Comment fidéliser ses collaborateurs ?

OPINION. Un turn-over élevé est pour d'aucuns une opportunité d'apporter du sang neuf, mais le laisser s'installer n'est certainement pas à faire. C'est un risque de ne pas trouver de remplaçant, de perte de compétence, d'expérience, de charge de travail accrue pour le reste de l'équipe. Cela donne un mauvais message aux collaborateurs qui restent et qui se sentent dévalorisés. Par Charles Cuvelliez, Belfius Banque et Assurance, Département Risques et Patrick Devis, Directeur des Ressources humaines, Belfius Banque et Assurance (Belgique).
Charles Cuvelliez et Patrick Devis
Charles Cuvelliez et Patrick Devis (Crédits : DR)

L'APEC (Association pour l'emploi des cadres) s'est penchée sur les pratiques des entreprises face à ce problème, en période de tension sur le recrutement. Il s'avère que la plupart des entreprises ne font pas grand-chose avec une différence pour les grandes entreprises qui, pour 57% d'entre elles, se disent préoccupées (et 53% agissent).

Peu d'entreprises ont des outils de diagnostic des causes de départ et se donnent bonne conscience :  choix de vie, déménagements, ou la volonté d'un saut salarial ou d'une reconversion. Les entretiens de départ, qui ont lieu dans 83 % des grandes entreprises, ne donnent lieu à aucune consolidation  entre les acteurs qui pourraient construire  une politique efficace de fidélisation.

Une telle politique doit être ciblée, dit l'APEC, en fonction des profils. Il y a les profils rares : les collaborateurs qui exercent une fonction en tension de recrutement. Il y a les profils clés, les collaborateurs qui ont les compétences pour faire tourner l'entreprise ou qui en maitrisent les outils d'une manière telle que leur départ crée un trouble. Enfin, il y a les talents sur lesquels les entreprises souhaitent miser sur le long terme.

Pour l'APEC, il y a 4 types d'acteurs qui doivent agir ensemble: la direction générale qui donne la stratégie et les valeurs dans lesquelles le collaborateur va se reconnaitre. Il y a les Ressources humaines (RH) qui ont les outils pour mesurer le parcours professionnel (le cycle de vie) du collaborateur et son vécu d'expérience collaborateur  (comme on parle d'expérience client).

Il y a surtout les managers en première ligne, responsables de la bonne ambiance, de l'équilibre, du développement professionnel et qui peuvent beaucoup détecter (et vite) chez leurs collaborateurs (frustration, souhait d'évolution...) et, enfin, les représentants du personnel qui peuvent faire remonter les motifs de mécontentement partagés. Pour l'APEC, ces 4 acteurs ne se coordonnent pas assez.

Moments clés de fidélisation

La fidélisation s'exerce aux moment clés ou moment forts de la relation collaborateur-entreprise, dit l'APEC : évaluations ou augmentation, réorganisations, départs de collègues ou de supérieurs hiérarchiques, par exemple le chef direct qui a peut-être recruté le collaborateur. Des événements extérieurs, familiaux, ont aussi leur impact (naissance, séparation, deuil) de questionnement sur soi-même. S'accrocher aux quatre générations qui cohabitent dans  nos entreprises (Baby-boomers, Générations X, Y et Z)  pour leur proposer des fidélisations adaptées serait une erreur. C'est vrai, chaque génération aura un intérêt plus ou moins marqué sur certains aspects et pas d'autres, mais aussi au sein même de chaque catégorie, de sorte qu'une catégorisation, comme on le met si souvent en avant, n'a pas plus de sens.

Les leviers pour la fidélisation

Pour l'APEC, il y a des leviers à activer.

Il y a la rémunération : c'est le plus évident. On peut recourir aux augmentations préventives, en dehors des périodes  habituelles. Il y a aussi la rémunération augmentée, dit l'APEC, qui renforce le pouvoir d'achat, comme les intéressements, les participations à l'actionnariat, les primes, avantages en nature, titres restaurants.  Mais ce que l'APEC ne dit pas, c'est que la rémunération n'est un « facteur d'hygiène » une fois un niveau correct atteint : retenir un collaborateur uniquement à coup d'incitants salariaux ne fonctionnera plus.

Autre levier, dit l'APEC : l'évolution professionnelle en proposant aux collaborateurs de se projeter sur le moyen ou le long terme (formation donnant accès à un nouveau parcours professionnel... ).

Une cause de départ classique est le sentiment de ne pas apprendre ou de ne plus  évoluer dans l'entreprise. Il faut aussi, dit l'APEC, des parcours visibles dont on sait où cela mène en l'entamant et...plus d'intitulés de postes.  La difficulté, que n'évoque pas l'APEC, c'est la capacité des entreprises à proposer des parcours prévisibles, car bien souvent l'environnement ne permet pas une visibilité précise pendant la durée nécessaire à un trajet de développement.

Plus praticable est le renouvellement des missions : la diversité de ce qu'on fait, le sens des missions qui sont confiées aux cadres. On peut même revoir le périmètre de certaines fonctions pour mieux y insuffler de la diversité, bref, dé-tayloriser en offrant au collaborateur d'avoir de l'impact sur une plus grande partie de la chaîne de valeur.

La charge de travail intervient comme quatrième facteur : c'est le juste milieu à atteindre entre elle et l'équilibre de vie. Évidemment le télétravail est l'axe sur lequel on peut facilement investir. On peut aussi octroyer certains types de congé de circonstance (congé enfant malade, congé maternité ou paternité étendue...), des dispositifs de récupération en cas de travail les soirs et les WE, garantir un droit à la déconnexion... Mais le mieux est l'ennemi du bien : des entreprises qui avaient introduit un temps de déconnexion strict ont vu le niveau de stress de leurs employés s'accroitre, car la liberté qu'avaient ceux-ci pour réaliser leur travail avait significativement diminué.

La bonne ambiance et le travail collaboratif sont le 5e axe : le sentiment d'appartenir à une communauté peut se construire en dehors du travail aussi : petits déjeuners avec la direction (ou non), afterworks, teambuilding,...

Il faut aussi surtout laisser beaucoup d'autonomie dans le travail. C'est le management par la confiance, très apprécié : un management qui s'intéresse aux résultats obtenus, et non pas à la méthode où au temps passé à les atteindre.

Participer aux décisions de l'entreprise est un levier puissant. Les collaborateurs ont la conviction que leur opinion compte. Cela peut se passer à plusieurs niveaux : consulter les collaborateurs sur les stratégies, demander leur opinion sur des lancements de produits, comment ils verraient le processus de production.

Témoigner la reconnaissance est essentiel et de manière qualitative  des félicitations, des mises en avant, des communications vers les clients ou en interne. La reconnaissance, c'est savoir détecter la singularité dans ce qu'a accompli le collaborateur, comprendre où il a fait l'extra-mile et lui faire comprendre qu'on l'a apprécié.

Les outils de travail sont importants aussi, via les locaux bien aménagés, des espaces de travail agréables d'autant plus qu'en télétravail, on ne va plus aussi souvent au bureau. Cela doit être une expérience renouvelée qui donne envie de revenir. Cela passe aussi par les espaces repas, les parkings vélos, les salles des sports.

L'APEC pèche par deux oublis :

  • La culture d'entreprise : un ensemble de comportements et croyances communes, où les collaborateurs se reconnaissent comme partie d'un groupe homogène et en partie prévisible.  Elle doit être incarnée par le management et permet aux collaborateurs d'y voir un écho de leurs propres priorités.
  • La recherche de sens : tant pour recruter que pour conserver leur personnel, les entreprises doivent lui permettre de participer à la réalisation de quelque « chose de plus grand », qui dépasse le développement personnel ou la recherche de profit.  La politique commerciale de marque devient un levier puissant d'attraction et de conservation du personnel, puisqu'elle projette un ensemble de caractéristiques auxquelles le collaborateur a envie (ou non) d'adhérer.


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Pour en savoir plus

Fidéliser ses cadres : Des stratégies encore peu développées alors que des leviers existent, Octobre 2023, APEC

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Commentaires 2
à écrit le 21/11/2023 à 13:35
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"comment " en posant la question aux intéressés, c'est à dire en ne se limitant pas à leur demander de répondre à un questionnaire qui serait ensuite mouliner par un logiciel qui en sortirait des réponses toutes faites .Bref apprendre ou réapprendre ...

à écrit le 21/11/2023 à 11:05
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Payer les gens correctement, avec, si j'ose dire, une part variable dépendant de la performance, ne pas leur casser les pieds h24 avec des middle managers inutiles, accepter le télétravail au lieu de demander du présentiel absurde (quelqu'un qui veut...

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