France 2022  : les 4 challenges de la prochaine étincelle industrielle

OPINION. L'année 2021 fut-elle un tournant majeur pour l'industrie française ? Après plus de 40 ans de déclin, c'est ce qui semble se dessiner avec les premiers indices économiques publiés, car la part de l'industrie -13,5% (1) du PIB en France - se stabilise, voire augmente légèrement. Par Bertrand Baret, Managing Partner, EY Consulting France et Anthony Lombard, Directeur, EY Consulting France - Industrie
Bertrand Baret et Anthony Lombard
Bertrand Baret et Anthony Lombard (Crédits : DR)

Depuis 2017, les initiatives politiques pour favoriser l'industrie ont été fortes : réforme du droit du travail, loi PACTE, plan de relance européen et national intégrant une baisse des impôts de production, programme d'investissement d'avenir à 20 milliards d'euros, soutien aux jeunes entreprises innovantes, 34 milliards d'euros dédiés à France 2030, notamment.

Cependant, le secteur des produits manufacturés, en pleine mutation, est au cœur de l'actualité, impacté par des enjeux de souveraineté, des tensions sur les approvisionnements, une envolée du prix des matières premières, une évolution des modes de consommation, et enfin la transition numérique et écologique. Face à ces turbulences, la France doit relever quatre challenges afin de bien ancrer son industrie nationale : compétitivité, attractivité, proximité et durabilité.

Une politique au service de la compétitivité des industriels

Poursuivre la baisse des impôts de production est une mesure clé d'un retour à la compétitivité. Si l'effort de réduction de 10 milliards d'euros sur les 70 milliards d'euros (2) de recettes annuelles est louable, il est nécessaire d'aller plus loin. Par exemple en instaurant des zones franches dans les « territoires d'industrie », une exonération temporaire d'impôts sur des filières ou des sites industriels stratégiques, ou encore un dégrèvement incitatif à travailler sur des chaînes de valeur amont / aval, en France et en Europe.

Renforcer l'ensemble de ces chaînes de valeur est crucial pour une compétitivité à l'échelle collective, mais aussi pour la souveraineté nationale. Si les fleurons industriels constituent la locomotive économique, c'est bien la logique d'écosystèmes industriels qui est à renforcer. Il faut donc activer des actions sur mesure :

  • la transformation de France 2030 en véritable plan Marshall industriel avec un maillage européen, national et régional ;
  • la construction de fonds régionalisés publics, privés et particuliers ;
  • la facilitation du rapprochement entre industriels, en lien avec l'Autorité de la concurrence.

Un renfort de l'attractivité des compétences dans un secteur souvent délaissé

Réindustrialiser la France repose certes sur un outil industriel, mais avant tout sur des savoir-faire et des talents.

Du fleuron industriel aux ETI/PME de pointe, de l'ingénieur à l'opérateur, les métiers de l'industrie peinent à attirer de nouveaux talents et souffrent souvent d'une image dépassée. L'usine est pourtant un formidable lieu de mixité sociale.

Des travaux ambitieux doivent sécuriser les 75.000 à 100.000 emplois industriels aujourd'hui non pourvus, et surtout accompagner l'attractivité et la mutation du secteur par plusieurs initiatives : la poursuite du développement de l'apprentissage, des campagnes de sensibilisation aux métiers industriels, la co-construction de nouveaux cursus de formation avec les industriels, le décloisonnement des métiers et la création de passerelles entre eux, et enfin la revalorisation des salaires.

Le principe de proximité, fer de lance des pouvoirs publics

Favoriser le « made in France » ou le « made in Local » doit être une préoccupation de chacun, avec notamment un devoir d'exemplarité des pouvoirs publics qui achètent chaque année près de 400 milliards d'euros (3) de produits et services. Si le principe du 1 euro d'impôt collecté en France = 1 euro réinvestit en France = 2 à 5 euros de production et de consommation prévaut toujours, cette mécanique théorique doit être encadrée au plus haut niveau.

De manière concrète, les mesures suivantes permettent de répondre à ces enjeux : la mise en place d'un « French Business Act » pour garantir une part majoritaire de « made in France » dans les achats publics ; l'ajustement du taux de TVA sur les produits les plus importés où la concurrence locale existe ; la transparence des revendeurs français sur l'origine exacte de leurs produits.

Une logique de durabilité comme prérequis au futur de l'industrie

Moderniser et verdir l'outil industriel, faire durer et recycler les produits est la vision écologique industrielle qui doit s'inscrire dans le long terme. Si la taxe carbone aux bornes de l'Europe est un sujet d'actualité -14% (4) du total de CO2 émis en UE est lié à l'industrie, versus 28% (4) en Chine - aller plus loin en l'étendant aux enjeux RSE paraît indispensable : conditions de travail équitables sur le volet social, notamment. La France a tout son rôle à jouer pour impulser cette dynamique en mettant en place :

  • des pénalités RSE sur les importations, en particulier les produits de grande consommation ;
  • des avantages fiscaux pour les filières de recyclage en cours de déploiement ;
  • des primes incitatives à la création de nouvelles usines « net zéro carbone » ;
  • la création d'un label produits à longue durée de vie afin de contrebalancer la surconsommation et l'obsolescence programmée.

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1. Source : France Industrie ;
2. Source : Institut Montaigne ;
3. Rapport sénatorial de 2015 - Achats des administrations publiques (190) + Achats des opérateurs de réseaux (90) + Concessions (130) ;

4. Statistiques.developpement-durable.gouv.fr, industrie & construction

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