Les fermes verticales d'Infarm s'installent dans les magasins français

L'entreprise allemande est désormais présente dans une quarantaine de points de ventes en France. La plupart d'entre eux disposent de micro-fermes propres, afin de vendre des plantes, véritablement, à kilomètre zéro. Comme pour la plupart des fermes verticales, la consommation énergétique et la rentabilité restent toutefois des enjeux problématiques et peu transparents.
Giulietta Gamberini
Les 23 variétés de plantes proposées en France ne contiennent ni de pesticides chimiques ni d'OGM, et sont vendues aux prix du bio.
Les 23 variétés de plantes proposées en France ne contiennent ni de pesticides chimiques ni d'OGM, et sont vendues aux prix du bio. (Crédits : DR)

Les startups spécialisées dans les fermes verticales s'imposent progressivement dans le paysage français de l'agriculture urbaine. C'est le cas d'Infarm, arrivée d'outre-Rhin il y à moins de deux ans, et désormais bien implantée en région parisienne.

Née à Berlin en 2013, à l'initiative de trois jeunes Israéliens, l'entreprise mise dès le début sur un modèle original: l'implantation de fermes verticales à l'intérieur même des magasins qui en vendent les produits, afin de proposer des herbes aromatiques et des micro-pousses ultra-fraîches cultivées véritablement à kilomètre zéro. Dès 2015, l'enseigne Métro a adhéré au concept dans un magasin berlinois, permettant à l'entreprise de le tester en conditions réelles. Plusieurs levées de fond lui ont en même temps permis de le standardiser, puis de se développer à l'étranger.

Une levée de fonds de 170 millions de dollars

Aujourd'hui, Infarm est présente dans 10 pays: l'Allemagne, le Canada, le Danemark, les Etats-Unis, la France, le Japon, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suisse, où ses 700 salariés travaillent pour une trentaine d'acteurs de la grande distribution. Une toute récente levée de fonds en série C de 170 millions de dollars, réalisée pendant la pandémie de Covid-19, a porté le financement total de l'entreprise à plus de 300 millions de dollars.

Ses légumes sont cultivés à l'intérieur en hydroponie: leurs racines baignent dans l'eau, ce qui leur apporte divers nutriments. L'optimisation des conditions de lumière, de température et d'humidité, contrôlées par des systèmes informatisés, accélère les cycles de production. La culture sur plusieurs étages permet de rentabiliser chaque mètre carré de sol urbain.

Sept partenaires en France

En France, Infarm a été lancée en août 2018, encore une fois grâce à l'enseigne Métro qui, dans son entrepôt de Nanterre, y a installé une ferme de 80 mètres carrés sur 3,5 mètres de haut: la plus grande d'Europe aujourd'hui, selon la startup. 4 tonnes d'herbes aromatiques et de micro-pousses en sortent chaque année.

Mais en deux ans, les partenaires se sont multipliés: de Carrefour à Casino, en passant par E. Leclerc, Intermarché, Système U, et plus récemment Monoprix. Grâce à ces nombreux partenariats, mais aussi au confinement, qui a fait croître la demande d'herbes aromatiques, pendant la dernière année la filiale française a vu son chiffre d'affaires s'envoler, en croissant de plus de 250%. Elle compte désormais une trentaine de salariés.

Des fermes dans les espaces de vente des magasins

Les 23 variétés de plantes proposées en France sont sur les rayons d'une quarantaine de points de vente, tous situés en région parisienne, afin d'être au plus près de la demande urbaine. 34 d'entre eux intègrent des fermes, dont la taille est modulable, en surface au sol comme en hauteur.

"Nous sommes en mesure de les construire en moins de six mois, en partant d'un entrepôt vide", souligne Florian Cointet, responsable de l'activité d'Infarm en France.

La production y atteint des dizaines de tonnes par an. Parfois, les plantes sont même produites dans des micro-fermes situées à l'intérieur de l'espace de vente du magasin, bien visibles dans des placards transparents de 2 mètres carrés au sol et de plus de 2 mètres en hauteur. Si les clients ne peuvent pas se servir eux-mêmes, la récolte étant assurée par des salariés d'Infarm deux fois par semaine, ils peuvent néanmoins voir les herbes pousser. 700-800 plantes en sortent chaque semaine. Moins d'une dizaine de points de production sont approvisionnés par la ferme centrale d'Infarm située à Villeneuve-la-Garenne.

Infarm

450.000 mètres carrés en 2025

L'entreprise compte encore continuer à se développer massivement. Au niveau mondial, elle espère passer de 45.000 mètres carrés d'installations agricoles en 2020 à plus de 450.000 mètres carrés en 2025. En France, le développement continuera d'abord en région parisienne, puis éventuellement dans le reste de la France, "dans des lieux qui seront déterminés avec les partenaires", explique Florian Cointet.

Pour convaincre les enseignes de la grande distribution et les consommateurs, elle mise sur l'engouement pour l'agriculture urbaine, ainsi que sur la fraîcheur et la propreté de ses produits: vendus au prix du bio, ils ne contiennent en effet ni de pesticides chimiques ni d'OGM. Comme toutes les startups qui proposent des fermes verticales, Infarm bute toutefois sur un obstacle principal en termes de durabilité: la consommation énergétique importante engendrée par les technologies utilisées.

Des tentatives de réduire la consommation énergétique

"La consommation énergétique est l'enjeu principal pour toutes les fermes high-tech", admet Florian Cointet.

"Mais chez Infarm, le développement de technologies propres permet de mieux maîtriser l'ensemble des indicateurs", assure-t-il. La recherche et le développement de l'entreprise est en effet assurée dans trois centres berlinois qui travaillent respectivement sur l'optimisation des plantes, des fermes et du système logiciel, précise-t-il.

"La toute nouvelle génération des fermes développées par Infarm permet ainsi de réduire leur consommation énergétique de 40-50% par rapport à la génération précédente, tout en augmentant la production", affirme le responsable de la filiale française, sans pour autant fournir de chiffres pour étayer ses propos.

Une étude sur l'empreinte carbone en cours

Quant à l'empreinte carbone globale, Infarm, qui pourtant assure consommer 95% moins d'eau que les cultures en pleine terre, et 75% d'engrais en moins, justifie son manque de transparence par la difficulté de comparer ses performances avec celles de l'agriculture traditionnelle. La startup assure néanmoins être en train de mener une étude sur ce sujet avec un cabinet spécialisé, tenant compte de l'ensemble des étapes de production et de transport, jusqu'à la distribution.

90% des fermes d'Infarm utilisent en outre des énergies renouvelables, souligne Florian Cointet. En France, elles sont approvisionnées en énergie par Enercoop, précise-t-il. Lorsque les plantes doivent être transportées des lieux de production aux magasins, l'entreprise choisit des prestataires utilisant des véhicules au gaz ou à l'hydrogène, ajoute le responsable français.

Quant à l'autre point souvent faible des fermes urbaines, la rentabilité, Florian Cointet se dit aussi peu informé. Il renvoie aux fondateurs de la startup, qui ont toutefois refusé la demande d'interview de La Tribune.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 3
à écrit le 02/11/2020 à 7:46
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Dans le monde d'avant, honni par Macron et ses adeptes LREM/Modem, on avait un truc bizarre : des fermes horizontales... ça s'appelait des exploitations agricoles.

le 02/11/2020 à 8:58
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IL faut savoir être réaliste, les fermes horizontales ayant massacré la nature et son humanité, peut-être que l'agro-industrie serait moins nocive avec les fermes horizontales non ? Maintenant j'ai bien peur qu'ils nuisent autant à l'horizontale ...

à écrit le 30/10/2020 à 17:18
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!!!!! Infarm? Vous avez dit Infâme ? Je me doutais bien qu'avec les "techs" nous atteindrions des sommets dans la " couillonade" à bobos. Mes espérances sont dépassées.

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