De l'audace, toujours de l'audace, rien que de l'audace

Par Dani Rodrik, professeur d'économie politique à la John F. Kennedy School of Government de l'université Harvard.

L'économie mondiale affronte la nouvelle année avec plus d'incertitude et d'anxiété que jamais. Combien de temps la crise va-t-elle durer et à quel point va-t-elle frapper les pays émergents ? La réponse à ces questions va largement dépendre des décisions politiques qui seront prises.

Aux Etats-Unis, tout d'abord. Barack Obama a promis une réaction audacieuse, faisant écho à un célèbre discours de Franklin D. Roosevelt en 1932. Obama dispose certes d'économistes de premier ordre qui devraient lui permettre d'éviter toute bévue. Mais cette équipe n'est pas désireuse de tester de nouvelles idées. Pourtant, le président devra aller au-delà de la politique keynésienne de relance budgétaire pour regagner une confiance indispensable pour faire repartir l'économie. Les mesures d'urgence se sont limitées jusqu'ici au système financier. Mais les salariés consommateurs resteront tétanisés par la dégradation de l'emploi, quelle que soit la politique de relance. Aussi, la politique choisie devra-t-elle comporter des mesures destinées à préserver l'emploi.

L'Europe va-t-elle agir à l'unisson ? La crise, née aux Etats-Unis, lui a offert une opportunité historique de prendre un "leadership" mondial. Mais, au contraire, la crise a surtout mis en relief ses divisions sur à peu près tous les sujets, de la réglementation à la réponse économique. Or, si l'Europe veut peser de tout son poids, elle doit faire preuve de davantage d'unité autour d'un objectif commun. Malheureusement, on peut aujourd'hui tout juste espérer qu'elle ne sabote pas le plan général de relance budgétaire que même le FMI, gardien de l'orthodoxie, considère comme absolument essentiel.

Autre paramètre à surveiller : la Chine. Même si le plus grand risque à court terme est une réaction insuffisamment énergique des Etats-Unis, un retournement en Chine pourrait avoir des conséquences encore plus profondes et plus durables. Les spécialistes ne sont pas d'accord entre eux sur le taux de croissance nécessaire pour absorber le flux de l'exode rural. Mais il est pratiquement certain que la Chine n'atteindra pas ce seuil en 2009 malgré le flot ininterrompu de mesures prises par Pékin pour soutenir l'activité. Si les tensions sociales s'accentuent, le gouvernement chinois risque de réagir par la répression.

L'Histoire montre que les démocraties prennent l'avantage sur les régimes autoritaires quand il s'agit de faire face aux conséquences d'une crise. Les régimes autoritaires n'ont pas les institutions de gestion des conflits et les tensions débordent vite dans la rue sous forme d'émeutes. Mais quelle que soit la manière dont les dirigeants chinois réagiront, les générations futures risquent de se souvenir de 2009 moins pour la crise que pour la transformation majeure qu'elle aura déclenchée en Chine.

Enfin, la coopération économique internationale sera-t-elle efficace ? En général, les crises favorisent le retour au protectionnisme, même si l'expérience montre qu'il a aggravé la dépression dans les années 1930. Mais la tentation sera forte et les banques seront incitées à donner la priorité aux emprunteurs locaux. Jusqu'à présent, le FMI a réagi avec une vigueur toute neuve, établissant une structure de prêts à court terme dont le besoin était urgent. Mais l'OMC a perdu en vain un temps précieux sur le cycle de négociations de Doha. Elle aurait dû concentrer ses efforts sur le contrôle et l'application des engagements du G20 de ne pas dresser de barrières commerciales.

Les responsables politiques doivent abandonner les idées reçues et oublier les dichotomies inutiles telles que "les marchés contre le gouvernement" ou les "Etats-nations contre la mondialisation". Ils doivent comprendre que les réglementations nationales et les marchés internationaux ont besoin les uns des autres et sont inextricablement liés. Plus pragmatiques et plus créatifs ils seront, plus proche sera la sortie de crise.

(copyright Project Syndicate)

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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il est temps d'envoyer nos grands décideurs en remise à niveau en matière d'éconmie pour les sortir des modéles de systèmes économiques dont ils ont été formatés à l'ENa

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