Présidence du Medef : le duel Carlac'h-Martin révèle les faiblesses du patronat

EDITO - Ce lundi à 18 heures, Dominique Carlac'h et Patrick Martin, tous deux candidats à la succession de Geoffroy Roux de Bézieux à la présidence du Medef, vont s'affronter sur BFM Business. Le seul débat de toute la campagne, tant les candidats se sont soigneusement évités. L'un fait office de favori, l'autre essaie de renverser la tendance... Mais cette fin de campagne est poussive.
Fanny Guinochet
Dominique Carlac'h et Patrick Martin, candidats à la présidence du Medef.
Dominique Carlac'h et Patrick Martin, candidats à la présidence du Medef. (Crédits : DR)

Derrière la convivialité apparente, ils ne laissent rien passer. Dominique Carlac'h, 54 ans, et Patrick Martin, 63 ans, ne veulent rien lâcher, avant la dizaine de jours qu'il leur reste avant le scrutin. Tous deux espèrent l'emporter le 6 juillet et remplacer Geoffroy Roux de Bézieux à la tête du Medef. Ce soir sur BFM Business, ils s'affronteront lors d'un duel.

Les deux compétiteurs se connaissent bien, ils étaient tous deux dans l'équipe du sortant. Tous deux avaient déjà été candidats en 2018. Patrick Martin s'était rallié avec Geoffroy Roux de Bézieux, et avait ainsi emporté son poste de président délégué, Dominique Carlac'h était devenue la numéro 3 du patronat, et s'était vue confier le rôle de porte-parole.

A 10 jours du vote qui les départagera, Patrick Martin fait office de favori. Le chef d'entreprise lyonnais engrange les soutiens, notamment d'importantes fédérations, comme la métallurgie, ou le bâtiment, ainsi que de nombreux Medef Territoriaux. Dominique Carlac'h compte moins de soutiens. Mais elle répète que de nombreux votants sauront, le jour J, s'extraire des consignes officielles de votes pour se tourner vers elle. Ce lundi matin, dans nos colonnes, elle assure, une fois encore, que « le match n'est pas plié » et « qu'elle va créer la surprise. »

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Un vote sans grand suspens...

Leurs programmes sont assez proches. L'un met plus en avant la croissance, l'autre la nécessité de s'intéresser au travail.. Mais tous deux restent fidèles à l'ADN classique du Medef : réindustrialiser la France, gagner en compétitivité, faire baisser les charges, se battre contre une réglementation excessive, regagner de la liberté au niveau du paritarisme... etc, etc.

Prudents, les deux compétiteurs restent fidèles au bilan du sortant, dont ils ont fait partie de l'équipe rapprochée pendant cinq ans. Et si Geoffroy Roux de Bézieux assure officiellement qu'il ne prend pas partie lors de ce vote, ceux qui le connaissent savent que son coeur penche un peu plus pour son numéro deux que sa numéro trois.

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...malgré la différence de styles

L'incarnation en revanche se veut différente. Dans le style, - homme / femme- mais aussi dans l'approche. Dominique Carlac'h met plus l'accent sur les sujets sociaux, mais cet intérêt, justement risque de lui porter préjudice, face à un électorat, somme toute, encore très classique et très masculin.

Le ralliement de Pierre Brajeux - autre candidat à la présidence du Medef- à Dominique Carlac'h, comme celui de Guillaume Cariou n'est pas en mesure de changer la donne. Et l'électeur pourra être d'autant plus perdu qu'en 2018, ce même Pierre Brajeux avait fait un ticket avec Patrick Martin.

Alors peut-il y avoir un renversement de tendance ? Au Medef, comme dans n'importe quelle élection, les surprises de dernière minute sont toujours possibles. Reste que le patronat est une organisation légitimiste, qui cherche surtout à ne pas faire de vagues, à assurer la continuité et la cohérence. Et ce, alors même que les entrepreneurs sont connus pour le goût du risque et leur capacité à innover.

Ces derniers jours, les écuries de chacun des candidats étaient à la manœuvre, pour en coulisses, tenter de déstabiliser l'adversaire ou convaincre ceux qui hésitent encore. Contrairement à l'affichage, le Medef est loin d'être une grande famille unie, au service des entreprises.

Une fin de campagne sans grande saveur

Mais au final, loin des batailles de personnes ou de clans, ce qui risque de ressortir de cette campagne, c'est son classicisme... et sa faiblesse idéologique. Le débat d'idées n'aura pas eu lieu, aucune nouvelle tête patronale n'aura émergée, aucune proposition forte ne restera de ces mois d'échanges.

Il est loin le temps où le tonitruant Denis Kessler proposait sa rénovation sociale, où Laurence Parisot bousculait « ces messieurs les patrons » avec son culot démesuré et son acharnement à faire bloc face à l'extrême-droite, où Pierre Gattaz, même moqué, promettait avec une sincérité chevillée au corps que les entreprises pouvaient créer un million d'emplois, quand la courbe du chômage peinait à s'inverser... que Geoffroy Roux de Bézieux défiait avec sa fougue d'entrepreneur Alexandre Saubot....

A qui la faute ? Le président du Medef sortant qualifie lui-même son mandat « de peinard », quand après de long mois contre la réforme des retraites, les Français s'enthousiasment pour le renouveau syndical, incarné par Sophie Binet à la CGT, ou Marylise Léon à la CFDT. Après le « quoi qu'il en coûte », et deux années post-Covid plutôt florissantes pour la majorité des entreprises, le patronat semble plus discret.

Aussi, dans ce contexte, la campagne 2023 du Medef aura, sans doute, manqué un peu de saveur. Pourtant, le patronat a des défis qui l'attendent aux allures de révolutions : économiques, numériques, écologiques, politiques... peut-être encore plus importants que lors des derniers enjeux électoraux.

Fanny Guinochet

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Commentaires 3
à écrit le 28/06/2023 à 14:23
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"vrai révolutionnaire" conservateur !!! Tous ces notables accrochés à leurs privilèges qui n'ont aucune vision à moyen ou long terme incapables de voir que l'avenir appartient aux jeunes générations, celles qui vivront après 2050 alors qu'eux auro...

à écrit le 26/06/2023 à 19:47
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Ils sont tellement faibles car tellement soumis à la finance nos patrons d'aujourd'hui, grands et tout petits. J'ai connu l'époque des patrons aventuriers qui coulaient les agences bancaires qu'ils embarquaient dans leurs élans,, qui riaient de leurs...

à écrit le 26/06/2023 à 18:32
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On a eu pendant toutes ces années un discours mesuré de la part du Medef, et apparemment un vrai respect entre patronat et syndicats, un vrai dialogue, et de vraies avancées : il va peut-être nous manquer, M. Roux de Bézieux. Qui aura été un vrai rév...

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