Pour une relance plus forte, plus juste et plus sociale

Par Pierre Ferracci et Jacky Fayolle, respectivement président du groupe Alpha, membre du Conseil d'orientation pour l'emploi, et directeur adjoint du Centre études et prospective du groupe Alpha.

Les entreprises, les salariés et les chômeurs continuent de subir les conséquences de la crise économique. Le plan de relance proposé par le gouvernement français reste trop timide pour enrayer la récession. Les Etats doivent donc faire davantage et mieux, surtout pour éviter de retomber dans le chômage de masse. L?outil des fonds d?investissement peut y aider à condition de faire certains choix.

Depuis l?automne 2008, le collapsus de l?économie mondiale a l?allure d?une panne de TGV généralisée. Le fonctionnement à flux tendus de l?atelier planétaire s?est rompu, sous l?impact des chocs affectant la demande finale (la gare d?arrivée) et les échanges entre entreprises (la caténaire). La course-poursuite entre le retournement cyclique et la déflagration financière est devenue une récession chaotique et synchronisée. Le danger est que les acteurs économiques, traumatisés, extrapolent la poursuite cumulative de ces tendances et que leurs anticipations dépressives gonflent les surcapacités attendues à horizon de six mois, un an?

Le palier bas n?est pas prédéfini : après la correction des stocks vient l?annulation des projets d?investissement ; à la compression des effectifs intérimaires et à la mise en chômage partiel succèdent les plans sociaux. Ces enchaînements éloignent la perspective de la reprise.

Afin d?enrayer le risque dépressif et de renverser les anticipations négatives, les Etats se battent sur deux fronts : le renforcement du système financier et les mesures budgétaires. Les interventions des banques centrales et des États pour faire face à la paralysie du marché monétaire ont d?abord cherché à éviter la panique. Mais les injections de fonds en direction des banques couvrent avec peine les pertes supputées et ne parviennent pas à rassurer sur leur solvabilité.

Le système financier aurait bien du mal à accompagner une reprise consistante. Les plans de sauvegarde bancaire sont vite soumis à révision : comment séparer le bon grain de l?ivraie ? Le besoin d?une intervention plus directive des Etats afin de remettre le système financier en état de marche fait sauter le tabou de la nationalisation temporaire. La remise sur pied d?une intermédiation financière efficace et responsable entre les épargnants et les emprunteurs est sur l?agenda.

Aujourd?hui, les banques centrales et les Etats se substituent pour partie aux banques. Mais leur intervention a des limites, qu?il s?agisse de la crédibilité des banques centrales ou de la soutenabilité des dettes publiques. En France, l?Etat devrait user de la rémunération tirée de son appui aux banques comme d?une incitation à améliorer sans délai leur gouvernance stratégique plutôt que comme une recette de poche.

Les plans de relance budgétaire sont à proportionner à la gravité de la situation : il vaut mieux dépenser vite et fort pour hâter la sortie de récession que d?accumuler longtemps des déficits nourris par la dépression ; si les plans nationaux sont bien coordonnés, leur impact triple ; ils doivent équilibrer l?appui aux entreprises, l?investissement public, les garanties d?emploi et de revenu. Les Etats ont à faire plus et mieux, surtout sur le dernier point : ne pas retomber dans le chômage de masse, ne pas sacrifier de nouvelles générations, ne pas laisser des travailleurs sombrer dans la pauvreté, devrait être une priorité absolue !

La crise détruit les emplois de travailleurs de toutes qualifications qui ne seront pas des chômeurs volontaires ! Il s?agit d?apporter protection à ces salariés, afin d?entretenir et d?améliorer leurs capacités : ce sera aussi le meilleur rempart contre le démon isolationniste et la consommation qui en découlera ne fera, par surcroît, que du bien. La Commission européenne a justement recommandé une initiative majeure de soutien à l?emploi. Elle devrait adapter rapidement les dispositifs communautaires afin qu?ils soutiennent la compétitivité des entreprises et l?emploi des salariés, sous condition d?accords négociés en temps utile.

En France, les dispositifs ne sont pas calibrés à hauteur du choc : l?indemnisation du chômage conserve un biais procyclique, qui la restreint lorsque le contraire est nécessaire ; le démarrage difficile de Pôle emploi ne permet pas de faire face à l?arrivée massive de demandeurs d?emploi ; le RSA, bonne idée sous condition d?un accompagnement personnalisé suffisant, dispose de ressources insuffisantes pour parer aux risques d?extension de la pauvreté.

A situation exceptionnelle, méthodes exceptionnelles : l?ensemble des ressources financières que mobilise l?Etat devrait s?accompagner d?un principe de conditionnalité sociale. Les apports du fonds d?investissement stratégique (FIS) sont à conditionner par l?association des représentants des salariés à la gouvernance des entreprises aidées, afin d??uvrer à une relance industrielle souhaitée notamment par la CGT. Les fonds d?origine nationale et européenne sont à coordonner pour disposer d?enveloppes suffisantes en vue de financer aussi bien l?adaptation des salariés menacés que l?assurance du revenu salarial durant les périodes de transition et de formation pour les salariés touchés : elles contribueront à la promotion d?une "flexicurité" d?autant plus acceptable que le versant sécurité montera en puissance.

Le fonds d?investissement social proposé par la CFDT va dans cette direction et sa mise en place est engagée. Au-delà du recours à l?endettement, la viabilité de tels fonds pousse à envisager deux voies : un rééquilibrage redistributif de la fiscalité ; l?adossement, lorsque les mises de fonds sont associées à des projets d?investissement, à des circuits de collecte d?épargne. A l?heure où l?intermédiation financière défaille et où l?épargnant moyen recherche la sécurité et un rendement simplement raisonnable, les banques seraient ainsi incitées à retrouver la voie d?une politique de crédit judicieuse.

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