L'ISF, clé ou verrou pour le Président ?

OPINIONS. « Ce n'est pas parce que l'on remettra l'ISF comme avant que la situation s'améliorera », a dit le Président de la République. Il ne faut pas, en effet, qu'il en soit question "comme avant" mais qu'en sera-t-il pour après? (*) Par Jean Matouk, économiste, et Alain Penchinat, Président de l'Accélérateur de StartUp de la Région Occitanie.
(Crédits : Charles Platiau)

Il y a deux ans, dans le budget pour 2018, l'impôt sur la fortune a été transformé en maintenant comme assiette les seuls biens immobiliers, excluant donc les actifs financiers. Cette transformation était fondée en théorie économique, car notre pays souffre d'un manque de capitaux pour ses entreprises, petites et moyennes, les plus grandes ayant la possibilité d'émettre des actions en bourse. Nous étions le seul pays à avoir maintenu cet impôt sur la fortune. Il était donc légitime d'espérer qu'une part des fonds d'épargne ainsi soustraite à l'impôt, allait venir gonfler les fonds propres de ces PME et se traduire en investissements supplémentaires, donc créations d'emplois.

Il va bientôt être temps de mesurer le résultat. Mais pour les deux premiers trimestres 2018, la formation brute de capital des entreprises non financières, celles qui doivent se battre sur le marché international, n'est guère dynamique (+0,1% et +0,8%).  Il y a un « acquis » de 2,9% pour la totalité de l'année 2018, contre 4,7% en 2017.

De plus, conséquence inattendue, les dons ont beaucoup souffert aussi de cette réforme. C'est ce que signalent toutes les associations en quête de fonds. Comme si l'existence de l'impôt auparavant avait eu le mérite d'inciter les épargnants à le fuir par le don. La fraternité choisie (par le libre don) n'a pas encore remplacé la fraternité subie (par l'impôt).

Enfin, sur le plan politique, cette réforme a valu au Président le sparadrap injuste de « président des riches » alors qu'il n'avait ainsi dans l'idée, en relançant l'investissement et l'emploi, que de réduire plus vite la base de la pauvreté. Le rétablissement fantasmé de l'ISF financier est un carburant inextinguible pour la grogne en cours. La crise actuelle, inouïe, du Covid-19 rend nécessaire également la correction de cette erreur politique. Le Président de la République, lui-même, a fixé une date qui approche d'analyse et de bilan de cette suppression d'ISF.

Même si économiquement c'est peut-être discutable pour certains, afin de mieux sécuriser politiquement la suite du quinquennat et de continuer les réformes pour l'entreprise, nous suggérons deux voies.

Deux choix possibles

Première voie, celle du rétablissement de l'ISF, mais avec des taux en lien avec les rendements des actifs aujourd'hui. Qui se rappelle qu'en 1984 l'IGF qui avait pratiquement la forme de notre ISF de 2017 (exonération de l'outil de travail, etc.),  les taux étaient les mêmes (maximum à 1,5%) alors que le livret A était à 7% en 1984 contre 0,75% aujourd'hui ? L'impôt était donc devenu fou et on l'a supprimé sans en examiner le taux, seul cause de sa folie, au risque d'une incompréhension totale des Français. Il ne s'agit donc pas de remettre l'ISF comme il y a deux ans et demi... et le Président de la République et son Ministre ont bien raison. Il s'agit de réinventer un impôt à assiette large (en continuant sans doute à exonérer l'outil de travail) et à un taux marginal  en rapport avec les conditions économiques du temps (0,75% ?)

L'autre voie est celle d'une forme d'emprunt obligatoire sur la base de l'assiette de l'ISF et de taux plus raisonnables. Chaque assujetti-épargnant resterait alors propriétaire de ses fonds, qu'il pourrait récupérer au terme de 7 ou 10 ans, et qui seraient, entre-temps, investis par une entité publique, Caisse des dépôts, BPI, voire entités régionales, exclusivement dans des PME d'avenir, voire des « start-up » qui ont tant besoin d'argent en France au risque de les voir partir ailleurs.

Ces deux voies, dont la crise du Covid-19 renforce la pertinence, font coup triple, sécuriser politiquement l'avenir pour poursuivre les réformes et, soit abonder raisonnablement les finances publiques, soit gonfler les fonds propres toujours trop faibles de nos entreprises françaises.

Nous sommes convaincus que reprendre le dossier de l'ISF est une clé pour le Président pour poursuivre les nécessaires réformes, le refuser, par principe, un verrou.

Lire aussi : Esther Duflo plaide pour le rétablissement de l'ISF

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Commentaires 30
à écrit le 23/05/2020 à 15:13
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L ' ISF existe toujours dans la comptabilité de l ' Etat, pour les années non prescrites .Pour des comptes en Suisse non déclarés par exemple ....et découverts grâce aux listing remis "spontanément " par les Helvètes .Le remettre en place serait écon...

à écrit le 23/05/2020 à 13:06
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« Ce n'est pas parce que l'on remettra l'ISF comme avant que la situation s'améliorera ».... Argument débile par excellence. L'ISF a été allégé de 3 milliards € au bénéfice exclusif de 200 000 foyers fiscaux, et à part replonger le budget de la sé...

le 23/05/2020 à 13:30
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Réponse Ce n'est pas 100.000 appareils de réanimation qu'il faudrait c'est 55 millions pour un pays au bord du coma. Et en plus il faudrait payer l'oxygène. A l'évidence un impot toxique comme l'ISF ni suffirait pas, même en pompant beaucoup. S...

le 24/05/2020 à 12:49
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"à l'époque, il était quasi à l'équilibre" grâce à l'ISF ? Quel lien ? Des choses non liées vivent leur vie chacune de leur côté. Si on a engagé 200 milliards par covid19, remettons l'ISF, 3 milliards récupérés, les 197 restant seront payés par les ...

à écrit le 23/05/2020 à 11:15
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J'ai connu plusieurs pays où il n'y avait pas d'impôts, tout fonctionnait par les taxes. Ce système simple et efficace, fonctionnait bien mieux qu'en France où l'on croit pouvoir régler tous les problèmes en tripotant les impôts. Ce n'est même plus "...

le 23/05/2020 à 18:28
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J'ai connu plusieurs pays où il n'y avait pas d'impôts,... Lesquels? Quels sont donc ces pays de Cocagne?

le 24/05/2020 à 10:29
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Pas très politique votre point de vue. Par définition un politicien est celui qui est généreux avec l'argent des autres. La France est donc le pays le plus politique du monde. Avec l'aide intéressée de quelques économistes, cette forme de générosi...

le 24/05/2020 à 12:23
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Réponse à Lecensuré : "Avec l'aide intéressée de quelques économistes …" …quelques économistes qui ne sont plus résidents fiscaux français. Bien vu !

à écrit le 23/05/2020 à 9:22
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On ferait mieux d'innover au lieu d'entretenir par des impots démagogiques les terribles souffrances du prolétariat : créer un impot de solidarité avec les robots.

à écrit le 22/05/2020 à 20:46
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Quel est le but d'un impôt? Dans un pays bien géré, il est de faire face à une dépense. Il faudrait demander à ceux qui ont conseillé Michel ROCARD quelles étaient les intentions du gouvernement quand il a créé l'ISF; en fait, ceux qui y ont été assu...

à écrit le 22/05/2020 à 13:58
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Le simple fait de décliner tous ses biens et de les valoriser est déjà une purge de la nature d un testament. Ayant vu mes revenus amputés à l époque de 85 pour cent pour cause d isf nous avons qui la France et investi dans notre pays d accueil. ...

le 23/05/2020 à 3:01
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Pooooovre petit riche !!! La frontière vous sera bientôt rouverte. !bon vent !! Retour de l'ISF, vite !!!

le 23/05/2020 à 8:53
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Réponse à Manx Et qui paiera vos alloc, vos jours de grève et le chomage de votre prévoyante progéniture ?

le 23/05/2020 à 12:13
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Complément à la réponse de LeCensuré : Et qui paiera votre taxe d'habitation ? Etc, etc.

le 23/05/2020 à 15:46
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Réponse à Manx : Et qui paiera votre taxe d'habitation ?

à écrit le 22/05/2020 à 13:49
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les start ups et les associations ont besoin d'argent! s'il y avait des capital risqueurs en france la france n'en serait pas la; hollande a tue le peu de business angels qui restaient pour financer des gens dont les projets ne sont pas souvent pert...

à écrit le 22/05/2020 à 13:15
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.... avec ces personnages de l'éxécutif j'ai bien peur que le Comme-après soit strictement identique au Comme-avant , avec quelques mesurettes d'enfumage !

à écrit le 22/05/2020 à 13:01
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Quel est le rapport en le taux d'imposition de l'ISF et le rendement du livret A svp? Peut être qu'on devrait réduire les taux d'impositions sur le revenu et la TVA dans les mêmes proportions tant que vous y êtes?

à écrit le 22/05/2020 à 12:13
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Macron n'a pas besoin d'augmenter l'ISF, il peut encore ponctionner les cadres et les retraités... Ouf , on est sauvé

à écrit le 22/05/2020 à 11:22
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Excellentes suggestions, même pour un ancien assujetti! Et après tout, même si beaucoup de braillards demandent son rétablissement sans aucune forme de réflexion économique, sans aucun regard sur la fiscalité de nos voisins européens, mais uniquement...

le 22/05/2020 à 13:18
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....".lubies et travers " !? Quand ça touche de près a l'injustice pas de paix sociale : que du normal !

le 24/05/2020 à 9:29
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Si vous aviez raison, les pays communistes ne se seraient pas tous effondrés. Mais même chez eux, l'envie n'a jamais cessé, pour la moindre chose. Dès lors qu'on déplace le débat sur l'inégalité et l'injustice, c'est l'appauvrissement pour tous, so...

à écrit le 22/05/2020 à 10:59
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Bonjour, Chacun sait que seules les émissions d'actions nouvelles constituent un mode de financement pour l'entreprise. L'achat de titres en circulation n'y contribue pas. Dès lors, si l'objectif de la "réforme" de l'ISF avait été le financement de...

le 22/05/2020 à 11:39
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Si l'ISF était une bonne solution on se demande pourquoi les pays qui en avait un l'ont tous supprimé à cause de ses effets négatifs. Mais c'est vrai qu'en France on est beaucoup plus intelligent que les autres.

le 23/05/2020 à 3:00
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Parfaitement résumé feldhunner !!!! Le seul but de macron, président des riches, en supprimant l'ISF, étaient de les enrichir beaucoup plus, c'est tout !!! Le chantage au chômage des patrons, on connaît depuis trente ans, ça ne prend plus !!!

le 23/05/2020 à 14:47
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Réponse à fedhunter : Vous ignorez apparemment que le financement d'une entreprise par émission de parts sociales n'est possible que si les actionnaires sont satisaits de la rémunération de leur investissement.. Sinon vous sauriez que le rachat de ...

le 23/05/2020 à 14:55
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Réponse à Manx : En somme, si j'ai compris votre résumé, on devrait cesser de considérer le chomage comme un fléau et admettre qu'il n'est qu'une variable d'ajustement des marchés. Il est vrai que ça économiserait beaucoup de salive, de mesures abs...

à écrit le 22/05/2020 à 10:20
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De quelque façon que l'on tourne le problème, l'impôt en France est déjà extrêmement élevé et décourage le travail. L'imposition au surplus sur le capital est dissuasive et philosophiquement discutable. Le vrai courage serait d'imposer les transactio...

le 23/05/2020 à 18:25
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Ce qui décourage le travail c'est la faiblesse de la rémunération du travail par rapport à celle du capital. Pourquoi irais je me casser le cul à travailler pour un salaire qui sera imposé in fine à 57% alors que des dividendes sur les actions ne ...

à écrit le 22/05/2020 à 9:57
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Plus simple, un taux marginal d'imposition jusqu'à 90% pour les hauts revenus (>1 000 000€?) Les US ont bien vécu 1/2 siècle avec un taux à plus de 80%.

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