« Black-out » : anticiper ou subir ?

OPINION. Au vu des projections concernant notre consommation et notre production électrique, l'éventualité d'un black-out dans notre pays ne peut aujourd'hui demeurer un non-dit. Par Jacques Arbeille et Pierre Lelong, dirigeants de Blunomy.
(Crédits : DR)

Pour l'hiver 2022-2023, RTE envisage déjà jusqu'à 28 activations du signal Ecowatt rouge, soit le niveau d'alerte maximal concernant l'état de saturation du réseau électrique. Ce sont pour les vingt années à venir qu'il faut craindre le pire. Pour deux raisons : l'augmentation de la part d'énergies renouvelables -majoritaires d'ici 2050- conjuguée à l'électrification grandissante des usages. En effet, intermittentes par nature, les énergies renouvelables ne pourront pas satisfaire la demande lors des pics de consommation. À 19h en hiver, il n'y a pas de soleil et parfois pas de vent...

Pour maintenir l'équilibre entre production et consommation, les solutions de flexibilité doivent se développer de manière massive, afin de soulager le réseau lors des moments de tension. L'Agence Internationale de l'Énergie estime ainsi qu'en Europe elles devront doubler puisque les besoins maximums en flexibilité iront de 120GW en 2020, à 280GW d'ici 2050.

Les solutions pour recourir à la flexibilité existent sous diverses formes : le stockage d'électricité via des batteries, les centrales d'appoint (souvent au charbon), les centrales hydrauliques ou encore l'effacement de consommation. Cette dernière est aujourd'hui la solution qui recèle le plus fort potentiel.

Elle repose sur une réduction temporaire de la consommation d'électricité, lors des pics de demande. On en distingue principalement deux types, l'effacement industriel qui s'applique par exemple aux équipements énergivores des usines (fours, broyeurs, compresseurs...) et l'effacement résidentiel adressé lui aux particuliers, qui permet de réguler la consommation des radiateurs électriques, des chauffe-eaux ou des climatiseurs.

Avec la fin des chaudières au fuel le potentiel de l'effacement résidentiel ne fera que s'accroître dans les années à venir. Or, si les chauffages électriques et les pompes à chaleur fournissent un gisement important, l'effacement est encore trop faiblement exploité aujourd'hui. Le rythme de déploiement de ces solutions qui offrent de nombreux avantages doit s'accélérer dans notre pays.

Une gestion plus fine de notre consommation

Sur environ 10 millions de foyers équipés de radiateurs électriques ou de pompes à chaleur, seuls 1 à 2% bénéficient aujourd'hui de solutions d'effacement. Les programmations pluriannuelles de l'énergie fixent un objectif de 6,5GW en 2028 pour l'effacement résidentiel et industriel. Or, à titre d'exemple, le résidentiel seul peut permettre d'y parvenir. Sous des températures extrêmes (-2,96°C), les chauffages électriques et les pompes à chaleur pourraient potentiellement effacer 12GW.

Surtout, l'avantage n'est pas tant la possibilité de pouvoir couper l'alimentation électrique que de pouvoir la piloter intelligemment. D'après une étude menée par le CSTB (Centre Scientifique Technique Bâtiment) et l'ADEME, des coupures de l'alimentation du chauffage et de l'eau chaude électrique pendant 15 à 20 minutes par heure permettraient de réaliser une économie moyenne de l'ordre de 7 à 8% de la consommation totale journalière d'électricité des foyers.

De plus, les solutions d'effacement limitent fortement les émissions de CO2 puisque lors des pics, elles permettent d'éviter le recours à certaines centrales à gaz. Ou à charbon. Les météos de l'électricité, comme Adapt ou E-FlowerPower, peuvent de leur côté renseigner les foyers sur les heures les plus propices pour minimiser l'impact de leur consommation sur les émissions CO2.

Enfin, ces solutions d'effacement qui prennent la forme de boitiers branchés aux radiateurs sont low-tech, elles nécessitent moins de terres rares et métaux (comme le cuivre ou le cobalt) que les batteries. Elles permettent donc de mieux répondre aux enjeux de criticité des métaux qui s'intensifient avec, par exemple, le développement de la mobilité électrique.

Eviter un "black-out"

Les coupures qu'engendre l'effacement chez l'utilisateur sont brèves, elles n'affectent qu'une partie des appareils de l'habitat et ont un impact très raisonnable sur le confort de l'utilisateur. Nous devons comprendre qu'elles constituent une alternative douce et maitrisée au regard des conséquences que pourrait avoir un réel "black-out", ou des coupures de courant subies chez les particuliers et les entreprises.

L'Australie a subi en 2016 un début de "black-out" en raison de fortes fluctuations sur son réseau. La Californie, l'an dernier, a dû procéder à des coupures tournantes à cause de la trop grande intermittence de ses renouvelables en pleine canicule. La France en janvier, touchée alors par un incident sur réseau électrique européen, avait coupé l'alimentation de seize sites industriels importants pour éviter un "black-out".

De tels incidents vont se multiplier. L'équation est simple : devons-nous anticiper ou subir ? Anticiper impose de se doter au plus vite d'outils de flexibilité, pour enfin piloter plus intelligemment notre consommation d'électricité.

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Commentaire 1
à écrit le 25/11/2022 à 18:44
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L'essentiel est de trouver les coupables qui veulent se cacher dans leur irresponsabilité !

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