En 2020, pas de rénovation énergétique des bâtiments efficace sans le déploiement d'une infrastructure numérique

OPINION. Engager un vaste plan de rénovation thermique fait sens évidemment, mais nous ne pouvons que regretter à ce jour l'absence de mention précise au numérique dans ce projet. Par Emmanuel François, Président de la Smart Buildings Alliance for Smart Cities.
(Crédits : Andrey Popov - Fotolia.com)

Au sein du plan de relance de 20 milliards d'euros pour la transition écologique, le premier ministre Jean Castex fait la part belle à la rénovation thermique des bâtiments. Marjolaine Meynier-Millefert, députée (LREM), co-animatrice du plan de rénovation énergétique des bâtiments, soutient ce plan, mettant par ailleurs en avant le volet emploi de ce programme, de même que sa pertinence pour tenir les engagements climat de l'Accord de Paris.

Engager un vaste plan de rénovation thermique fait sens évidemment, mais nous ne pouvons que regretter à ce jour l'absence de mention précise au numérique dans ce projet, alors qu'il fut au cœur de notre vie pendant toute la crise sanitaire et qu'il est aujourd'hui à l'origine des grandes transformations sociétales que nous vivons actuellement.

Comment favoriser le développement du télétravail, de l'e-santé, de l'e-commerce, de l'e-mobilité (décarbonée), du partage des espaces pour optimiser l'utilisation du parc immobilier existant ... sans numérique ? Et comment, sans numérique, imaginer le pilotage énergétique dynamique de bâtiments et de quartiers, aussi appelé « Smart Grids », alors même que la mobilité électrique s'invite progressivement dans notre paysage urbain ? Évidemment, il va être nécessaire d'assurer cette gestion active des bâtiments à horizon 5 à 10 ans pour répondre aux enjeux d'équilibrage des réseaux d'énergie.

La vision d'une rénovation thermique limitée à l'isolation est de fait trop restreinte et ne permettra pas de répondre aux grands enjeux de société actuels, qu'ils soient économiques, environnementaux ou sociétaux. Elle doit impérativement intégrer la mise en place de solutions de pilotage énergétique asservies aux usages des bâtiments, et notamment à la présence des usagers, qui permettent déjà d'assurer pas loin de 25% d'économie d'énergie. On ne peut donc plus aujourd'hui ignorer ce paramètre, qui concerne à la fois le pilotage de la production de chaud ou de froid (chaufferie/ groupe froid...) ainsi qu'aux éléments terminaux (radiateurs, ventilo convecteurs ...).

Nous n'opposons pas la rénovation thermique au pilotage énergétique, mais l'une doit être assortie à l'autre, et dans un certain ordre. La rénovation énergétique doit s'appuyer en premier lieu sur la mise en œuvre d'une infrastructure numérique mutualisée pour l'ensemble des services au bâtiment et à ses occupants. Elle doit permettre de le « monitorer », c'est à dire le surveiller de manière permanente et automatique, afin, d'une part, de mieux évaluer son comportement énergétique, et de prendre ensuite les bonnes mesures, comme par exemple son isolation. Il y a bien une logique à envisager le déploiement de l'infrastructure numérique en amont des solutions de pilotage énergétique !

Par ailleurs, cette infrastructure et les données qui en sont issues seront utiles pour de multiples autres services comme le suivi des personnes dépendantes, la sécurité des biens et des personnes, le confort, la santé, la maintenance des équipements du bâtiment... avec à la clé des économies d'échelle conséquentes.

Concernant les bâtiments vétustes, ces fameuses « passoires thermiques » pour lesquels les coûts d'une rénovation passive seraient très élevés voir dissuasifs, une rénovation énergétique commençant par son pilotage de l'énergie, dont le coût est de 10 à 15 fois moindre, permettrait un confort énergétique immédiat avec des économies d'exploitation importantes et instantanées de 20 à 30%. C'est tout l'enjeu du nouveau décret relatif « au système d'automatisation et de contrôle des bâtiments non résidentiels et à la régulation automatique de la chaleur » dont il faut faire la promotion auprès des collectivités territoriales et des maîtrises d'ouvrages privées, en s'appuyant préalablement sur une infrastructure numérique mutualisée et ainsi éviter la multiplication de silos de données non interopérables.

Pour toutes ces raisons, il n'est donc pas envisageable, en 2020, de lancer un plan de rénovation énergétique des bâtiments sans une approche globale intégrant le déploiement d'une infrastructure numérique et prenant en compte a minima l'échelle du quartier. Intégrer les solutions numériques au plan de rénovation thermique des bâtiments est une formidable opportunité : mieux répondre aux enjeux climat tout en réinventant l'éco-système du bâtiment et du territoire, en le rendant plus durable, et imaginer une ville de demain centrée sur l'usager.

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