Jusqu'où la curée ? Le vieillissant Murdoch vit aujourd'hui ce que ses journaux malodorants ont fait subir à tant d'hommes et de femmes qui n'avaient souvent commis pour seule faute que d'être célèbres ou d'avoir des moeurs que sa morale, fort sélective au demeurant, réprouvait. On ne le plaindra pas. L'appareil politico-judiciaire britannique a donc sonné l'hallali. Trop, c'était trop. Avec certes du retard - les pratiques des affidés du magnat australien étaient connues depuis longtemps - mais avec une implacabilité qui devrait donner à réfléchir de ce côté de la Manche. Il ne faut pas s'y tromper : cette offensive porte en elle un goût de revanche pour quelques élites de Sa Majesté qui ont payé un lourd tribut aux campagnes d'une presse qu'elles n'osaient contester au nom d'une liberté d'informer intouchable. Elle vient aussi nous rappeler que le modèle anglo-saxon dont la brutalité, le caractère « cash » nous semblent si souvent excessifs, a aussi ses vertus : quand la tumeur est insupportable, on opère. Vite et sans état d'âme. Sans craindre ce que l'on risque de découvrir ni les dommages collatéraux que l'intervention peut provoquer. C'est violent, direct, mais le bilan est la plupart du temps globalement positif. Il y a d'ailleurs fort à parier que si, comme c'est probable, le tsunami traverse l'Atlantique, l'Amérique ne sera pas plus tendre avec Murdoch. Quel sort serait donné chez nous à un scandale d'une telle ampleur ? Ou plutôt, qu'est-ce qui pourrait provoquer en moins d'une semaine la mise à mal - c'est un euphémisme - d'un empire industriel, la démission du patron de la police, les regrets explicites d'un Premier ministre... ? On a beau chercher en parcourant l'album de nos « affaires » des trente dernières années, la réponse est cruelle : rien.
Le scandale et la vertu
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