Il faut replacer les TPE/PME au cœur des politiques publiques

OPINION. Les 3 millions de TPE/PME qui constituent 95 % du tissu économique de notre pays peuvent largement contribuer à défendre le pouvoir d'achat, préserver la croissance et accélérer la décarbonation de l'économie, à condition de prendre certaines mesures. Par Lionel Canesi, Président du Conseil Supérieur de l’Ordre des experts-comptables.
Lionel Canesi.
Lionel Canesi. (Crédits : DR)

« Aller vers l'idéal en passant par le réel »... Une fois de plus, face à des enjeux économiques, sociaux et sociétaux majeurs, dans un environnement inflationniste où les crises succèdent aux crises, la méthode prônée par Jean Jaurès démontre toute son actualité et, plus encore, sa pertinence.

Pour les cinq ans à venir, l'idéal tient dans les termes d'une équation aussi simple à poser que difficile à résoudre : défendre le pouvoir d'achat des Français en préservant la croissance et, parallèlement, accélérer la décarbonation de notre économie.

Quelles sont donc les voies du réel qu'il s'agirait d'emprunter pour rendre possible ce double objectif ? Les experts-comptables de France, premiers conseillers des TPE/PME, en sont plus que jamais convaincus : il est urgent de convoquer le bon sens, la simplicité, et le pragmatisme. Il est indispensable de s'appuyer sur les 3 millions de TPE/PME qui constituent 95 % du tissu économique de notre pays.

L'armée silencieuse des indépendants, des TPE et des PME créée des emplois non délocalisables, fabrique du lien social dans nos quartiers, anime nos centres-villes et nos villages. La loi entrepreneur votée dans les dernières semaines du quinquennat marque un progrès certain. Mais il faut aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite. L'enjeu est d'abord de faciliter le quotidien de l'entrepreneur, de libérer sa capacité créative, simplifier ses relations avec l'administration pour lui permettre de fabriquer de la croissance et par ricochet, d'être en capacité de mieux rémunérer le travail de ses collaborateurs. Pour cela, la liberté de choix de son statut social par l'entrepreneur, des mesures de renforcement des fonds propres et une facilitation de la transmission des entreprises sont des voies à prendre.

Quelques pistes concrètes

Sur la défense ou l'amélioration du pouvoir d'achat, quelques pistes concrètes :

La suppression de tout ou partie des cotisations sociales sur les salaires libèrerait au moins 15% de pouvoir d'achat immédiatement. Notre modèle social (hors retraite) serait dès lors financé par des prélèvements sur la consommation et les mouvements financiers. Une telle décision offrirait une bouffée d'oxygène aux salariés sans peser sur les marges des TPE/PME et contribuerait à renforcer la compétitivité des entreprises françaises à l'international.

Le Président de la République annonce l'augmentation de la prime PEPA. Le dispositif est efficace sur le court terme, il est plébiscité par les chefs d'entreprise. Il pourrait être pérennisé pour devenir une sorte « d'intéressement simplifié », parfaitement adapté à la réalité et aux attentes des TPE.

Sur les enjeux climatiques, que seuls quelques esprits obtus persistent à nier ou à minimiser, le bon sens invite à considérer les 3 millions de TPE/PME françaises comme un levier d'action essentiel. A ce jour, les textes règlementaires, les normes européennes ou nationales visant à orienter l'activité économique vers des pratiques plus vertueuses ne concernent en réalité que les ETI et les grands groupes. Les grandes structures disposent des organisations et des moyens financiers pour s'engager dans la démarche. Penser que leurs pratiques ou que les injonctions lancées par un arsenal de règles administratives complexes vont tranquillement s'imposer à l'univers des TPE/PME est illusoire. Ce raisonnement traduit une méconnaissance absolue de la réalité des entreprises à taille humaine. Les experts-comptables de France le constatent chaque jour au contact de leur client. L'idéal environnemental vient percuter le réel des petites structures moins sensibilisées, moins équipées, moins structurées et dans l'incapacité de financer les investissements souvent nécessaires à la transition écologique de leur activité.

La stratégie du colibri

Le réel, pour que ces entreprises s'engagent dans la transition environnementale nécessaire, c'est la stratégie du colibri. Nous proposons de créer une annexe fiscale simplifiée où seraient recensées 10 données extra-financières (nombre de m3 d'eau consommés, nombre de kilowatt heure, litres de carburants consommées, niveau des salaires hommes/femmes, surface au sol « consommée » par les locaux professionnels...). L'objectif est d'embarquer les TPE PME dans la connaissance de leur impact environnemental. Sensibiliser, diagnostiquer et ainsi créer les conditions d'une action possible, réaliste, concrète.

Au nom du pragmatisme et de l'efficacité, les cinq années qui viennent pourraient enfin replacer les TPE/PME au cœur des politiques publiques tout simplement parce qu'elles sont au cœur de l'économie et de la société.

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