Biocarburants avancés : passer à l'industrialisation, au nom de l'enjeu environnemental

Dans une tribune, Didier Houssin, Président d'IFPEN (Institut français du pétrole et des énergies nouvelles), pousse, pour réussir une transition énergétique réussie en France, au lancement d'une véritable dynamique industrielle pour les biocarburants avancés pour en faire un fleuron national.

Le 27 janvier dernier, la ministre de la transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, présentait une feuille de route pour le développement des biocarburants aéronautiques durables dans le transport aérien français, avec un objectif d'incorporation de 5%. Il s'agit d'une cible ambitieuse pour un secteur qui est responsable de 13% de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre émanant des transports. Une telle annonce s'inscrit dans un mouvement réglementaire qui concerne de façon globale la décarbonation de nos moyens de déplacement qui représentent de l'ordre de 24% des émissions mondiales directes.

Toujours en France, la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévoit l'intégration de 3,8% de biocarburants avancés (issus de paille ou de déchets forestiers) dans l'essence et 2,8% dans le gazole à horizon 2028.

A l'heure du défi climatique et de l'émergence de ces nouvelles filières industrielles au plan international, il convient donc de passer de la R&D à l'industrialisation des biocarburants de deuxième génération sur le territoire français.

Une solution immédiate et pérenne

En effet, les biocarburants avancés dessinent des perspectives prometteuses pour décarboner le secteur des transports et pour diversifier notre mix énergétique.

Les biocarburants de deuxième génération présentent des avantages majeurs : ils sont immédiatement accessibles puisque produits à partir de matières premières qui n'entrent pas en concurrence avec l'alimentaire : paille, coproduits de l'industrie forestière, bagasse ou autres matières lignocellulosiques.

Ils peuvent être mélangés directement à l'essence (bioéthanol), au gazole (biogazole) ou au kérosène (jetfuel), sans modification du réseau de distribution ou du système de motorisation des véhicules. Ils offrent en outre l'avantage de renforcer notre indépendance énergétique en réduisant le recours au pétrole. Autre intérêt : ils permettent une réelle diversification de notre production agricole et sylvicole.

Du point de vue du réchauffement climatique, les études confirment que les biocarburants avancés permettent une réduction de plus de 85% des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux carburants fossiles. Sur l'ensemble de leur cycle de vie (de la production à l'utilisation finale dans les véhicules), ils affichent aujourd'hui une performance environnementale aussi bonne que celle de l'électrique.

Ce diagnostic ne doit néanmoins pas conduire à opposer différentes solutions parfaitement crédibles. Au contraire, un mix énergétique efficace s'impose aujourd'hui, avec des technologies complémentaires pour décarboner et réduire l'empreinte environnementale du transport.

Ailleurs dans le monde, les lignes bougent : en Inde, avec une douzaine de projets d'usines d'éthanol avancé, mais aussi en Europe, où avec la Directive RED II, des unités industrielles sont programmées en Roumanie, en Pologne ou encore en Croatie.

En faire un fleuron national

Et la France ? N'oublions pas qu'elle a largement contribué à faire des carburants durables une priorité inscrite dans le « Pacte vert » : elle doit donc prendre toute sa part pour le succès des objectifs européens comme, en particulier, l'incorporation de 14% d'énergie renouvelable dans les transports à l'horizon 2030 - c'est-à-dire demain - dont 3,5% de biocarburants avancés.

Pour cela, disons-le clairement : la transition énergétique implique de lancer dès à présent une véritable dynamique industrielle pour les biocarburants avancés sur notre territoire pour en faire un fleuron national. Illusoire ? Au contraire : la France compte d'ores et déjà des technologies de biocarburants de 2génération pour la production de bioéthanol, de biogazole et de jetfuel. Le moment est venu de lancer l'industrialisation et de valoriser ainsi une excellence et une capacité d'innovation reconnues à l'international. L'enjeu environnemental offre à notre pays une formidable opportunité : rendre compatibles urgence écologique et performance économique en construisant un succès « made in France ».

Didier Houssin, Président d'IFPEN

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Commentaires 7
à écrit le 12/03/2020 à 12:33
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calamard ne sait pas de quoi il parle. Je développe des agrocarburants en Afrique de l'Ouest sur des terres arides non utilisable pour en faire des terres nourricières et je fabrique le peu d'eau nécessaire à mes cultures. Aujourd'hui les agrocarbur...

à écrit le 12/03/2020 à 6:44
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Attention à l'usage des pesticides, la France est déjà une championne de ses usages, et dans le mauvais sens!!

à écrit le 10/03/2020 à 20:41
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Et quand on aura appauvri les sols pour rouler, on laissera quoi à nos successeurs pour manger ? Il faudra qu'ils trouvent des fertilisants ?

à écrit le 10/03/2020 à 10:49
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Arrêtons de parler de biocarburant, nom inventé par les lobbyistes de la filière , mais employons le vrai nom d'agrocarburant. Agrocarburant est plus dur à faire passer, mais c'est une réalité pour cette folie du siècle alors que nous avons bientôt...

le 10/03/2020 à 14:23
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Dans le cas des déchets il s'agit bien de biocarburants! Ensuite, 35% de pétrole sous formes variées, c'est ce qu'il y a dans votre assiette! 25%, c'est ce que l'on jette au lieu de nourrir les truites et les cochons avec! Le verre d'eau avec la p...

à écrit le 10/03/2020 à 8:49
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Une bonne idée qui pourrait permettre à l'agro-industrie de sortir de la production de l'alimentaire avec honneur, nos voitures ne craignant pas le cancer elles. Mais connaissant la cupidité de ses acteurs ils vont certainement exiger le beurre e...

à écrit le 10/03/2020 à 7:40
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Cette politique des biocarburants est suicidaire pour l'humanité. Bruler avec nos voitures le capital de fertilité des sols est quelque part une insulte pour les générations futures qui en auront besoin pour se nourrir. Depuis quand la fertilité des ...

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