Favoriser le "capitalisme d'entrepreneurs" : une nouvelle approche du système de notation

Par Miguel de Fontenay, président d'Ineum Consulting.

La crise financière qui secoue la planète depuis quelques mois a mis en lumière les limites du système financier. En plus de ne pas pleinement jouer son rôle au service de l?économie, il ne traduit plus la vraie valeur des entreprises. L?excès de spéculation a fini par totalement déconnecter les cours des actions des perspectives de profits de l?économie marchande. A tel point que l?ensemble des acteurs parle d?irrationalité, de crise de confiance, de pertes de repères. Le système est désormais jugé être aux mains des "spéculateurs" au détriment des "entrepreneurs".

 

Cette crise a également montré les limites des prévisions qui sont apparues comme donnant une représentation faussée de la réalité. Une déconnexion qui n?a pas permis aux acteurs du système financier (analystes, agences de notation, opérateurs) de détecter les signes avant coureurs de cette crise. Plusieurs paradigmes économiques ("hyper rentabilité" de 15% de rémunération des fonds propres, financement par effet de levier, taux d?intérêt éternellement bas?) étaient soutenus comme des vérités scientifiques.

Les critères d?appréciation purement financiers (prédictibilité des profits, niveau d?endettement appropriés) étaient devenus les références au détriment de l?analyse approfondie des fondamentaux de l?économie, plus coûteuse en temps et en expertise. Les normes comptables ont aussi participé à creuser l?écart avec la réalité. La notion de "juste valeur" a introduit une volatilité accrue des comptes et une incertitude liée au manque d?information sur les méthodes utilisées. Une réalité est désormais indiscutée : les règles du jeu des marchés n?intègrent pas la vision opérationnelle qu?ont les entrepreneurs de leur activité.

 

Les propositions pour répondre à la crise financière se concentrent principalement sur les établissements et les marchés financiers. Il semble logique que les mesures d?urgence portent sur la solvabilité des établissements financiers et la réglementation du système bancaire et des marchés financiers. Mais pour éviter qu'une telle crise se reproduise à l'avenir, tout doit être fait pour que les marchés financiers se reconnectent à la réalité des entreprises. Les entreprises ont besoin des marchés financiers pour lever des capitaux. En retour, les entreprises doivent avoir confiance en la capacité des marchés à financer leur développement sans menacer leur viabilité de façon injustifiée.

 

La création d?une agence de notation européenne est l?opportunité d?intégrer les entrepreneurs à l?effort de refondation du système financier. Proposée au mois de septembre 2007 par la chancelière allemande Angela Merkel et le président Nicolas Sarkozy, cette agence de notation doit être plus transparente et indépendante vis-à-vis des institutions financières mais son mode opératoire et ses critères doivent eux aussi être repensés pour mieux traduire la réalité économique.

Elle doit se situer en rupture avec les pratiques existantes et faire converger "au plus juste" valeur industrielle et valeur de marché en faisant mieux prendre en compte aux marchés la réalité des entreprises : capacité d?innovation, qualité du management, savoir faire des employés, efficacité opérationnelle, performance commerciale, production de biens et de services compétitifs et enfin impact environnemental. Les bénéfices attendus seront nombreux et immédiats : on pourra progressivement introduire de nouveaux repères indépendants et crédibles, corriger les excès de confiance comme de défiance liés et limiter les phénomènes d?opinion notamment basés sur une vision erronée des risques.

 

Les pouvoirs publics doivent jouer un rôle dans la mise en place de ce nouvel instrument mais il revient aux entrepreneurs de définir ses conditions de mise en ?uvre. Ils sont les plus qualifiés pour garantir des méthodes et des règles déontologiques de nature à favoriser un "capitalisme d?entrepreneur" au service de l?économie marchande. Le président Sarkozy a fait part de son intention d'organiser un sommet international en précisant que "le capitalisme mondial n'était pas remis en cause pour autant que l'économie de marché ne récompense pas les spéculateurs au détriment des entrepreneurs".

Permettez, monsieur le président, de reprendre votre mot, mais en étant conscient que ce sont les entrepreneurs qu?en vérité, vous mettrez devant leurs responsabilités. Ils pourront enfin prendre une part active dans l?effort de refondation et faire valoir leur opinion sur des enjeux qui engagent l?avenir de leurs entreprises, donc de l?économie.

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