Enquête après enquête se constitue une sorte d'écurie politique et surtout médiatique de premier niveau. Elle réunit des hommes et des femmes qui partagent plusieurs points communs.

Ils s'appuient sur une même posture narrative, peut-être même une certitude. Avec des intensités différentes, ils sont victimes ! Victime des attaques de ses collègues ministres pour Manuel Valls, victime de la crise et du complot des juges pour Nicolas Sarkozy, victime de l'ensemble de la classe médiatique et politique pour Marine Le Pen, il semble même qu'il l'était déjà à Matignon, François Fillon est lui la victime de Nicolas Sarkozy, de ses prétentions au retour, de son système, … Victimes de leurs exils respectifs dans des géographies pourtant choisies, deux membres de cette « élite » sont un peu à part, l'américaine Christine Lagarde au FMI et l'aquitain Alain Juppé en mairie de Bordeaux.

La thématique du recours

La victimisation s'accompagne de la thématique du recours, celle de la responsabilité du « héros » face à la crise et aux prétendus errements et insuffisances gouvernementaux, hollandiens, socialistes, sarkozystes, … Manuel Valls veut incarner le recours dans un Gouvernement qui se cherche un chef et nul doute qu'il lorgne sur le Matignon post municipales. Nicolas Sarkozy dit ne pas en vouloir mais déclare devoir répondre à sa responsabilité spécifique comme transcendée, le sauveur légitime du pays, c'est lui.

Fillon, patron visionnaire?

Marine Le Pen invoque une démarche historique face à la déliquescence du pays dans une Europe injuste et mortifère. Plus modestement ou presque, François Fillon depuis la Grande-Motte s'est définitivement affranchi. Il se veut le recours pour sa famille et, au delà, du pays en patron visionnaire d'une seconde légitimité. Christine Lagarde et Alain Juppé plus discrets, alimentent ou laissent courir depuis leurs bases respectives des rumeurs qui revendiquent des légitimités et surtout insistent sur des disponibilités aux retours.

Parler haut...

La ressemblance s'exprime aussi dans un style ou plutôt une tonalité narrative. Parler haut et fort, exprimer une autorité naturelle, libre, protectrice. Je décide, j'agis, je combats … nos ennemis à tous : la vacuité du surplace, la fatalité de l'échec, l'abandon à la mondialisation … Cette composante du ton s'affirme depuis des mois comme essentielle dans les évolutions des trajectoires de popularité comparées de Manuel Valls, Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy. C'est vrai aussi désormais chez François Fillon depuis quelques semaines. Alain Juppé exprime dans un mode plus retenu mais largement ressentis la même composante et Christine Lagarde profite à distance de son magistère international.

Retour en vogue de la triangulation

Enfin il y a comme un retour en vogue de la triangulation politique « inventée » par Dick Morris conseiller politique de Bill Clinton pour le faire réélire en 1996. Cette stratégie qui consiste à s'habiller de certains des traits politiques de ses adversaires en particulier pour gagner une élection ou se maintenir au pouvoir, fut utilisée par Tony Blair et son « new Labour » ou plus près de nous par Barack Obama et même Nicolas Sarkozy et son ouverture. Dans un contexte politique où les codes traditionnels tendent de manière persistante à se brouiller, où la nécessité de nouvelles approches se fait sensible, cette triangulation clintonienne et son rêve, non dit, d'Union Nationale font écho au succès de la stratégie allemande d'Angela Merckel !

Une question demeure : s'agit-il d'une nouvelle saison de la série du combat des egos, prologue houleux et presque déjà fatal au terrible programme des futures élections présidentielles ou sommes nous en face d'une recomposition en cours promesse de succès futurs pour notre pays ?

*Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne, Président de j c g a

Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals