Hollande et la France en tranchées

Partis, syndicats, les structures intermédiaires sont inopérantes. Et, face à une France en tranchées, François Hollande songe surtout à 2017. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à Paris 1 Sorbonne

 A l'aune du terrible chaos qui frappe les philippins, les troubles de ce triste 11 novembre français semblent dérisoires. Ils viennent pourtant s'ajouter à une longue liste d'événements qui partout, font émerger en France des mouvements qui ont marqué l'évolution des pratiques sociétales et politiques dans de nombreux pays depuis plusieurs années et en particulier depuis 2008. Ils vont se multiplier.

Des modèles représentatifs dynamités

Depuis des mois, des français se rejoignent, se mobilisent hors des cadres de mouvements politiques, syndicaux, ou de groupes de pressions permanents. Nous avons nous aussi, nos Indignados ou nos Occupy. Nous l'avons écrit plus tôt cette année, voici l'apparition, en France, de ce que l'on peut qualifier d'« adhocratie ». La globalisation et la popularisation de l'Internet, surtout mobile, dynamitent nos modèles représentatifs vissés dans les vieux paradigmes démocratiques.

Une nouvelle ère institutionnelle, politique et citoyenne, prend racine sur le terreau des incertitudes radicales et des vérités politiques de plus en plus faibles que la Présidence de François Hollande semble, après d'autres, incarner sans réponse alternative crédible dans le paysage de l'offre politique.

Une désintermédiation presque totale

Nous le voyons désormais autour de nous, cette évolution s'appuie sur une décentralisation des moyens d'action politique, plus largement de communication. Elle profite aussi de l'effacement progressif de l'audience et de l'influence des intermédiaires classiques : médias verticaux, partis politiques, syndicats ... Elle fonctionne dans une désintermédiation presque totale.

Ces mouvements ne suivent pas les lignes de séparation de l'échiquier politique. Les tranchées ne s'inscrivent pas dans un axe droite-gauche. La donne est plus complexe que ce que voudrait nous vendre les certitudes trop simples des acteurs politiques de tous bords. Nous passons de conflits politiques ou sociaux à des conflits complexes difficiles à appréhender pour les forces politiques et les organisations syndicales.

Une expression de mobilisation générale

On intègre, on réunit des différences, de la diversité, parfois pourtant très puissamment opposées. Ces formes de mobilisation et d'action sont loin de vouloir renverser la démocratie représentative, ils viennent juste se glisser dans ses temps et ses rythmes. La donne française ajoute une dose de corporatisme et les objections régulatoires de plus en plus fréquentes des élus et en particulier des maires.

Les partis, gauche, centre et droite compris, n'ont pas de prise sur des mouvements de nature opportuniste et imprévisibles. L'accumulation dans la durée des crises revendicatrices, leur caractère permanent, produisent une expression de mobilisation générale. Les crispations et les divisions de la majorité, le silence de François Hollande mais aussi l'embarras général de la classe politique et des intermédiaires classiques renvoient à la description, trop forte, de ras le bol général.

Avancer vers une démocratie augmentée

Il ne faut pas que le politique prenne peur, se terre ou se radicalise. Il y a même là une vraie source de relégitimation potentielle. Notre organisation démocratique va devoir s'ajuster et évoluer. Il ne s'agit pas de participation mais de la nécessité d'avancer vers une démocratie augmentée, dans la compréhension que la victoire électorale et le mandat électoral reçu n'autorisent pas tout désormais sans reformulation permanente de la raison d'être des mesures et d'une discussion citoyenne approfondie.

Parallèlement, et c'est aussi une composante de la relégitimation qui peut apparaître faussement contradictoire, face à des citoyens qui ne veulent pas renverser un Gouvernement ni ici, ni ailleurs, le politique, Parlement compris, doit aussi assumer et incarner son leadership, sa vision, son autorité, et son contrôle de son appareil administratif

Ralentir le temps électoral et médiatique

Si la volonté citoyenne doit être écoutée et entendue, au delà des professionnels de la participation et de l'influence, si la nouvelle gouvernance doit savoir ralentir le temps électoral et médiatique pour expliquer et garantir le succès du projet collectif dans la complexité de ses contradictions, elle doit aussi incarner une force déterminée et une direction lisible pour le pays.

Et François Hollande qui pense à 2017....

Le Président de la République, collectionneur de records d'indicateurs négatifs en tous genres, dont je qualifiais, il y a peu, dans ces colonnes, la Présidence d'effacée, savait que le faible capital politique crée par la victoire de 2012 ne pouvait nourrir l'espoir d'une conversation durable et confiante avec les français. Sifflé et brocardé dans son propre camps ce week end, il semble ne pas s'en émouvoir, comme s'il digérait, dans sa stratégie politique personnelle, les géographies et les temporalités réelles de ces différentes poussées revendicatrices. Comme s'il nous rappelait, silencieux, que son rendez-vous, à lui, aura lieux en 2017, pas avant. Reste celui de la France en tranchées. Une autre histoire.

 

Jean Christophe Gallien est professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne, Président de j c g a, membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

 

 

 

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Commentaires 5
à écrit le 14/11/2013 à 14:41
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C'est un fait que les élites et autres intermédiaires sont désormais en difficulté. La perte de confiance, de légitimité aussi est totale. Très bon papier, n'en déplaise aux profs d'orthographe.

à écrit le 13/11/2013 à 18:20
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Ou aura lieu plutôt...

à écrit le 13/11/2013 à 18:17
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Tout à fait, les citoyens sont hostiles à toute forme de délégation ou de représentation, même des élus peuvent développer ce type de réflexe de méfiance à l'égard de la représentation ! En tant que minuscule responsable politique en charge d'établir...

à écrit le 13/11/2013 à 17:58
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Sur la forme: avec toutes les technologies existantes (en sus des "outils" que nous inculque l'éducation nationale), je me demande comment il est possible de faire autant de fautes d'orthographe. Sur le fond: oui et donc?

le 14/11/2013 à 10:05
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Sur le fond j'attends votre commentaire Un lecteur lambda !

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