Justice : les accusations de tromperie climatique visant les entreprises bondissent

Au global, le nombre de nouveaux recours en justice liés au changement climatique s'est quelque peu tassé dans le monde l'an dernier, selon une étude de l'Institut Grantham de recherche sur le changement climatique et l'environnement. En revanche, les accusations de tromperie contre les entreprises bondissent.
L'Institut Grantham de recherche sur le changement climatique et l'environnement dénombre quelque 2.341 procédures judiciaires liées au climat à travers le monde (Photo d'illustration).
L'Institut Grantham de recherche sur le changement climatique et l'environnement dénombre quelque 2.341 procédures judiciaires liées au climat à travers le monde (Photo d'illustration). (Crédits : Eric Gaillard)

L'Institut Grantham de recherche sur le changement climatique et l'environnement dénombre quelque 2.341 procédures judiciaires liées au climat à travers le monde au total, dont 190 nouvelles sur les douze derniers mois (juin 2022-mai 2023). Ainsi, le nombre de nouveaux recours en justice liés au changement climatique s'est quelque peu tassé dans le monde l'an dernier, selon cette étude de référence publiée ce jeudi.

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Le nombre de nouveaux dossiers pourrait être en train de « ralentir » après un pic enregistré en 2021. Ce ralentissement pourrait s'expliquer par la fin de la présidence Trump aux Etats-Unis, le pays qui compte de loin le plus gros nombre de dossiers, avancent-ils. Signe de cette diversification, de nouvelles affaires ont été identifiés dans sept nouveaux pays au cours des douze derniers mois : Bulgarie, Chine, Finlande, Roumanie, Russie, Thaïlande et Turquie.

Des entreprises accusées de promesses trompeuses

En revanche, « la diversité [des dossiers] augmente toujours », notent les spécialistes de l'institut britannique. Les affaires peuvent en effet émaner de particuliers ou d'ONG, viser le gouvernement, une entreprise ou une entité comme la FIFA. Elles peuvent s'attaquer au manque d'ambition climatique, à sa mise en œuvre par l'Etat jugée défaillante, ou encore à une prise en compte jugée insuffisante du risque ou peuvent encore chercher des compensations financières.

Le rapport note une tendance de fond : la progression ces dernières années des recours en justice contre les entreprises accusées de promesses trompeuses ou de ne pas mettre en œuvre les efforts promis en matière de climat - le climate washing. On en dénombrait 26 en 2022 et 27 en 2021, contre seulement 9 en 2020 et 6 en 2019.

« Les affaires liées à la mauvaise information ou à la désinformation en matière de changement climatique sont loin d'être nouvelles », observent les auteures du rapport, Joana Setzer et Kate Higham, citées dans un communiqué.

« Mais ces dernières années, on a vu une explosion des dossiers de climate washing arrivant devant les tribunaux ou des entités administratives telles par exemple que les agences de protection des consommateurs », ajoutent-elles.

Une première norme pour rendre les déclarations plus fiables

Ces affaires de climate washing, version plus spécifiquement climatique du greenwashing ou écoblanchiment, attaquent entre autres les allégations jugées abusives de « neutralité carbone ». Parmi les exemples récents, plusieurs fonds de pension poursuivent Volkswagen et des ONG jugent trompeuses les affirmations de la FIFA, selon laquelle la Coupe du monde de football au Qatar aurait été « neutre » en carbone. Une autorité suisse indépendante a récemment jugé cette allégation « déloyale ».

La publication de cette étude intervient alors qu'une première norme pour rendre plus fiables les déclarations d'émissions carbone des entreprises a été dévoilée lundi 26 juin. L'organisme qui gère les normes comptables en usage dans 140 pays et juridictions a en effet publié ses premières normes extra-financières, dont une très attendue pour harmoniser les chiffres d'émissions de gaz à effet de serre des entreprises.

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Aujourd'hui, la plupart des grandes entreprises déclarent la quantité de tonnes de carbone elles rejettent dans l'atmosphère chaque année. Néanmoins, ces déclarations sont en général peu fiables. Ce flou nourrit de généreuses stratégies de communication associables à du greenwashing, faisant passer les entreprises pour plus vertueuses qu'elles ne le sont réellement.

« Un langage commun »

Pour tenter d'imposer une règle universelle, les fondations IFRS, gestionnaires des normes comptables du même nom, ont lancé à la COP26 en 2021 un Conseil des normes extracomptables internationales (ISSB). Présidé par l'ancien patron de Danone Emmanuel Faber, il a dévoilé ses deux premières normes, applicables à partir de 2024.

Objectif affiché, faire en sorte que les investisseurs aient des données fiables pour savoir s'ils investissent dans des entreprises très exposées au risque climatique et comment leur portefeuille d'actions peut en souffrir : par exemple concernant un équipementier automobile face à la perspective d'interdiction des voitures thermiques neuves dans l'Union européenne en 2035.

Les normes assureront « que ce qu'elles font en réalité est détaillé dans un langage qui est commun à toutes les entreprises », a expliqué à l'AFP Emmanuel Faber, qui revendique l'avènement d'une comptabilité carbone.

La nouvelle norme climat, baptisée IFRS S2, définit la manière dont les entreprises devront comptabiliser leurs émissions directes et indirectes, en s'appuyant sur une méthode déjà largement utilisée mais pas obligatoire, le Greenhouse Gas Protocol. La norme obligera les entreprises à faire auditer leurs chiffres carbone, et à définir au plus haut niveau une stratégie en matière de climat.

Des pays semblent bien partis pour rendre cette norme obligatoire au Japon, Royaume-Uni, Singapour, Hong Kong, Brésil, Nigeria... a énuméré Emmanuel Faber, qui espère que la Chine, deuxième puissance économique mondiale, l'appliquera aussi. L'Union européenne développe ses propres normes au périmètre beaucoup plus ambitieux, incluant la biodiversité ou les droits humains. Mais les normes devraient être compatibles, espère l'ISSB, qui s'attaquera à ces autres domaines ensuite.

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L'ISSB ne va pas aussi loin que d'autres, comme le Royaume-Uni et l'UE, mais avoir une standardisation de base est une bonne chose, estime Kate Levick, experte du sujet au centre de réflexion E3G, car elle pourrait permettre d'éviter « le cauchemar », pour les multinationales, d'avoir à respecter autant de normes que de pays. « Tout l'objectif est de faire rendre des comptes aux entreprises », résume-t-elle.

(Avec AFP)

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Commentaire 1
à écrit le 29/06/2023 à 14:35
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C'est bien mais il est quand même dommage que ce ne soit pas il y a 50 ans que l'on interdise la publicité de façon générale, une bonne entreprise devrait vendre sur ses compétences, sa ligne de conduite, sur sa réputation, sur la qualité de ses prod...

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