Définir un vrai "made in France", une condition du "produire en France"

Par Thierry Moysset, gérant de la Forge de Laguiole.
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Le processus de mondialisation provoque des confrontations entre entreprises de même activité, au niveau international, qui ne se satisfont pas des mêmes exigences sociales, fiscales, sanitaires ou environnementales. La Forge de Laguiole ne perçoit pas ces impératifs comme des sources de surcoûts ou des obstacles au développement de l'entreprise mais comme bénéfiques et le juste prix à payer afin d'assurer la durabilité de tout projet économique. Cependant, les différences injustifiées entre entreprises nationales et étrangères provoquent, de fait, un déséquilibre dans l'appréciation du produit par les consommateurs et particulièrement de son coût rendant ainsi toutes comparaisons impossibles. Ce sont ces différences qui mettent en péril nos entreprises et nos emplois.

Un principe de physique pose que "toute chose n'est comparable que si les unités le sont". À l'heure de la concurrence mondiale sur un marché planétaire en voie d'unification, les conditions de production, de calcul et d'encadrement qui leur sont imposées, ne répondent pas à cette équation.

La solution que représenterait une uniformisation "au rabais" est inenvisageable pour la Forge de Laguiole. En attendant des pays émergents, le rattrapage nécessaire des critères des pays développés en matière de production responsable, la qualité de notre travail doit être protégée et valorisée. Nous déplorons aujourd'hui que les labels ou certifications, visant à soutenir les démarches des industriels français s'efforçant de maintenir leurs activités sur notre territoire, soient inefficaces. Cette carence a été soulignée par le député UMP Yves Jégo qui, dans son rapport "En finir avec la mondialisation anonyme", a mis en exergue les zones d'ombre entourant le "made in France". Dans ce rapport, il explique : "Faute de base juridique communautaire, le "made in" est non défini, facultatif et difficilement contrôlable." Or, cette imprécision profite aux imposteurs. Les conditions d'emploi du label "made in France" sont particulièrement absconses. À la complexité de la réglementation européenne sur le marquage de l'origine, viennent s'ajouter des grilles de lecture, sans cohérences entre elles, de nos administrations nationales.

L'inefficacité de ces labels est inscrite dans leurs critères de discrimination. Ainsi, demander que 45 % ou 50 % de la valeur ajoutée d'un produit provienne d'un pays pour qu'il soit considéré comme étant originaire de celui-ci n'aura aucun sens tant qu'on retiendra comme base de calcul la valeur ajoutée, qui place sur le même plan des réalités disparates. Si l'on prend pour critère cette valeur ajoutée, les écarts de salaires avec les pays émergents donnent la même valeur à une heure de travail en France et à cinquante heures dans un autre pays. Ce critère rend donc inopérant les labels, marqueurs d'origine, fondés sur le calcul de la valeur ajoutée. Nous pourrions, faute d'un "made in France" précis :

- identifier les produits par un marquage des produits importés et par différence, repérer les produits manufacturés en production locale. Or, le Code des douanes n'a qu'un rôle fiscal de taxation des produits entrant sur le territoire mais en aucun cas, il n'assure un repérage de produits dits locaux mais manufacturés en dehors de leurs territoires. L'Europe n'oblige à aucun marquage et surtout ne le réglemente pas ;

- exiger un marquage de l'indication géographique et le contrôler. Les produits de consommation (essentiellement produits par les grandes entreprises) ne nécessitent pas forcément une indication géographique car, dans bien des exemples, cette situation géographique n'est plus l'ADN du produit et ne représente pas un territoire et/ou son patrimoine. En revanche, les produits territoriaux (essentiellement fabriqués par les PME françaises) exigent une indication géographique précise car celle-ci fait partie intégralement des gènes du produit et représente un territoire, son patrimoine et ses savoir-faire.

Les indications géographiques protégées (IGP), en délimitant avec clarté une zone de production, élimineraient ce non-sens et placeraient les producteurs concernés sur un pied d'égalité, grâce à un cahier des charges précis. Ce sont les raisons pour lesquelles, afin de protéger les consommateurs et les fabricants, il est pour nous, essentiel, que l'extension des IGP aux produits manufacturés soit votée.

Il est important que le droit des IGP ne soit pas soumis au droit des marques. Le nom collectif d'un lieu, village... doit être utilisable pour et par tout le monde (suite à la définition d'une zone et d'un cahier des charges). Il n'est plus acceptable de faire le dépôt par marque, qui, par sa définition même, le rend privatif.

Dans l'esprit de cette loi, il est inconcevable qu'une marque puisse s'opposer à l'utilisation modérée et constructive du nom d'un village, d'un terroir... elle devra se différencier sur son territoire par ses produits et le nom de sa marque mais elle ne peut s'auto-déclarer comme étant la seule à pouvoir utiliser le nom collectif de sa situation géographique.

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Commentaire 1
à écrit le 10/01/2012 à 2:36
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