"La France et l'Allemagne ne peuvent fixer seuls le cap, juste avant un sommet européen"

Dans un entretien exclusif à "La Tribune", le chef des conservateurs dans la grande coalition au pouvoir à Vienne, s'explique sur l'Europe, la perte du triple A et les réformes, la crise en Hongrie.
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Comment jugez-vous le rôle central joué par le couple franco-allemand dans la crise de la zone euro ?

J'ai toujours été critique à ce sujet. Il n'est pas bon pour l'Europe que deux pays prévalent et fixent seuls le cap juste avant un sommet européen. Cela affaiblit le rôle de l'Europe en général quand l'attention ne se porte que sur deux pays : toute la force de l'Union européenne (UE), c'est-à-dire ses 27 pays et ses 500 millions de citoyens, en est amoindrie. Tous les États membres doivent être impliqués dans les discussions. Je n'ai rien contre ceux faisant des propositions constructives en amont et que deux pays soient très liés. Mais cela ne doit pas donner l'impression qu'à deux ils décident d'un sommet. Un groupe de petits et moyens États membres partage notre point de vue.

Face aux autres États, Paris et Berlin ont-ils la même attitude ?

Côté allemand, cela s'est amélioré hier jeudi à Berlin : la chancelière a invité son homologue autrichien et le Premier ministre suédois pour des discussions. Je souhaiterais que la France fasse de même et qu'elle implique aussi les autres dans les réflexions afin que cela ne ressemble pas à un diktat de deux puissances.

La Commission européenne devrait-elle jouer un plus grand rôle ?

Dans l'Europe du futur, le commissaire aux Affaires monétaires devrait jouer un plus grand rôle. Le commissaire à la Concurrence peut, lui, intervenir directement si le droit à la concurrence est bafoué, il peut bloquer et ordonner. Son homologue en charge de la monnaie commune n'est, lui, que spectateur de ce que les chefs d'État et de gouvernement décident. Il faut renforcer son poids et plus généralement celui de la Commission.

L'agence de notation Standard & Poor's (S&P) a privé la dette souveraine de l'Autriche, comme celle de la France, vendredi dernier de son fameux AAA. Cela vous a surpris ?

Oui, car il est incompréhensible qu'à partir des mêmes données de départ, S&P arrive à une autre conclusion que Fitch et Moody's, qui, eux aussi, nous ont rendu visite. Mais cela ne doit ni nous pousser ni nous bloquer d'agir. J'espère que la perte du triple AAA constitue une alerte pour tous ceux qui, en Autriche, sont hostiles aux réformes : qu'ils se rendent à l'évidence et soient prêts à des concessions. Nous négocions actuellement avec nos partenaires sociaux-démocrates (SPÖ) de la grande coalition tout un train de mesures pour les cinq prochaines années. Six domaines sont concernés : les préretraites, la société de chemins de fer (ÖBB), les structures sanitaires, la politique de subventions au niveau fédéral et local, une réforme de l'administration et de la fonction publique. Nous sommes assez confiants de mettre rapidement sur pied ce très ambitieux plan d'économies s'étendant jusqu'en 2015. L'objectif de notre gouvernement est clair : retrouver le plus vite possible la note AAA et ce, de la part de toutes les agences de notation.

Cette austérité ne risque-t-elle pas d'étrangler votre croissance ?

Il faut distinguer parmi les mesures d'économies. Si nous augmentons en l'espace d'un an l'âge de départ effectif en retraite de 58 à 59 ans, cela n'a pas d'effets négatifs sur la croissance : au contraire les gens ont plus d'argent dans leurs poches s'ils continuent à travailler et on réduit ainsi les subventions aux caisses de retraite. La croissance, que nous prévoyons de 0,5 % cette année, serait freinée, si nous réduisions les investissements pour le futur. Or les dépenses d'éducation, de sécurité, de recherche et d'innovation ne sont pas touchées par ces économies.

Êtes-vous inquiet de la situation de votre voisin hongrois ?

Aujourd'hui [ce vendredi], je rencontre à Budapest le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, et le ministre des Affaires étrangères, János Martonyi, pour me faire de moi-même une idée de la situation. La Hongrie doit réagir rapidement aux normes européennes violées : la Hongrie n'a pas intérêt à une condamnation. Comme bon voisin, on doit pouvoir lui indiquer ce qui va ou pas. Je veux aider la Hongrie à sortir de cette situation menaçante pour son économie, via notamment les tensions sur sa monnaie. J'ai déjà parlé avec János Martonyi : il y a la volonté, en prenant des mesures, d'éviter la procédure de violation du traité UE. Cela serait bon pour la Hongrie et pour l'Europe.

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