Réduire la consommation de carburants : qu'attendre de la réponse fiscale ?

Par Hugues Poissonnier, professeur à l'Ecole de management de Grenoble, et directeur de la recherche de l'Irima.

Malgré les efforts entrepris en vue de la réduction continue de la consommation de carburant, cette dernière est repartie à la hausse en juin et juillet. Si certains y voient des signes positifs de reprise économique, le constat se révèle, sur bien des plans, problématique. Comme souvent, la réponse fiscale est évoquée. Elle ne constitue pourtant pas toujours la panacée. Pire, elle n'est pas exempte de dangers.

Une hausse de la consommation malvenue

Alors que, sous les effets conjugués de la hausse des prix et d'une certaine prise de conscience écologique, la consommation de carburant avait entamé une légère mais progressive diminution depuis quelques mois, elle vient de repartir à la hausse en France. Les livraisons de carburant y ont en effet augmenté de 7,7% en juin et de 2,1% en juillet par rapport aux mêmes mois en 2008. La consommation d'essence est même la plus élevée depuis juillet 2003. Plusieurs explications peuvent être avancées (fluctuation des prix, notamment à la baisse ces derniers temps, phénomène de saturation vis-à-vis des efforts entrepris et besoin, tout simplement, de dépaysement et de départ en vacances plus lointaines,...).

S'il témoigne peut être également d'une reprise économique que les économistes annoncent régulièrement, ce constat se révèle néanmoins problématique à mains égards. D'abord, il constitue une mauvaise nouvelle pour la planète. Il ne fait en outre que renforcer les difficultés à atteinte les objectifs de réduction des émissions de CO2 que la France s'est fixé (20% de réduction d'ici 2020).

La popularité de la réponse fiscale...

C'est dans ce contexte que la Commission Rocard sur la "contribution climat-énergie" a proposé un ensemble de règles et de principes en guise de réponse à la dérive anticipée de la consommation de carburant. Parmi les solutions envisagées, le recours à la fiscalité figure en bonne place. La plus emblématique, la création de la "taxe carbone" a le mérite de séduire de nombreux économistes, mais aussi les hommes politiques en France, comme à l'étranger (les Suédois, qui occupent la présidence européenne sont favorables à une fiscalité sur le carbone) et le grand public (les derniers sondages témoignent de l'attitude favorable des français vi à vis de cette "taxe carbone"). L'expérience montre toutefois que la réponse fiscale a ses limites.

...face à ses limites

L'orientation des comportements est, traditionnellement, l'un des grands objectifs de la fiscalité. Qu'il s'agisse d'encourager certains comportements vertueux ou de décourager des comportements jugés néfastes, la contrepartie monétaire que permet d'instaurer la fiscalité est un puissant facteur d'incitation (ou de désincitation). Le premier objectif de la fiscalité demeure toutefois de fournir à l'Etat les recettes dont il a besoin pour financer ses dépenses. Se rappeler de cette évidence est parfois utile à une époque où l'on demande de plus en plus à la fiscalité (favoriser l'achat à crédit ou l'investissement immobilier n'est pas toujours compatible avec moins d'émissions de CO2...). Les multiples compensations qui devront être imaginées face à ce nouvel impôt (baisse de la taxe professionnelle pour les entreprises ?, création d'une allocation forfaitaire pour les ménages en fonction de leurs lieux d'habitation, de leurs horaires de travail,...), pour utiles qu'elles soient, risquent de générer un système difficile à comprendre et donc peu efficace.

Au-delà d'une efficacité potentiellement limitée, un nouveau recours à la fiscalité risque de rendre réels un certain nombre de dangers. Certains dispositifs d'incitation (à la réduction de la consommation de carburant par exemple) peuvent générer des effets désincitatifs sur les comportements (ne pas réduire sa consommation ici). Pour bien comprendre le phénomène, il convient de revenir aux théories de la motivation puisque c'est bien sur celle des consommateurs que la fiscalité souhaite jouer. Il est fréquent que les économistes évoquent deux types de motivation. Les motivations intrinsèques (nous faisons les choses parce que nous les aimons ou parce qu'elles répondent à certaines valeurs importantes pour nous) et les motivations extrinsèques (nous faisons les choses pour la compensation qui nous est offerte, cette dernière étant souvent monétaire).

Contrairement à ce que pensent souvent les économistes, ces deux types de motivation ne s'additionnent pas toujours. Pire, elles peuvent s'annuler, la motivation extrinsèque affaiblissant la motivation intrinsèque. Dans le cas de la réduction de la consommation de carburant, nous avons la plupart du temps à faire à des consommateurs captifs qui ont, quoi qu'il arrive, besoin de leur véhicule pour aller travailler notamment. Les véritables économies résultent de consommateurs qui renoncent à certains déplacements correspondant à des loisirs. Leur motivation intrinsèque est souvent liée au respect de l'environnement. La motivation extrinsèque que fournit la fiscalité risque de dégrader leur geste à leurs yeux (ce n'est pas pour des raisons financières qu'ils vont renoncer à certains loisirs, mais pour des raisons plus "nobles"). Maya Beauvallet, dans son dernier ouvrage, donne de nombreux exemples de ces incitations au final désincitatives.

Vers des solutions plus ambitieuses

Si, malgré ses limites, la fiscalité permet de répondre à court terme, et en touchant les consommateurs dans leur porte-monnaie, au problème posé par la dérive des émissions de CO2, seules des solutions plus ambitieuses apporteront des réponses à plus long terme. Les biocarburants peuvent constituer un début de solution, mais les remises en cause de leur développement se multiplient depuis quelques temps en raison des déforestations entrainées et de l'augmentation des prix des produits agricoles. La crise alimentaire actuelle souligne la perversité d'un tel système.

D'autres solutions existent : politique urbaine, développement des transports en commun, du télétravail,...). Ce sont pourtant les comportements quotidiens qui devront surtout évoluer. En utilisant la fiscalité, l'Etat joue incontestablement son rôle dans l'accompagnement de ces évolutions. Ce rôle sera d'autant mieux tenu que la fiscalité sera utilisée conformément à ses potentialités, réelles mais limitées.

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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un bon article pertinent , mais les biocarburants = deforestations , famine des ventres au sud et hausse des prix des biens alimentaires , chauffage au bois = deforestation et du CO2 , chauffage au gaz , charbon , fioul idem =CO2 , electrique ? = nuc...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Au final, ce n'est pas la consommation de carburant qu'il faut limiter. Il faut surtout trouver très vite des carburant "verts" en subsitution... Il existe de nombreuses pistes( récupération de déchets pour en faire des bio gaz, culture d'algues pour...

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