L'Iran, le peuple et Dieu

Par Sophie Gherardi, directrice adjointe de la rédaction de La Tribune.

Quand Mir Hossein Moussavi a accusé le guide Ali Khamenei de changer la nature du régime iranien, il a touché on ne peut plus juste. Ce qui s'est passé au ministère de l'Intérieur à Téhéran au soir du scrutin du 12 juin, pour ce qu'on croit en savoir, ressemble fort à un coup d'Etat : des résultats trafiqués et finalement inversés, avec des forces armées pour assurer le maintien au pouvoir du président Ahmadinejad.

Si la répression vient à bout de la révolte des électeurs trahis, la République islamique ne sera plus qu'une vulgaire dictature. Il faut dire qu'elle formait jusque-là un hybride assez peu "durable", comme on le dit du développement. Un régime théocratique ne peut avoir qu'un seul principe de souveraineté : la volonté divine. Par définition, dans une théocratie, le peuple ne peut pas vouloir autre chose que ce que Dieu veut. Dans leur sagesse, des régimes comme l'Arabie saoudite ou le Tibet au temps du dalaï-lama ont toujours évité de poser des questions déplacées au peuple, par exemple pour savoir par qui il veut être gouverné.

Mais les ayatollahs chiites d'Iran n'ont pas réussi à se départir de leur côté boutefeu. Pendant trente ans, ils ont utilisé les élections, soigneusement préparées et épurées à l'avance, comme confirmation de leur légitimité de droit divin. Risqué, très risqué. Ce qui devait arriver arriva : la volonté populaire, même dans le cadre étriqué et rigoureusement islamique qui lui était laissé pour s'exprimer, est venue percuter l'ordre divin tel que le concevait la coterie au pouvoir. La contradiction sera obligatoirement mortelle pour le régime, à plus ou moins longue échéance : le peuple et Dieu ne sont plus dans le même camp.

Le catholicisme s'est longtemps débattu avec la même contradiction. L'Eglise a mis un siècle et demi à reconnaître la démocratie comme compatible avec le catholicisme. C'était par la voix de Pie XII, dans son message de Noël 1944. Le pape, dira-t-on, est bien élu depuis les débuts de l'Eglise. Oui, mais il l'est une fois pour toutes. Les théocraties raisonnables n'invoquent pas plus souvent que nécessaire la volonté du Très Haut.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Amen. Analyse pertinente, mais pour aller jusqu'au bout, je vous conseille la lecture de Machiavel pour comprendre pourquoi ce type de régime est l'un des plus déboulonables au monde. Nous avons encore une ou deux générations devant nous pour que no...

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