Hiver et nucléaire : un mythe à la peau dure

Les craintes de ruptures d'approvisionnement en électricité conduisent certains, comme Ségolène Royal, à remettre en cause le nucléaire. Agiter le risque d'un black-out imminent lié au froid, dont la cause serait l'importance des installations électronucléaires en France, relève au mieux du simplisme, au pire de la désinformation. Par les Arvernes

Les rigueurs du froid hivernal s'imposent en ce début d'année comme l'actualité principale pour la France. Entre des températures ressenties largement en dessous des - 10 degrés Celsius et la promesse, jusqu'ici infondée, d'un black-out monumental, la chute brutale des températures inquiète. Au cœur de cette préoccupation, l'arrêt temporaire, à la fin de l'année dernière, de plusieurs réacteurs nucléaires pour des travaux de mise à niveau sur certains éléments. La question qui taraude les Français « le système électrique national est-il en mesure de supporter la hausse de la demande ? », s'est ainsi muée, sous la pression d'oiseaux de mauvais augure en « le nucléaire est-il suffisamment robuste pour nous offrir une sécurité énergétique optimale ? »

Le  nucléaire pas en cause

Disons-le tout net, le nucléaire n'est pas en cause dans ce dossier. Au contraire même, il est l'une des clés de la sortie d'une éventuelle crise énergétique en France.

Le nucléaire, parmi l'ensemble des sources d'électricité, tous pays confondus, présente un avantage : celui de la prédictibilité de la production et du coût de celle-ci. L'intermittence de production des énergies renouvelables - aggravée en hiver pour le solaire - ainsi que les variations dans le prix des fossiles thermiques comme le gaz, induisent d'importants écarts de production et de consommation. Le nucléaire, grâce à la constance de production et au faible besoin en combustible, permet quant à lui de fournir un socle d'alimentation en électricité qui est, par la suite, complété par les centrales renouvelables ou thermiques. En outre, la résistance au froid des grandes installations comme les centrales nucléaires est bien meilleure que celle des énergies renouvelables comme les éoliennes. Toutefois cette problématique de l'électricité nucléaire en cache d'autres bien plus critiques.

Des logements encore mal isolés

La question centrale dans les craintes exprimées par les Français concerne bien évidemment le chauffage. S'imaginer privé de chaleur dans sa maison au cœur de l'hiver a, en effet, de quoi inquiéter tout-un-chacun. Or il ne s'agit pas là d'une question entièrement liée aux approvisionnements énergétiques. Plus que le réseau électrique et ses capacités de fourniture lors d'un pic de demande, c'est avant tout à la question des locaux qu'il faut s'intéresser. Des habitations - ou des lieux de travail - mal isolés ou avec des appareils vétustes, sont la principale raison des problèmes de consommation énergétique en hiver, et ce toutes énergies confondues (gaz, fioul, électricité, bois). Les deux tiers du parc de logement français datent d'avant le début des années 1970 et donc des obligations règlementaires sur l'isolation thermique des bâtiments de 1973. La nécessité de sur-dépenser de l'énergie pour arriver à un niveau de confort satisfaisant entraîne mécaniquement une consommation plus importante qu'elle ne devrait et donc des pics dans la demande.

 Le coût de l'électricité deux fois plus important en Allemagne

En outre, l'électricité ne représente en France qu'un tiers des moyens de chauffage. Le gaz, dont il est souvent question lorsqu'on aborde les problématiques géopolitiques notamment avec la Russie, sert avant tout en France aux usages domestiques, chauffage en tête. Certes la France consomme bien plus d'électricité nucléaire que de gaz (99 millions de tonnes équivalent pétrole contre 35 en 2015), mais la quasi-totalité de la consommation gazière se résume au chauffage et à la cuisson des aliments. En sus du gaz, le fioul domestique et même le bois contribuent significativement à la diversité des sources d'énergie utilisées pour le chauffage. Le nucléaire porte ainsi la consommation électrique de la France, quels qu'en soient les usages, et ce depuis plusieurs décennies sans faillir. Le coût de l'électricité pour les ménages est deux fois plus important en Allemagne qu'en France, notamment à cause des subventions accordées aux renouvelables.

C'est là que le bât blesse. A force de désigner le nucléaire comme le problème central du secteur énergétique français, celui qui serait à l'origine de tous les maux, on en oublie le plus souvent que l'énergie se pense avant tout comme un réseau dans lequel de nombreux intervenants et sources d'énergie sont impliqués. Agiter le risque d'un black-out imminent lié au froid, dont la cause serait l'importance des installations électronucléaires en France, relève au mieux du simplisme, au pire de la désinformation. Les questions énergétiques françaises ne pourront in fine être résolues que par une approche pragmatique des choses, où la place de chaque source d'énergie, avec ses avantages et ses inconvénients, sera pesée et intégrée.

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, d'économistes, de professeurs d'université et de chefs d'entreprise

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Commentaires 3
à écrit le 01/02/2017 à 17:58
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http://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/nucleaire/selon-un-rapport-parlementaire-edf-n-aurait-pas-les-moyens-techniques-et-financiers-de-demanteler-son-parc-nucleaire_110277

à écrit le 01/02/2017 à 13:58
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Un point de vue pas vraiment "éclairé". Je cite "Le coût de l'électricité pour les ménages est deux fois plus important en Allemagne qu'en France, notamment à cause des subventions accordées aux renouvelables" : Oui, pour le tarif ACTUEL du kWH ma...

à écrit le 27/01/2017 à 10:52
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Il est bien précisé: l'Allemagne paye son énergie électrique deux fois plus chère que chez nous. C'est la solution, et la SEULE solution pour la France. Mais qui le comprendra? Il faut taxer l'énergie pour réduire le cout du travail, à niveau constan...

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