Bus, bennes à ordures ménagères : Dijon Métropole investit massivement dans la mobilité hydrogène

À horizon 2030, ce sont 45 bennes à ordures ménagères et 180 bus à hydrogène qui circuleront dans la Métropole dijonnaise, soit le plus ambitieux projet mené en France autour de la filière hydrogène.
(Crédits : Dijon Metropole)

« Il n'y a pas d'équivalent d'une telle taille et d'une telle vision industrielle en France ! », assure Nicolas Aumar, directeur de Rougeot Énergie, créateur d'écosystème hydrogène et partenaire majeur de Dijon Métropole dans ce projet. Celui-ci se déploie sur dix ans, avec à terme, le remplacement des véhicules lourds de la collectivité roulant au gaz ou hybrides, en véhicules à hydrogène.

« Ce n'est pas un démonstrateur, ni un prototype mais le premier projet en France qui s'engage jusqu'au stade industriel, avec des enjeux de disponibilité nécessaire. Il faut que l'hydrogène fonctionne pour assurer la continuité de service », poursuit-il.

Comptant parmi les onze lauréats de l'appel à projet national « Écosystèmes et mobilité hydrogène » lancé par l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), la métropole dijonnaise entame la construction d'une première station à hydrogène, dont le coût global est estimé à 7,5 M€. L'Ademe cofinancera l'installation et l'infrastructure à hauteur de 1,8 M€ et 1,6 M€ pour les véhicules. D'autres stations suivront avec un budget total évalué à 180 M€ d'ici 2028. La création de cette première unité est portée par Dijon Métropole et l'entreprise Rougeot Énergie dans le cadre d'une SAS (Société par action simplifiée), baptisée Dijon Métropole Smart Energhy (DMSE), désormais rejoints par l'énergéticien Storengy, filiale d'Engie. Le projet sera accompagné par Keolis, délégataire pour les transports publics du territoire.

« Le principal défi de ce projet est la concertation permanente entre les partenaires. Certes, nous sommes concepteurs - et c'est déjà un grand défi sur ces technologies nouvelles - mais nous devons systématiquement trouver un consensus technique », témoigne Nicolas Aumar.

Maquette de la station de distribution

Une production en circuit ultra-court

La métropole dijonnaise n'avait pas attendu le plan de relance pour initier ce projet ambitieux. Ce dernier est le fruit de plusieurs éléments convergents - dès 2019 - vers un même objectif : réduire les gaz à effet de serre pour anticiper les futures obligations légales de Bruxelles. « Après avoir fait rouler nos bennes et nos bus au gaz naturel, puis avec des systèmes hybrides, nous nous sommes posés la question de savoir quelle était la meilleure motorisation possible en termes d'impact sur l'environnement et d'adaptation à l'usage », rappelle Jean-Patrick Masson, vice-président de Dijon Métropole en charge de la transition écologique.

« Par rapport à un véhicule électrique à batterie classique, les véhicules à hydrogène ont une plus grande autonomie, une plus grande charge utile, et un temps de ravitaillement plus court. De plus, ils ne rejettent que de l'eau, et génèrent zéro bruit, zéro gaz à effet de serre et zéro particule. »

La meilleure option semble se diriger vers l'hydrogène. Encore faut-il être en capacité de produire une énergie propre. La production d'hydrogène par électrolyse nécessite beaucoup d'électricité. Il se trouve que l'usine d'incinération des déchets de Dijon Métropole et son turbo-alternateur sortait tout juste du système de l'obligation d'achat des énergies renouvelables par EDF.

« Notre contrat de revente d'électricité s'est arrêté. Nous nous sommes alors demandé comment valoriser au mieux cette source d'énergie de nouveau disponible », se souvient Jean-Patrick Masson. La solution s'est rapidement imposée : en produisant de l'hydrogène !

À côté de cette unité de valorisation énergétique, le projet prévoit d'implanter une unité de production d'hydrogène par électrolyse de l'eau, ainsi qu'une station-service de distribution de cet hydrogène.

« Au premier janvier 2022, cette station sera opérationnelle. Elle sera dédiée aux huit premières bennes à ordures et ouverte à d'autres véhicules hydrogène destinés au grand public », confie Jean-Patrick Masson.

Le projet a été pensé dans son intégralité selon le concept de l'économie circulaire : les déchets sont collectés par les bennes à ordures, puis incinérés pour générer de l'électricité verte à l'unité de valorisation énergétique de Dijon, ensuite l'électrolyse de l'eau produit de l'hydrogène qui sert à alimenter les bennes à ordures. « L'idée est de montrer que nous faisons profit du maximum de l'énergie et des possibilités déployées sur notre territoire », souligne Jean-Patrick Masson.

Usine d'incinération de Dijon

Anticiper des usages futurs

« Nous installons deux stations et allons investir dans 230 véhicules lourds en très peu d'années : 30 véhicules par an, sur huit ans. Aucun autre gestionnaire de réseau ne suit un tel rythme ! », constate Jean-Patrick Masson.

La politique menée par la métropole dijonnaise réside dans des investissements massifs afin d'obtenir de véritables résultats économiques et écologiques. Objectif : 1 750 tonnes équivalent CO2 épargnées par an. Ces investissements sont un pari pour l'avenir. Investir massivement permet à la métropole dijonnaise de jouer sur les prix car les véhicules à hydrogène ont un surcoût non négligeable. Un bus à hydrogène est au moins deux fois plus coûteux qu'un bus à moteur thermique classique (ndlr, environ 650 000) et ne sera amorti qu'au bout de 14 ans.

Pour une benne à ordure ménagère à hydrogène et sa maintenance durant cinq ans, il faut ajouter 350 000 euros par rapport à une benne à ordure ménagère à moteur thermique classique, soit au total 550 000 euros.

« Nous souhaiterions effectuer des groupements d'achats pour acheter des flottes avec d'autres collectivités ou partenaires privés », confie Jean-Patrick Masson.

La métropole dijonnaise compte engager des achats de véhicules légers au fur et à mesure du remplacement de sa flotte captive. Le potentiel de production d'hydrogène de la future station est relativement important. « S'il faut mettre un deuxième électrolyseur une fois que l'infrastructure sera en place, nous investirons », assure Jean-Patrick Masson. Investir massivement permet également de réaliser des économies d'échelle en termes de fonctionnement.

« L'hydrogène nécessite des équipements spécifiques dans les ateliers pour la maintenance, le stockage, et la distribution », précise Jean-Patrick Masson. Investir massivement permet d'aider à l'émergence d'une filière hydrogène en région Bourgogne-Franche-Comté, très moteur sur le sujet. « Grâce à ce projet ambitieux, Dijon Métropole contribue à accompagner la mutation nécessaire de sa branche industrielle dans une stratégie régionale ouverte sur l'Europe », conclut Jean-Patrick Masson. Les constructeurs automobiles - dont les sous-traitants sont très présents en Franche-Comté - et même de trains s'y intéressent de près. C'est pourquoi, l'autre station prévue pour 2023, uniquement réservée à l'approvisionnement des bus en hydrogène a été positionnée à côté d'un embranchement SNCF afin de pouvoir ravitailler les futurs trains à hydrogène commandés par la Région. « Nous essayons d'anticiper des usages futurs », souligne Jean-Patrick Masson. Ce qui éviterait l'électrification de certaines lignes secondaires qui fonctionnent toujours au fioul.

Vers un parc de véhicules mixtes

 « Pour la transition écologique, l'hydrogène est le vecteur qui nous manquait ! Ce sont les territoires qui s'emparent de ces projets qui les concernent directement. On le voit déjà, ils avancent plus vite que s'ils venaient de Paris ou de Bruxelles », constate Christophe Rougeot, président du groupe de BTP éponyme.

« Nous croyons fermement dans les écosystèmes utilisant l'hydrogène vert, c'est-à-dire produit à partir de sources renouvelables. Une réappropriation de l'écosystème territorial par les collectivités est en marche. Nous sommes persuadés que ce modèle se dupliquera sur toute la France métropolitaine et jusqu'aux Dom Tom où de nombreux projets émergent », ajoute Nicolas Aumar.

Toutes les parties ont bien compris qu'il y avait un enjeu complémentaire à celui du véhicule électrique, un tournant à prendre. « En 2002, nous avions choisi pour notre flotte de bus et de bennes à ordures ménagères de rouler au gaz naturel. Dix ans après, nous avons opté pour les bus hybrides. Encore une décennie plus tard, nous investissons dans les bennes et bus à hydrogène en pariant sur cette autre solution à moindre impact écologique. Peut-être que dans dix ans, une perspective encore meilleure émergera », souligne Jean-Patrick Masson. Pour lui, la solution résiderait plutôt dans un modèle de parc de véhicules mixtes avec de l'électrique, de l'hydrogène et du gaz naturel. « On bascule, mais on ne peut pas basculer d'un seul coup vers un modèle unique. »

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Commentaires 3
à écrit le 14/04/2021 à 17:38
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de 1095 à 1953 , les ordures à Paris étaient ramassées tous les jours par de camions à propulsion électrique , déjà à l'époque on n'avait pas besoin du dihydrogène pour ce service , et depuis la technologie batteries ( pas de Li Ion) , moteur, pneus ...

à écrit le 14/04/2021 à 5:24
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Les habitants vont voir leurs taxes valser en plus des remboursements dus a l'etat pour payer la gabegie du corona.

le 14/04/2021 à 7:14
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Tiens, Grincheux est de sortie.

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