Gordon Brown, qui n'a rien d'un comique, avait réussi le 10 décembre dernier à déclencher une minute et demie de fou rire à la Chambre des communes en disant, dans un magnifique lapsus, que son gouvernement avait "sauvé le monde, heu, sauvé les banques". Livide et buté, il avait jeté à l'opposition déchaînée : "Vous ne voulez pas reconnaître que nous avons guidé le monde dans le sauvetage du système bancaire, mais c'est vrai."
Trois mois après cet échange, Gordon Brown est de nouveau à la man?uvre dans le rôle du sauveur. Ce week-end, l'Etat a volé au secours du Lloyds Banking Group en acceptant de garantir 290 milliards d'euros de créances à risque, en échange d'une montée au capital : de 43% actuellement, la part de l'Etat pourrait aller jusqu'à 77%.
Mais le Premier ministre britannique ne laisse pas pour autant dépérir son rôle international : à peine rentré de Washington, où il a été le premier dirigeant européen reçu par Barack Obama, il a repris l'initiative. Il a convié, en toute discrétion, les patrons des plus grandes banques du monde pour un sommet à Londres le 24 mars. Le geste est sans précédent. Nicolas Sarkozy avait, lui, été capable de mettre sur pied des sommets de chefs d'Etat lorsqu'il était président en exercice de l'Union européenne et il avait su imposer ses vues aux banquiers hexagonaux sur la question des bonus.
Gordon Brown se montre en l'occurrence aussi expert que le président français dans la communication de crise. C'est à Londres que doit se tenir le G20 des chefs d'Etat et de gouvernement le 2 avril - une journée "poisson d'avril de la finance" est déjà prévue pour la veille du côté des altermondialistes. En convoquant les patrons des principales banques mondiales huit jours plus tôt, il joue sur deux tableaux. Il les oblige à participer à la recherche de solutions collectives, mais en même temps il les légitime. Il a déjà montré qu'il savait être dur, il se montrera magnanime. L'avenir de la place de Londres vaut bien une messe.
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