L'impact positif comme vecteur de confiance

OPINION. Face aux grands défis du XXe siècle, sur le terrain, il devient évident que le monde économique peut être une partie de la solution après avoir été une partie du problème. Par Antoine Sire, directeur de l'engagement d'entreprise et membre du comex de BNP Paribas.
Antoine Sire.
Antoine Sire. (Crédits : DR)

Peu de gens ont mesuré à quel point l'année 2015 a été un tournant dans la relation entre les entreprises et la société. 2015, l'année de la grande crise migratoire, un événement où les causes géopolitiques, sociales et climatiques sont étroitement mêlées. Mais aussi l'année de l'accord de Paris sur le climat, et celle de la publication des 17 objectifs de développement durable de l'ONU. Les inquiétudes sur l'environnement, sur les inégalités sociales et sur les territoires cessent d'être des sujets réservés aux activistes. Elles concernent désormais toute la population, avec un dosage variable de social et d'écologie selon le pays ou le milieu : ces différences s'avèrent en elles-mêmes génératrices de conflits et de divisions.

La conscience que les États ne peuvent à eux seuls tout résoudre devient universelle. L'attente vis-à-vis des entreprises se renforce et quelquefois se durcit. Mais sur le terrain, il devient évident que le monde économique peut être une partie de la solution après avoir été une partie du problème. En France le rapport Notat-Senard et la loi Pacte incarnent la reconnaissance de ce rôle par la société, mais de nombreux mouvements dans le monde, à l'instar de la certification B Corp, incarnent aussi cette tendance.

Sans impact réel, pas de confiance possible.

La voie pour les entreprises est claire. Leur engagement n'a de sens aujourd'hui que s'il est intégré au sein même de leur modèle économique. Elles ne doivent pas penser leur responsabilité en fonction de critères d'image mais selon leur capacité à avoir un impact positif sur la planète, les territoires et les individus. Sans impact réel, pas de confiance possible.

La pression qui s'exerce sur les entreprises en ce sens est considérable. Elle vient d'abord des consommateurs et des régulateurs, qui ont depuis longtemps cessé d'être impressionnés par la responsabilité sociale « cosmétique ». Mais elle vient aussi, et de plus en plus, des investisseurs et des salariés. Les premiers sont interpellés par leurs affiliés, épargnants ou futurs retraités, mal à l'aise avec l'idée que leurs placements soutiennent les activités les plus dommageables alors que les besoins de financement des transformations écologiques, agricoles ou sociales sont considérables. Les seconds sont de plus en plus contrariés à l'idée d'être incapables d'expliquer le sens de leur métier à leurs enfants. Quant aux jeunes diplômés, leur conscience des enjeux environnementaux et sociaux est telle qu'ils en ont pour la plupart fait un choix décisif pour le choix de leur futur employeur.

Mais que faire en priorité lorsqu'on est une entreprise ? Les 17 objectifs de développement durable de l'ONU, qui énoncent des enjeux environnementaux et sociaux peu contestables, sont un excellent cadre général. La question de la mesure est ensuite essentielle : les travaux s'accélèrent, non seulement pour évaluer l'empreinte environnementale des entreprises, mais celui des portefeuilles d'investissement ou de crédit dans leur ensemble. En matière sociale aussi, les outils de mesure progressent à grand pas avec une participation active du monde de la recherche.

Générer des externalités positives

Plus l'impact sociétal de l'entreprise et de son activité est mesurable, et plus il devient raisonnable d'en faire une composante des rémunérations des dirigeants ou des cadres. Mais quid de la valeur comptable de ce que les économistes appellent les « externalités » ? Autant les externalités négatives sont relativement faciles à pénaliser - les États ne manquent pas d'imagination fiscale pour y parvenir - autant les dispositifs incitant vraiment les entreprises à générer des externalités positives restent à imaginer. Le sujet avance concrètement.

À titre d'exemple, de plus en plus de banques proposent des crédits moins chers pour les entreprises qui satisfont des critères sociaux ou environnementaux sur leur activité ou leur chaîne d'approvisionnement et améliorent ainsi leur pérennité. Quant au contrat à impact social il permet de récompenser l'investisseur qui aura généré une économie précise pour les finances publiques en soutenant une cause d'intérêt général. Lorsque les problèmes prennent une ampleur extrême, que ce soit sur le plan environnemental, social ou agricole, de plus en plus de « coalitions » se mettent en place, regroupant des entreprises parfois concurrentes, qui dialoguent avec les États, les ONG, les chercheurs pour trouver des solutions.

Tout ceci suppose une véritable transformation culturelle dans les entreprises, avec une intégration dans les plans stratégiques et des formations pour les collaborateurs. Le mécénat a un rôle à jouer dans cette nouvelle donne, mais il intervient de plus en plus comme un outil d'expérimentation de logiques sociales ou environnementales nouvelles. Au bout du compte, ce n'est pas uniquement pour les entreprises une question d'impact ou de confiance.

C'est aussi une question de développement économique tant le monde a besoin d'entreprises, de projets et de produits répondant à la nécessité d'un monde plus écologique et plus inclusif. Le supposé dilemme entre responsabilité et rentabilité pourrait bientôt appartenir au passé, même si la culture de l'impact sociétal et environnemental exige une profonde transformation des mentalités. L'essentiel reste à faire, mais l'ère de l'économie positive a bel et bien commencé.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.