Carottes, chardons, graines de sapin… Quand la cosmétique se convertit aux circuits courts

Confrontée à l’interdiction de certaines substances et au changement des habitudes de consommation, l’industrie de la beauté cherche de nouvelles recettes à sa porte.
L'industrie de la beauté se tourne vers les ressources locales pour remplacer les molécules issues de la pétrochimie et les actifs naturels aujourd'hui majoritairement importés.
L'industrie de la beauté se tourne vers les ressources locales pour remplacer les molécules issues de la pétrochimie et les actifs naturels aujourd'hui majoritairement importés. (Crédits : DR)

On la connaît râpée en cuisine. La carotte est aussi en passe de s'inviter aussi dans nos salles de bains. L'industriel normand de la cosmétique IPB Brokers installé dans le Perche s'est allié au groupe coopératif agricole Agrial (Caen) pour concevoir une nouvelle gamme de produits de beauté à base de caroténoïdes : ces molécules gorgées de vitamine A qui confèrent leur couleur orangée à nombre de légumes. A l'origine de ce partenariat inhabituel, la volonté de la coopérative de trouver un nouveau débouché pour les milliers de carottes envoyées au rebut parce que mal calibrées ou présentant des défauts.

« Agrial a calculé qu'environ 6.000 tonnes de carottes produites par ses adhérents finissaient chaque année au pire dans des incinérateurs, au mieux dans des méthaniseurs », indique Paul-Henry Neyt, directeur général d'IPB Brokers.

De ce constat, est né un programme de recherche dénommé V2C comme « Valorisation des co-produits végétaux en cosmétiques » auquel ont été associés deux laboratoires académiques des universités de Rouen et du Havre. « Nous avons identifié les molécules d'intérêt et trouvé le moyen de les synthétiser », résume le docteur Ecaterina Gore, spécialisée en sciences des aliments au sein du labo havrais Urcom. La collaboration entre industriels et chercheurs s'est révélée féconde.

Dans quelques jours, la Savonnerie de la Chapelle, appellation commerciale d'IPB Brokers, lancera sur le marché une gamme de produits de soin à base de carottes sous la marque Rosidae. « L'objectif est à terme d'utiliser tout le gisement de la coopérative mais aussi d'élargir la coopération à d'autres coproduits végétaux que n'utilise pas Agrial comme par exemple la chair de la mangue qui entoure le noyau difficilement intégrable dans des préparations alimentaires », détaille Paul-Henry Neyt.

A la chasse aux actifs verts

Le projet V2C est loin d'être unique. Un peu partout, la cosmétique recherche des ressources locales pour remplacer les molécules issues de la pétrochimie ou les actifs naturels aujourd'hui majoritairement importés.

« Nous sommes dans une période d'effervescence incroyable marquée par un regain d'intérêt pour les circuits courts et une augmentation des collaborations scientifiques pour les mobiliser », observe Christophe Masson, directeur de la Cosmetic Valley, le lobby français de la branche.

Témoin, cet autre programme dénommé Agriwastevalue conduit par AgroParisTech qui mise lui sur les coproduits de l'arboriculture et de la viticulture. Objectif : développer des formulations cosmétiques à partir des tailles de pommiers, de vignes et de poiriers du Nord-Ouest de l'Europe. Même approche en Centre Val de Loire où un consortium de laboratoires et d'entreprises s'intéresse au chardon Marie et au lin dans l'idée de mettre au point des extraits végétaux pour l'industrie de la beauté. Autre exemple en Lorraine où la société Biolie, alliée à l'université de Nancy, fabrique une huile à partir de graines de sapins des Vosges vantée pour ses vertus anti-âge.

« Dans le collimateur »

Ces démarches, de plus en plus fréquentes, ne visent pas qu'à satisfaire les nouvelles exigences de la génération Z. Pour Marc-Antoine Jamet, secrétaire général de LVMH, elles sont aussi commandées par un durcissement de la réglementation à l'endroit de l'industrie de la beauté. « Même si elle ne figure pas parmi les principaux pollueurs, elle est dans le collimateur parce qu'elle n'est pas encore perçue comme une filière à part entière à Bruxelles. Par conséquent, elle devient un excellent terrain d'atterrissage pour les règlements les plus durs », déplore celui qui est aussi président de la Cosmetic Valley.

Entre autres menaces, le secteur pourrait notamment être fortement impacté par le nouveau règlement européen concernant l'interdiction de produits issus de la déforestation. Celui-ci a déjà contraint nombre d'industriels de la cosmétique à bannir l'huile de palme de leurs procédés mais la mesure pourrait s'étendre à d'autres végétaux à la provenance discutable, a prévenu l'autre jour la directrice adjointe au commissariat général au développement durable devant les entrepreneurs réunis au congrès Cosmetic Safety&Environment qui se tenait au Vaudreuil dans l'Eure. « Il est fort possible que le règlement concerne aussi demain le karité, la noix de coco et le jojoba que vous utilisez beaucoup », les a alertés Diane Simu. Une autre invitation à préférer les circuits courts.

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Commentaire 1
à écrit le 17/07/2023 à 14:33
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Il serait temps en effet de surveiller les perturbateurs endocriniens qui se sont retrouvés dans la plupart de nos produits de consommation alimentaires et non alimentaires on ne sait pas comment franchement. Qui a pu autoriser cela ? Cela mériterait...

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