Ces Vikings, autrefois si vertueux

Par Ivan Best, éditorialiste à La Tribune.
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C'était LE modèle pour tout social-démocrate bon teint et, au-delà, jusqu'à certains élus de la droite modérée. Au milieu des années 2000, le voyage en Suède s'imposait, afin de mieux appréhender les vertus de ce mélange quasi miraculeux de croissance forte, flexisécurité, et de gestion rigoureuse des comptes publics. Nulle question d'excès dans ces démocraties si bien régulées, où l'on n'a pas attendu François Hollande pour mettre des hommes normaux au pouvoir.

L'économie y était par nature saine, fondée sur la croissance par l'innovation et la high-tech, source d'exportations. Et cette Suède avait réduit à quelques centaines son nombre de fonctionnaires dans les ministères - les agents du public étant concentrés dans de très modernes agences. En 2008, la dernière fois que l'OCDE s'est penchée sur le cas suédois, c'était pour louer les excellents résultats obtenus grâce à de profondes réformes structurelles (concurrence accrue, baisse du chômage...).

Las ! Le tableau s'est, au fil des ans, bien terni. Subissant en 2009 une récession à la mesure de son ouverture aux vents de la mondialisation (- 5%), la Suède s'est redressée en 2010. Mais depuis, ses performances déçoivent. Tout comme celles de la Norvège ou du Danemark, dont la croissance en 2011 ne devrait pas dépasser le niveau français - un peu en dessous de 2%. Pas de quoi pavoiser.

Surtout, il apparaît que la vertu économique de nos amis nordiques ne correspond pas tout à fait à l'image que nous nous en faisons. Dans une étude récente, l'agence de notation Standard and Poor's souligne la montée inquiétante de l'endettement des ménages danois, finlandais, norvégiens et suédois. Elle a pour origine l'envolée des prix de l'immobilier. En Suède, ils ont été multipliés par 2,4 depuis 1995 ; dans les autres pays du Nord, la hausse a été à peine moindre, alors même qu'aucune tension n'aurait dû naître sur ces marchés, puisque le stock de logements a suivi peu ou prou l'évolution de la population.

Ce sont les taux d'intérêt très bas qui ont poussé à la demande de logements, de la part de ménages qui n'auraient pas eu accès, auparavant, à la propriété. Résultat, l'endettement global des ménages a grimpé à 160% de leur revenu disponible en Suède, 190% en Norvège, et même 200% au Danemark. De quoi mettre en péril le secteur bancaire ? Il est aujourd'hui des plus solides, et ne risque rien si la croissance continue. Rien à voir avec l'Irlande. Mais, prévient Standard and Poor's, en cas de nouvelle récession, la situation pourrait se détériorer rapidement.

D'autant que, souligne l'agence, la proverbiale générosité du système social nordique tiendra bientôt du mythe : les mailles du filet de sécurité se sont largement distendues, les allocations chômage ont été revues à la baisse. Et la distribution des revenus n'est plus aussi égalitaire qu'au début des années 1990. En cas de forte hausse des taux d'intérêt, la situation pourrait ainsi se détériorer rapidement : la plupart du temps, les ménages sont endettés à taux variable. Ceux-ci seraient très vite étranglés par leurs échéances de crédits, auxquelles ils ne pourraient faire face.

Du coup, le système bancaire, confronté à des défauts de paiement, s'en trouverait rapidement fragilisé. Dans le bilan de banques telles que Nykredit-Realkredit (Danemark), OP Pohjola Group (Finlande) ou Swedbank AB (Suède), les crédits aux ménages représentent plus de 50% des prêts...

Confrontées à de telles difficultés, les banques couperaient le robinet du crédit. D'où un approfondissement de la récession et l'enclenchement d'un véritable cercle vicieux - chômage accru, donc défauts de paiement, d'où difficultés bancaires supplémentaires... Le pire n'est jamais sûr. Mais l'expérience nordique montre que, en économie, les miracles, les exemples inoxydables n'ont jamais cours que dans la tête de certains parlementaires.

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