Mon amour de banquier

Par Eric Albert, correspondant de La Tribune à Londres.
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La Saint-Valentin aura sans doute été bien terne pour les banquiers britanniques. On leur souhaite une vie privée bien remplie, parce que leur vie publique relève en ce moment plus de la flagellation que de l'embrassade. Qu'ils se rassurent. Derrière son ton sévère, le gouvernement britannique les aime. Il tient bien sûr une rhétorique politique dure. George Osborne, le chancelier de l'Echiquier, a même glissé une méchante peau de banane la semaine dernière, en augmentant sans prévenir la taxe sur les banques.

Tout ceci répond cependant à une simple logique électorale, pour calmer la colère de l'opinion ainsi que les ardeurs des libéraux-démocrates, leurs partenaires de la coalition. Au-delà de ces gesticulations, il n'y a pas grand-chose à craindre pour la City. Car celle-ci tient le gouvernement fermement là où cela fait mal : son portefeuille. Elle le tient même à deux niveaux. Le premier vient des donations au Parti conservateur. Une très intéressante enquête du Bureau du journalisme d'investigation, une association indépendante, a révélé la semaine dernière que la moitié de l'argent des tories venait de la City. Quand David Cameron, l'actuel Premier ministre, est arrivé à la tête du Parti conservateur en 2005, les financiers ne représentaient que le quart des donations. Depuis, ils se sont rattrapés, versant 50 millions d'euros en cinq ans, sans doute parce qu'ils ont pressenti le retournement de l'opinion vers les conservateurs, et sans doute aussi parce qu'ils ont détecté un ami instinctif en David Cameron, fils, petit-fils et arrière-petit-fils de courtier.

Ces généreux donateurs ne sont pas dominés par les banquiers, mais par les cow-boys de la finance : les gérants de hedge funds et de private equity. Le plus connu d'entre eux est sans doute Stanley Fink, le très agressif ancien directeur de Man Group, le plus grand hedge fund coté en Bourse. Ce personnage est aussi, depuis 2009, trésorier du Parti conservateur. Rien d'illégal à cela, mais on imagine que les conversations en privé qu'il a avec David Cameron n'incitent pas à faire main basse sur la place financière. Le deuxième niveau est fiscal. Le secteur financier britannique rapporte 11% des recettes fiscales du pays. Ces entreprises et leurs employés ont versé 63 milliards d'euros d'impôts directs et indirects lors de l'année 2009-2010 (derniers chiffres disponibles).

Certes, c'est une baisse de 13% par rapport à l'année précédente, et de 21% par rapport à 2007. Mais cela reste démesuré pour un secteur qui emploie 3,5% de la population active. Ces recettes fiscales sont plus importantes que celles du secteur de la distribution, ou que les revenus du pétrole de la mer du Nord. Et c'est plus, faut-il le préciser, que le secteur manufacturier. C'est à cette aune que George Osborne écrit dans le populaire tabloïd "Sun" que "la colère ne créera pas d'emploi. [...] Nous avons besoin des banques". Cette défense des banquiers ne lui fera pas gagner de voix. Mais il souhaite plus que tout que la colère contre les banquiers se calme, pour que Downing Street et la City puissent à nouveau, l'an prochain, fêter ensemble la Saint-Valentin.

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