatière au nom de la préservation de l'écosystème de l'estuaire. Non seulement, la procédure suspend la construction de la digue proprement dite mais elle pourrait aussi priver le port du Havre de tout ou partie de la subvention de 25 millions d'euros que lui a alloué l'Union Européenne, même en cas de feu vert du juge du tribunal administratif.

Pour être effectivement versée, la somme en question doit, en effet, être dépensée avant la fin de cette année ce qui n'est pas gagné d'avance. Les autorités portuaires ont eu beau lancer les travaux préparatoires, il est à craindre que l'enveloppe promise par Bruxelles « ne soit pas consommée à la date prévue », selon une source bien informée. « L'objectif demeure d'engager au maximum les travaux cette année, afin de préserver le bénéfice de la participation européenne », affirme pourtant la direction d'Haropa Port en réponse à la question de La Tribune. A défaut, il lui faudra aller chercher l'argent manquant dans d'autres poches. Mais lesquelles ? ...

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Commentaires 2
à écrit le 21/02/2024 à 18:33
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C'est vrai qu'on ne voit pratiquement jamais de bateaux ou de péniches sur le majestueux canal qui relie l'arrière port du Havre à Tancarville, lequel canal est vraisemblablement destiné à faire éviter l'estuaire de la Seine aux péniches. Et a été co...

le 22/02/2024 à 12:47
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quel est le socialiste qui a interdit la construction de péniche en france pour une preference pour les camions et quel sont les autre idiots qui ont sacrifier le transport fere et quel sont les autre qui ont voulu un péage des camions si ceci n'...

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