Attention aux vocations protectionnistes nées de la crise

A trois jours du G20 de Londres, Peter Mandelson, ministre britannique et ancien commissaire européen chargé du Commerce, tire à son tour la sonnette d'alarme contre les tentations protectionnistes. Selon lui, la crise n'a pas discrédité la théorie selon laquelle la concurrence sur des marchés ouverts est, en dernier ressort, ce qui crée une économie solide. Les Européens attendent de l'Etat qu'il les aide à vivre et à rivaliser avec la concurrence dans une économie mondiale. C'est dans ce cadre que doit s'inscrire l'activisme industriel.

Chacun reconnaîtra que la crise qui touche le crédit ne va pas sans soulever d?importantes questions concernant le rôle de l?Etat dans l?économie et dans le soutien à l?économie européenne, pour l?aider à renouer avec la croissance. Elle a aussi lancé un nouveau débat sur la manière dont s?élabore la politique industrielle en Europe. Il s?agit d?un débat important, et il est essentiel que nous parvenions aux bonnes conclusions.

Même si, au c?ur du resserrement du crédit, gît une insuffisance massive du marché, il nous faut faire preuve de prudence quant à ce que nous en inférons. La crise n?a pas discrédité la théorie selon laquelle la concurrence sur des marchés ouverts est, en dernier ressort, ce qui crée des sociétés et des secteurs économiques solides. Elle n?a pas invalidé la thèse qui soutient que des marchés ouverts sont plus profitables qu?un marché européen entouré de remparts. Elle n?a pas non plus rendu caducs les arguments contre les aides publiques aux entreprises ou à des secteurs entiers dans le seul but de préserver l?emploi ou de bâtir des champions nationaux.

Et pourtant, la crise du crédit a été invoquée en défense d?un retour à tout cela. Lors d?une récession, il existe un risque que le souhait de voir les pouvoirs publics faire les choses différemment, ou plus efficacement, ne se transforme en désir d?interventionnisme accru. Fondamentalement, la conjoncture devient le prétexte de la résurrection des arguments protectionnistes que trente ans d?expérience ont discrédités en Europe. C?est donc avec la plus grande méfiance que nous devons considérer les vocations colbertistes éveillées par la crise du crédit.

Le resserrement du crédit signifie que nous devons nous pencher de plus près sur la manière dont les Etats régulent les marchés financiers, aussi bien au niveau national que mondial. Il est également vrai que nous réévaluerons le rôle des pouvoirs publics, et notamment de la politique monétaire, dans l?atténuation de la volatilité à long terme des marchés. Mais la crise du crédit n?est pas l?unique raison pour laquelle nous devons réfléchir avec soin à la politique industrielle en Europe : la véritable impulsion pour un nouvel activisme industriel résulte des réalités de la mondialisation.

Au cours de la décennie écoulée, des sociétés européennes ont conquis des avantages comparatifs solides, au sommet de la chaîne d?approvisionnement mondiale. La décennie à venir exigera de nous que nous nous concentrions toujours plus sur ces points forts. En Europe, les rémunérations sont élevées. Pour cela, il est impératif que les biens et services que nous vendons comportent une valeur ajoutée importante. Cela signifie que la force principale des sociétés européennes doit résider dans un haut degré de connaissance, de créativité et de sophistication technique.

Elles doivent bâtir sur les salariés les plus qualifiés de la planète, être en mesure de s?appuyer sur une infrastructure numérique et matérielle de niveau international, et bénéficier d?un environnement réglementaire conçu pour faciliter la création et le développement d?entreprises fortes. C?est là que le rôle de l?Etat devient critique, parce que les marchés ne peuvent y parvenir seuls. C?est dans cet espace que l?activisme industriel s?insère.

Au cours de la décennie écoulée, l?argument de base sur lequel a été fondée l?Europe a été que le défi essentiel était la libéralisation du versant offre de l?économie. Cela demeure vrai. Mais encore faut-il lui donner les moyens de son expansion. Bien sûr, il est vrai que nous faisons déjà cela, du moins en partie, en Europe, de diverses manières. Mais le temps est désormais venu de nous demander si nous réussissons vraiment.

L?industrie, qui constitue une part énorme de notre avenir, requerra une grande partie de nos efforts. Mais notre objectif ne doit pas être de préserver artificiellement, et par principe, une industrie européenne, et certainement pas dans les activités à faible coût ou forte intensité de main-d??uvre. Nous devons prendre en compte notre avantage comparatif à long terme.

L?industrie européenne continue à ?engranger les succès, même confrontée à la concurrence mondiale la plus rude. Elle n?a nul besoin de protection. Elle a besoin de ressources optimales dans lesquelles puiser pour rivaliser avec ses concurrents. Notre travail consiste à nous assurer que l?industrie européenne dispose des travailleurs qualifiés, des universités innovantes, ainsi que de la recherche et du développement dont elle a besoin pour continuer à prospérer.

Notre mission consiste à faire en sorte que l?Europe devienne l?endroit du monde idéal pour bâtir des sociétés et développer des biens et services, en particulier dans des secteurs tels que les activités à faible empreinte carbone, où l?avantage du premier entrant dont bénéficient les entreprises européennes leur permettra de prendre le départ en tête dans la compétition mondiale.

La prochaine Commission européenne aura affaire à une Europe dont le principal objectif sera de se battre pour renouer avec la croissance. La politique industrielle doit s?inscrire dans ce cadre. Notre défi est de mieux équiper nos sociétés pour la concurrence mondiale, tout en préservant l?intégrité vitale du marché européen unique, ses règles de concurrence solides et ses protections contre les tentations de l?interventionnisme étatique et des aides publiques. Rien de ce qui est advenu l?an passé n?a remis en cause la valeur fondamentale de ce socle.

La crise du crédit a focalisé notre attention sur ce point, mais l?argument en faveur d?un nouvel activisme industriel n?aurait été en rien différent si rien ne s?était produit. C?est ce qu?attendent les Européens de l?Etat : qu?il les aide à vivre et à rivaliser avec la concurrence dans une économie mondiale.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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l'aversion des britanniques pour l'europe...Sauf s'il s'agit d'une simple zone de libre-échange. Depuis les années soixante, ils ont le projet de torpiller systématiquement ce qui pourrait ressembler à autre chose. Pauvre Mandelson

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