Quelle stratégie pour la France face à la crise ?

Trois scénarios sont possibles comme issue à la crise financière. Une lente reprise caractérisée par une croissance durablement faible ; une dépression accentuée par des erreurs de politique économique ; un rebond rapide, dès l'automne de cette année, la croissance étant raffermie par les plans de relance. Dans ce contexte incertain, la France doit procéder à une réorientation de notre appareil de production et de ses dépenses publiques afin de ne pas rater le train de la reprise, estime Christian Saint-Etienne, professeur des universités, membre du Conseil d'analyse économique.

La crise a plusieurs causes qui ont conduit à une perte de confiance brutale à l'automne 2008 et à un mouvement de désendettement des ménages et des entreprises qui peut être durable. Ce mouvement frappe les achats d'immobilier et de biens durables habituellement financés par le crédit, notamment l'automobile. La chute de l'investissement touche violemment les secteurs de la mécanique et des biens d'équipement. Les banques sont aux abois et leur retour à meilleure fortune passe par des garanties publiques de milliers de milliards de dollars ou par des nationalisations. Personne ne sait quand et comment on sortira de cette crise, mais on peut élaborer des scénarios cohérents de sortie et leur affecter des probabilités. Deux scénarios sont privilégiés.

Selon le premier, avec une probabilité de cinq chances sur sept, la sortie sera lente, car le mouvement de désendettement durera deux ou trois ans. La croissance future dans les pays développés, qui ne sera plus dopée par l'endettement, sera durablement plus faible que celle observée au cours des dix dernières années. Le produit intérieur brut (PIB) de la triade "Etats-Unis, Union européenne et Japon"  baissera de 2% en 2009 et ne remontera que de 1% en 2010. Tout dépendra ensuite de la vitesse de basculement vers une croissance verte.

Le second scénario, celui de la dépression, est la seule alternative au premier. Il prévoit qu'une erreur plus ou moins accidentelle plonge le monde dans la tragédie. Dans ce cas, le PIB de la triade chute de 10% à 15% en cumulé entre 2009 et 2011. Le chaos se répand dans le reste du monde. La totalité des commentaires n'évalue aujourd'hui les chances que de l'un ou l'autre scénario. Pour ma part, je n'exclus pas le second scénario, mais je ne lui assigne qu'une chance sur sept de réalisation.

Un troisième scénario, avec une chance sur sept de réalisation, envisage un rebond beaucoup plus ferme que le premier, dès cet automne. Les États-Unis et la Chine, dont les économies sont très liées au point qu'on puisse parler de la Chinamérique, avec le dollar pour monnaie, pourraient connaître une stabilisation de leurs taux d'épargne et de leurs déficits extérieurs au second semestre. Leur rythme de croissance s'accélérerait significativement dès l'automne et le rebond de leurs investissements tirerait l'Allemagne de sa torpeur.

La croissance du bloc Allemagne-France-Italie-Benelux dépasserait 1,5% l'an durant l'hiver prochain sous l'effet des plans de relance et pourrait même s'accélérer au cours de 2010. Les autres pays de la zone euro souffriraient plus longtemps.

Quel que soit le scénario qui triomphe, quelle stratégie la France doit-elle adopter pour se renforcer?? Elle souffrait avant la crise financière d'une double crise économique : l'une concernant l'offre productive et l'autre résultant de la dérive des finances publiques. L'inadéquation de l'offre française à la demande explique l'effondrement de nos parts de marché à l'exportation (moins 30% entre 1999 et 2008) et l'augmentation de la pénétration des produits étrangers sur notre marché. La demande s'est au contraire parfaitement tenue depuis dix ans.

Sur la période 2003-2008, cette crise de l'offre productive française nous a fait perdre un demi-point de croissance par an. La faiblesse de notre appareil de production résulte d'une insuffisance d'entreprises de taille moyenne en développement rapide. En bref, il nous manque 10.000 entreprises capables de passer de 30 à 500 salariés grâce à un effort d'innovation et d'investissement. Ce sont les entreprises innovantes qui créent l'emploi et exportent.

Or, l'essentiel de l'effort public de recherche et développement (R&D) est tourné vers les grands groupes internationalisés qui ne créent pas d'emplois en France. Même s'il faut continuer de soutenir ces groupes qui structurent nos filières de production, il est essentiel d'encourager les petites entreprises à innover et à investir. Or, nos règles sociales et fiscales sont des obstacles à leur développement, comme les seuils sociaux de 20 et 50 salariés multipliant les charges pour les entreprises.

Pourquoi ne pas relever ces seuils à 30 et 70 pour voir l'effet sur la création d'emplois, surtout en un moment de forte montée du chômage?? Cette mesure ne coûterait rien aux finances publiques et pourrait rapporter 200.000 à 300.000 emplois sur les dix-huit mois suivant la réforme?!

La crise des finances publiques est sérieuse. Le déficit était de 2,7% du PIB en 2007 alors qu'il aurait fallu le ramener à 1,5% cette année-là. Surtout, la dépense publique dépassera 54% du PIB en 2009, soit 7 points de PIB de plus que la moyenne des autres pays membres de la zone euro. La dépense publique est de mauvaise qualité, avec des taux d'échec scolaire ou de chômage élevés et des niveaux faibles de R&D ou d'investissements en infrastructures stratégiques. De plus, le poids de la protection sociale, à 32% du PIB en 2009 - un record mondial -, encourage l'inactivité ou les tentatives "d'extorsion" de fonds publics par tous les corporatismes.

La stratégie de sortie de crise implique une relance de la production couplée à un ralentissement des dérapages de la protection sociale, ce qui suppose un recul programmé de l'âge de départ à la retraite. En contrepartie d'un meilleur contrôle de la dépense sociale, il convient d'augmenter fortement les dépenses de R&D et d'investissements en infrastructures stratégiques, notamment dans les réseaux favorisant l'essor des métropoles et au bénéfice de la croissance verte.

Il faut donc procéder à une réorientation de notre appareil de production et de notre dépense publique qui sera d'autant plus payante que s'imposerait le troisième scénario ou, à défaut, le premier. Le pire n'est pas sûr et il serait insupportable de "rater" un éventuel rebond de l'économie mondiale.

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Commentaires 5
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je suis en désaccord avec votre analyse du poids des dépenses sociales. Je ne pense pas que le montant des dépenses sociales soit un frein au développement économique des PME. Ce qui est un frein, c'est le foisonnement de niches fiscales et sociales ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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L'industrie c'est la solution il faut développer l'industrie

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Pour ma part, je pense qu'il faut à la fois baisser la depense publique et simplifier les regles administratives. En simplifiant l'abominable millefeuille des lois et reglements, il sera plus facile de reduire pour de bon les effectifs de l'etat, des...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Moins d'administration, moins d'impots. Faire sauter les obstacles administratifs pour qu'une TPE/PME puisse recruter plus facilement quand il y a plus de boulot, et virer plus facilement quand il en a moins. Toute démarche administrative, fiscale et...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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d abord ne jamais croire les experts! ensuite croit on vraiment qu on pourra faire passer la pilule des stocks options et autres en demolissant les regles sociales?je n y crois pas une minute et ce serait une enorme provocation! de plus personne ne ...

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