Renverser la table, qu'il disait...

ÉDITO. La nouvelle trajectoire budgétaire transmise par Bercy à Bruxelles porte la marque de la crise sociale des "Gilets jaunes". Mais dans un contexte de croissance moins forte qu'attendu, tous les objectifs initiaux sont devenus autant de renoncements. Par Philippe Mabille, directeur de la Rédaction.
Philippe Mabille
(Crédits : PHILIPPE WOJAZER)

Dans son allocution du 1er décembre, Emmanuel Macron l'assurait : « Nous ne reprendrons plus le cours normal de nos vies », sous-entendant qu'il y aurait un avant et un après la crise des « Gilets jaunes ».

Cinq mois plus tard, à quelques jours de la sortie du Grand débat national, il est permis de douter de cette réelle volonté de renverser la table. Plusieurs éléments révèlent la confusion des esprits dans laquelle se trouve le pouvoir. La nouvelle trajectoire budgétaire transmise par Bercy à Bruxelles porte la marque de la crise sociale. Dans un contexte de croissance moins forte qu'attendu, tous les objectifs initiaux sont devenus autant de renoncements.

Le retour à l'équilibre budgétaire en 2022 est abandonné, ce qui n'est pas en soi un drame tant personne n'y a jamais cru, mais il révèle l'impérative nécessité de dégager des marges de manœuvre pour calmer les classes populaires et moyennes. La baisse des prélèvements obligatoires sera donc plus importante que prévu, celle de la dette un peu moindre. Bref, les « petits comptables illustrés » de Bercy, selon l'expression de Gérald Darmanin, sont en train de bidouiller leurs tableurs pour financer un tournant très dépensier du quinquennat en espérant que celui-ci restera contenu.

Taxe carbone, redevance, retraites... d'une impuissance à l'autre

Sur le plan fiscal, le pouvoir est réduit à l'impuissance : impossible d'augmenter le moindre impôt sur un corps social écorché vif. Exit donc la taxe carbone sauf à la redistribuer intégralement. Emmanuel Macron cherche encore la mesure qui aura le plus d'impact sur les esprits. La suppression de la redevance télé est à l'étude, mais on sait bien qu'il ne s'agit que d'un tour de bonneteau qui reporte le financement de l'audiovisuel public sur d'autres impôts. Certains évoquent une baisse des premières tranches de l'impôt sur le revenu, dont l'effet ne peut être qu'homéopathique. Certes, la taxe d'habitation sera bien supprimée pour tous les Français. Mais la fiscalité de l'immobilier semble promise à devenir un réservoir inépuisable pour faire payer un peu plus les « riches ». En gros, les cadres supérieurs aisés « paieront » pour la suppression de la partie « valeurs mobilières » de l'ISF.

Le sujet le plus inquiétant est l'impuissance du gouvernement à faire des économies sur les dépenses publiques. Illustration parfaite avec la « réforme » des retraites, pilotée par Jean-Paul Delevoye, qui tourne vinaigre. Au départ, il s'agissait de faire une réforme « non paramétrique », comme disent les experts, c'est-à-dire sans reculer l'âge légal de départ. Emmanuel Macron candidat s'y étant engagé, on n'y touchera donc pas, alors qu'il manque au moins deux ans de cotisations pour ne pas menacer le niveau des pensions. On tergiverse aussi face aux coûts de la dépendance alors que la situation de nos anciens dans les Ehpad a des airs de pays sous-développé. Seule Agnès Buzyn a osé dire tout haut la vérité. La France ne sauvera pas son modèle social sans travailler plus longtemps.

Philippe Mabille

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Commentaires 16
à écrit le 07/04/2019 à 7:58
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C'était compter sans un peuple ultra conservateur et allergique à toute réforme autre que celle qui concerne les autres.

à écrit le 06/04/2019 à 18:11
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C'est le progressisme "en marche" (de théâtre), où le chœur scande "marchons, marchons, marchons" pendant qu'on emporte l’héroïne sur un brancard vers les coulisses.

à écrit le 06/04/2019 à 10:10
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Macron-des-GOPE-de-Bruxelles est fini, tout incapable de gérer la crise des Gilets Jaunes en suivant la ligne politique de l' arbitraire de l' UE qui paupérise le pays et retire les moyens à porter aux GJ . Dès lors, pourquoi s...

à écrit le 06/04/2019 à 5:16
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Il reste encore trois ans au freluquet pour mettre definitivement le pays a genou. Fallait reflechir avant de voter.

le 06/04/2019 à 15:09
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Il me semble que la situation économique de la France est bien meilleure qu'il y a 2 ans et que la vision qu'on les étrangers de la France est également bien meilleure. Le chômage baisse, le déficit baisse, les prélèvements obligatoires baissent, le...

à écrit le 05/04/2019 à 16:23
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La stabilité c'est pour quand ?

à écrit le 05/04/2019 à 11:47
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Politiques très déséquilibrées et une absence de vision stratégique, la mondialisation heureuse et l'Europe, l'Europe et encore l'Europe ne constituent pas des politiques.

à écrit le 05/04/2019 à 11:22
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Une taxe de solidarité au président et à son gouvernement. Avec une assiette large bien entendu. Sur laquelle on pourrait ensuite mettre de la CSG, du CRDS et de la TVA plus des redevances communales, départementales, régionales, intercommunales et...

le 07/04/2019 à 9:50
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Parfaitement, il ne reste qu'une solution, c'est d'appliquer la note n°6 du CAE, c'est à dire, mettre une taxe sur l'énergie pour participer au financement des charges sociales. Merci. Voir pages 11 et 12 de cette note.

à écrit le 05/04/2019 à 9:48
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il a tellement renversé la table... en tapant sur le peuple en le mutilant... tapé sur les retraités qui perdent 3 pour cent de pouvoir d'achat....et on a le chaos on a un gamin capricieux à la tête de l’État à supporter encore 3 ans il en est arri...

à écrit le 05/04/2019 à 9:24
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Emmanuel Macron a perdu toute crédibilité. Tous les objectifs initiaux du gouvernement sont remis en cause. Emmanuel Macron devrait faire preuve d'autocritique ainsi que ses ministres et dire très fort que jamais la République en marche n’a été dotée...

le 05/04/2019 à 11:29
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100 % d'accord

à écrit le 05/04/2019 à 9:02
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quelle surprise! y avait un article dans lepoint.fr le gars disait ' chez macron, auucun ministre ou conseiller n'a fait de proposition d'economies, ils ont tous des idees de depenses' le pb c'est qu'a bientot 60% du pib pour le poids de l'etat, t...

le 06/04/2019 à 12:05
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Et 95 milliards d' exil et fraude fiscaux dûs à l' UE via l' article 63 du TFUE quand le reste sert à maintenir le noeud gordien UE ......!

le 07/04/2019 à 9:12
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@Madelon : UE ou pas, ces 95 milliards (estimation d'ailleurs bidon), on ne les reverra pas. Il est donc illusoire de les affecter à des dépenses supplémentaires. Il n'y a d'exil fiscal et de fraude fiscale que parce que notre pays est un enfer fisca...

à écrit le 05/04/2019 à 8:27
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"Renverser la table" du goûter. Du coup ya du Nutella partout maintenant...

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