L'idée d'une assurance récession est à expérimenter

Par Robert J. Shiller, enseignant à l'université de Yale et économiste en chef de MacroMarkets LLC.

Plusieurs économistes du Fonds monétaire international (FMI) dont son économiste en chef, Olivier Blanchard, suggèrent aux gouvernements de proposer une "assurance récession". En souscrivant à ce type de police, les entreprises et les particuliers se verraient verser une allocation si un indicateur économique, la croissance du PIB par exemple, tombait sous un certain seuil. Selon eux, ce système pourrait contribuer à soulager la crise économique en réduisant l'incertitude.

La paralysie conduit en effet à reporter les dépenses liées à l'augmentation de la production pour les entreprises et à l'achat des produits pour les consommateurs. Réduire l'incertitude pourrait s'avérer plus efficace que des programmes d'incitation fiscale, en s'attaquant aux origines de la répugnance à dépenser. En l'offrant à une échelle suffisante, cette assurance ne coûterait rien aux gouvernements, puisqu'en stimulant la confiance, elle préviendrait le risque contre lequel elle assurerait. C'est une raison de favoriser un plan public plutôt que des assureurs privés.

Blanchard et ses collègues jugent que les banques pourraient soumettre leurs prêts aux entreprises à des conditions d'achat d'assurance récession, ce qui pourrait aider les marchés de crédit à mieux fonctionner et résoudre un problème majeur de la crise. Pour eux, cela créerait "une vision basée sur le marché des productions futures et de la probabilité de chocs graves", mais ils n'expliquent pas comment ce marché serait structuré.

En effet, il n'existe pas de marché pour les assurances dépendant du gouvernement : chômage, vieillesse ou handicap. L'Etat fixe une cotisation que tout le monde doit payer.

Les auteurs du FMI n'affirment pas que les gouvernements doivent faire de même avec l'assurance récession, suggérant qu'ils vendraient les polices aux enchères, ce qui créerait un prix de marché. Ce prix dépendrait directement du niveau de volume de contrats mis en vente par l'Etat, mais aussi de l'effet de l'assurance sur les risques de récession sous-jacents. Les Etats sont bien placés pour lancer de nouvelles politiques de gestion des risques, que pourraient suivre les assureurs privés. Toutefois, il pourrait y avoir aussi une assurance récession purement privée. Ce genre de contrat existe déjà sous la forme d'assurance chômage crédit.

Une entreprise de New York, Assura Group, travaille depuis quatre ans sur un projet d'assurance chômage complémentaire pour tous. Ses polices couvriraient les programmes d'assurance chômage américains, tout en lui évitant de se mêler aux contrôles.

L'un des problèmes des polices basées sur le marché est sa souscription et son annulation. Dans le cas d'une assurance liée au PIB, le risque est à long terme. Aussi, le prix de la cotisation devrait être ajusté régulièrement au degré de probabilité d'une récession, étant dit que les polices ne pourraient être annulées ni les cotisations suspendues, quand l'horizon économique s'éclaircirait.

Récemment, Mark Kamstra et moi-même proposions que les gouvernements émettent des parts de leur PIB, chacune équivalente à un milliardième. Nous pensions que les émetteurs de tels titres bénéficieraient en effet d'une forme d'assurance récession.

Une autre façon de créer un prix de marché pour le risque de récession consiste à proposer les "MacroShares" que MacroMarkets a lancées. Les premières concernaient les risques inhérents aux cours du pétrole, mais des projets sur ceux liés au PIB sont en cours. Ces titres sont offerts par paire - un "long" et un "court" - et dans les quantités demandées par le marché.

Une fois que nous avons un prix de marché pour l'assurance récession ou des produits similaires, une question se pose : sera-t-il si élevé que seules quelques personnes voudront l'acquérir ? Avec une récession pour un bon moment, et des pertes envisagées énormes, personne ne voudra acheter ces assurances.

Comme toute nouvelle proposition, celle du FMI a son lot d'incertitudes. La crise permet d'expérimenter des idées pouvant favoriser sa résolution et même créer des institutions contribuant à éviter de futures crises. L'assurance récession est une idée de cette nature.

Copyright : Project Syndicate, 2009

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