Plan de relance : et si l'Union européenne achetait elle-même des équipements militaires

Si la priorité doit être donnée à la sécurité sanitaire et à l'emploi, EuroDéfense France* propose, au-delà du Fonds européen de défense, un plan de relance industrielle dans le secteur de la défense et de la sécurité au sein de l’Union européenne en deux phases : un plan de sauvegarde des entreprises et de leurs outils industriels et compétences les plus critiques et les plus menacés, puis un plan de relance proprement dit à la sortie de la crise, sous forme de commandes de matériels, y compris par l'Union européenne.
Certains de ces équipements pourront être directement acquis par l'Union européenne elle-même, en priorité des systèmes de surveillance terrestres ou spatiaux, à l'image de ce qui a été décidé en 2007 pour le programme Galileo, des moyens de transport stratégique, des avions ou navires logistiques, voire des moyens sanitaires (EuroDéfense France*).
"Certains de ces équipements pourront être directement acquis par l'Union européenne elle-même, en priorité des systèmes de surveillance terrestres ou spatiaux, à l'image de ce qui a été décidé en 2007 pour le programme Galileo, des moyens de transport stratégique, des avions ou navires logistiques, voire des moyens sanitaires" (EuroDéfense France*). (Crédits : YVES HERMAN)

La crise du COVID-19, qui a sidéré le monde, ne constitue-t-elle pas l'un de ces bouleversements majeurs qui peuvent changer le visage de la planète ? L'histoire nous le dira. Quoiqu'il en soit, elle impose à l'Union européenne (UE) un questionnement sur ses valeurs fondatrices : solidarité, dignité de l'être humain, liberté, démocratie, état de droit et paix. Cette crise sanctionne une triple rupture, rupture du monopole de l'Occident sur l'histoire du monde, rupture du leadership américain hérité de la deuxième guerre mondiale et rupture avec une globalisation incontrôlée. Il faut en tirer les enseignements. Sachant que c'est souvent dans l'adversité que les Européens ont trouvé la volonté et le courage politique de faire avancer leur union, l'opportunité se présente de la doter des attributs qui feront d'elle un acteur mondial reconnu et respecté.

Dans un environnement de plus en plus menaçant, l'Europe aura comme première responsabilité d'assurer effectivement la sécurité de ses citoyens dans tous les domaines et la défense de leurs intérêts, sur le continent et partout dans le monde.

Priorité à la sécurité sanitaire et l'emploi

La crise du COVID-19 a mis la solidarité européenne à l'épreuve, en faisant resurgir initialement les égoïsmes nationaux. Cependant, la Commission européenne a réagi dès le 28 janvier en activant le mécanisme de réaction en cas de crise. Elle a réuni des fonds publics et privés pour financer la recherche sur les vaccins, les diagnostics et les traitements ; elle a créé une réserve commune de matériel médical ; elle a contribué au rapatriement de nombreux Européens bloqués à l'étranger. La solidarité entre les pays s'est finalement exprimée au niveau du transport médical et de l'accueil de patients dans les hôpitaux non surchargés.

L'Union européenne a maintenant la responsabilité de soutenir activement la relance économique, non pas avec un nouveau Plan Marshall, qui viendrait de l'extérieur, mais avec des fonds européens. Des initiatives sont en cours pour compenser ce qui est déjà annoncé comme une chute vertigineuse, une baisse de 7,4 % du PIB de l'UE pour 2020, selon la Commission européenne. La priorité sera donnée à juste titre à la sécurité sanitaire et à l'emploi. Par ailleurs, les enjeux de préservation de la planète, au-delà des changements nécessaires des comportements individuels, vont aussi s'inscrire dans le contexte général et peser sur l'ensemble des contraintes budgétaires de nos pays.

Une crise qui a révélé "notre vulnérabilité"

L'UE se retrouvera plus isolée dans le nouveau contexte mondial et, sans doute, plus vulnérable. C'est pourquoi ses membres devront la doter des moyens de se faire entendre et respecter en tant qu'acteur mondial, afin de créer l'espace de confiance et de solidarité qui lui manque encore. Si l'autonomie stratégique est un enjeu de survie dans les domaines sanitaire, industriel, énergétique, économique et diplomatique, la première responsabilité de l'UE, en liaison avec les États, sera de contribuer efficacement à la sécurité de ses citoyens.

La sécurité sanitaire fera partie des premières initiatives. Une politique de sécurité sanitaire devrait voir le jour, dotée d'une base industrielle et technologique dédiée, à la fois aux échelons national et européen. Cette sécurité sanitaire devra s'inscrire dans une appréciation globale des risques et menaces. Si la menace biologique, aujourd'hui concrétisée par le COVID-19, faisait partie des menaces potentielles depuis des décennies, elle n'avait pas fait l'objet de mesures concrètes d'anticipation.

Cette crise imprévue a révélé notre vulnérabilité. Elle a été mise à profit par certains pays pour éprouver nos moyens de protection, accroître les cyber-attaques et la désinformation afin de fragiliser la cohésion européenne, et contester les organisations et les traités internationaux. Elle est l'occasion pour les groupes terroristes comme Daech de relancer leur action, voyant dans la pandémie le signe d'une punition divine. L'instabilité et l'incertitude croissent : il n'y a plus d'espace protégé ... sauf peut-être la station spatiale orbitale et encore !

Défense et sécurité indivisibles

Dans cette situation alarmante, l'Europe doit se fixer un cap. Un nouveau cadre de la politique de défense et de sécurité commune doit être établi, en prenant en compte le territoire européen, car nombre de crises à venir impacteront directement notre sol. En d'autres termes, l'Europe pourra faire valoir à l'échelle du continent que la défense et la sécurité sont indivisibles et que la résilience de ses États est l'un de ses objectifs majeurs.

Il ne s'agit pas de déposséder les États membres de leur responsabilité en matière de défense, mais de permettre aux Européens de réaliser que leur destin est commun et doit nourrir la volonté de "vivre ensemble". Comment imaginer que l'Union européenne ne puisse pas jouer un rôle plus important d'anticipation stratégique, de partage de l'information, de coordination de la réponse, puis de remontée en puissance ?

Cette inflexion impliquera plus de moyens partagés, notamment la création d'un espace de confiance, où s'échangeront l'analyse des risques, ainsi que les réponses que pourrait apporter l'Union avec le concours des États-Membres. Dans cette perspective, Bruxelles devra enfin disposer d'une véritable capacité opérationnelle intégrée de planification et de gestion de crise multisectorielle, avec une chaine de commandement militaire dotée de sa personnalité propre.

Le FED, pilier de l'autonomie stratégique européenne

Pour contrer les conséquences de la crise économique à venir, les États doivent arrêter collectivement des mesures incitatives dans le domaine de la sécurité et de la défense. S'agissant des investissements de défense et contrairement à ce qui s'est fait en 2008, les arbitrages budgétaires nationaux à venir devront être coordonnés sur le plan européen, dans une logique de complémentarité et de partage. Les mesures incitatives proposées, dont certaines sont en cours de mise en place au sein de la Commission européenne, sont de trois ordres : le Fonds européen de défense, un fonds de relance général et un plan de relance industrielle dédié.

Le Fonds européen de défense, dont le principe a déjà été acté par les États membres, devra être suffisamment doté financièrement pour encourager la coopération européenne et dynamiser la compétitivité et la capacité d'innovation de l'industrie de défense européenne. L'autonomie industrielle de défense européenne en dépend. Le montant doit être voté prochainement dans le cadre du budget pluriannuel 2021-2027 de l'Union. Le fonds de relance, évoqué par la Commission, pourra apporter des moyens financiers considérables et solidaires au rétablissement des économies les plus affectées dans l'Union et au redémarrage de l'économie européenne dans son ensemble et du secteur de la défense en particulier.

Un plan de relance dédié au secteur de la défense

Enfin, un plan de relance industrielle, dédié au secteur de la défense et de la sécurité au sein de l'UE, devrait venir en complément. Il s'articulerait en deux phases : dans l'immédiat, un plan de sauvegarde des entreprises ; par la suite, un financement dédié à l'achat d'équipements stratégiques. Certains de ces équipements pourront être directement acquis par l'Union européenne elle-même, en priorité des systèmes de surveillance terrestres ou spatiaux, à l'image de ce qui a été décidé en 2007 pour le programme Galileo, des moyens de transport stratégique, des avions ou navires logistiques, voire des moyens sanitaires.

La crise sanitaire aura de lourdes conséquences. Aujourd'hui, plus que jamais, l'UE va se retrouver livrée à elle-même. Si elle veut répondre aux attentes et assumer ses responsabilités au regard de l'avenir de l'humanité, elle devra dorénavant compter sur ses propres forces. Dans un environnement de plus en plus menaçant, elle aura notamment comme première responsabilité d'assurer efficacement la sécurité globale de ses citoyens et la défense de leurs intérêts et de leurs valeurs, sur le continent et partout dans le monde. Les mesures présentées ici visent à compenser les effets de la récession économique, tout en optimisant les capacités de défense et sécurité, dans le respect de la souveraineté des États. C'est un enjeu de survie pour notre Europe et pour la civilisation dont elle est le cœur.

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EuroDéfense-France : Patrick Bellouard, Nathalie de Kaniv, Maurice de Langlois, Patrick de Rousiers, Jacques Favin-Levêque, Patrice Mompeyssin, Jean-Paul Palomeros, Jean-Paul Perruche, Philippe Roger, Cyrille Schott

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Commentaires 21
à écrit le 10/05/2020 à 6:43
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Et ça servira à quoi quand la 2e vague du covid-19 arrivera, puis la 3e, la 4e etc.. ? Sans parler des problèmes éthiques, moraux, juridiques...

à écrit le 09/05/2020 à 22:33
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Super, une entité sans aucun contrôle démocratique pourvu d'un arsenal militaire... je ne vois pas ce qui pourrait mal se passer...

le 10/05/2020 à 13:32
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Vous inquiétez pas, l'armée européenne n'a jamais existé... Là on nous parle d'acheter des équipements militaires mais sans armée ce seront des équipements qui traîneront dans des entrepôts...

à écrit le 09/05/2020 à 20:36
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Si ça pouvait être l"embryon d'une "centrale d'achat" d'équipements militaires qui s'imposerait aux pays européens qui souhaitent bénéficier des subsides européens, ce serait plus efficace que rêver d'une armée européenne qui, ne serait-ce que pour d...

le 10/05/2020 à 13:33
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Et dire qu'il y a que quelques jours ont nous parlait de Made in France... Et seulement maintenant on passe déjà à Made in Europe. Dans deux semaines se sera à nouveau comme avant avec un made in Mondiale....

à écrit le 09/05/2020 à 18:14
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Bien avant tout ils n'y a pas d'union fédérale ... Et encore moins une defense commune . Donc lorsque çela sera en route , nous pourrons recruter des volontaires dans toute l'Europe pour cree cette armee europeenne . Soldâts professionnel , entraîne...

le 09/05/2020 à 21:27
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Des peuples qui ne parlent pas la même langue et qui ne veulent pas être chapeautés par l' Ue et sont CONTRAINTS de vivre sous l' UE comme hier les satellites de l' URSS ne porteront jamais un projet fédéral.

le 10/05/2020 à 13:35
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Vu le nombre de militaire de France qui quittent les armée depuis 20 ans faudra pas trop compte sur les plus mauvais qui reste pour créer cette armée... Les meilleurs quittent les institution et les mauvais qu'on veut se débarrasser sont promus pour ...

à écrit le 09/05/2020 à 16:45
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toutes ces excellentes initiatives ayant pour but d'assurer l'autonomie de l'UE sur ses besoins fondamentaux et stratégiques sont énoncées au futur , laissant penser que tout sera fait nécessairement... j'ose espérer que tel sera le cas et qu'enfin l...

le 09/05/2020 à 17:02
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@maduro...en terme géostratégique, c'est quoi l’intérêt commun de la France et la Pologne ? Pour ne prendre qu'un exemple...

le 09/05/2020 à 17:39
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Comptez là-dessus et ..pastis à la sortie du déconfinement, ue us on vous dit!! Virons l' UE irréformable des 27 apôtres non élus et reprenons notre destin.

à écrit le 09/05/2020 à 13:30
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oui certes sauf que les gens qui voent perdre leur boulot, c'est les interimaires du batiment et les serveuses de restau et qu'on ne devient pas ouvrier specialise de l'industrie militaire comme ca entre la macroeconomie et la micro y a le fosse ...

à écrit le 09/05/2020 à 12:15
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Oui et non. La création d'un complexe militaro-industriel européen permettrait à l'union de s'affranchir de la polique de l'otan et de chercher ses propres partenariats Chines/Russie, sans les USA sur le dos. D'autant plus que prés de 70% de la flott...

le 09/05/2020 à 12:46
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Vous rêvez complètement l' Otan/US ne laissera jamais faire parce que l' UE est d 'intérêts US, tant que vous n' aurez pas intégré cela, vous n' avancerez pas d' un pouillème et l' UE non plus.. "'Qui gouverne la France et l'Europe? -...

à écrit le 09/05/2020 à 11:58
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Il faudrait déjà que les 26 pays membres soient d'accord pour générer une union économique et sociale entre pays européens. Il faudrait aussi que l'Allemagne y croit au lieu de seulement l'exploiter pour son dumping social et fiscal. Et sur...

à écrit le 09/05/2020 à 11:48
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Qu'est ce qui dans la crise sanitaire que nous subissons et dans celle de l'économie qui va suivre aurait pu être évité par "des systèmes de surveillance terrestres ou spatiaux" le virus?l'absence total de CA des entreprises en lock out suite à une ...

à écrit le 09/05/2020 à 11:38
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Ah bon ? L'UE veut faire la guerre à la Chine, qui, elle, est réellement en guerre contre le reste du monde ?

le 09/05/2020 à 11:49
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Sans la sécurité, pas de commerce. L’histoire ne montre que ça.

à écrit le 09/05/2020 à 10:21
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"Et si l'UE achetait elle meme des equipements militaires" .... de preference fait en France. Voila l'essentiel de cet proposition ehonte.

le 09/05/2020 à 11:52
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Merci oncle Sam pour ta contribution. On en reparle autour d’un cherseburger? Ou on se fait un apéro? Marre des traîtres et des agents de l’étranger. Chaque pays défend ses intérêts dans l’UE, rien de choquant dans le fait que la France montre les cr...

à écrit le 09/05/2020 à 9:50
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Si cela était le cas, suite a la confiance accordée a l'Union Européenne, ces armements se retourneraient sur les populations civiles, sous la formes de répression interne!

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