La Blockchain annonce-t-elle la fin des impôts ?

OPINION. La technologie décentralisée de la blockchain est un outil remarquable pour vérifier la bonne gestion de l'argent commun de manière institutionnelle, voir démocratique, ou même citoyenne. (*) Par Yann Le Floch, expert en monnaies digitales.

La Blockchain est une technologie qui, dans le domaine monétaire, permet de créer de l'argent digital sur Internet, en s'assurant que le copier/coller d'une unité monétaire est impossible, contrairement à des fichiers classiques duplicables, le tout dans un cadre sécurisé et infalsifiable. Ainsi, la Blockchain est une technologie qui permet de créer de la monnaie facilement sur le Web, et pourrait avoir un impact conséquent comme l'imprimante de Gutenberg a permis des impressions de livres et de leurs idées afférentes plus aisément au 15ème siècle.

Les cryptomonnaies Bitcoin, Ethereum, Cardano, Solana, et autres, ont permis le développement des technologies Blockchain sous-jacentes, avec une approche de valorisation d'actifs proto-monétaires de par la confiance technologique, spéculative, marketing que les écosystèmes dit « crypto » ont pu créer autour de ces nouveaux actifs financiers.

Le couplage de ces technologies Blockchain, et du pouvoir central de battre monnaie sous la forme de monnaies "fiat" (Euro, Dollar, Livre, Yuan, Yen par exemple), parfois qualifié de « pouvoir impérial », pourrait permettre de remettre en perspective la capacité de structures tel que les Etats, les régions, les villes, les cités plus globalement, pour se financer, notamment dans leur rapport à l'outil classique de financement qu'est l'impôt.

Ainsi, les impôts payés aux autorités régaliennes dans une cité, une région, une nation, un empire, pour financer des efforts collectifs ou singuliers, pratique ô combien ancienne, pourrait être questionnée par l'usage des technologies Blockchain.

L'impôt est-il adapté pour financer le pouvoir régalien ?

Le principe de l'impôt est simple, s'approprier comme pouvoir régalien une partie de la valeur d'une transaction, que ce soit le paiement d'un service ou d'un bien (TVA), le paiement d'un salaire (Impôt sur le revenu et charges), ou d'une rémunération tierce sur des rémunérations, activités, ou propriétés en capital (immobilier, actions, entreprises, biens de propriétés en tout genre).

Il va de soi, que trouver une manière de financer monétairement les actions du pouvoir régalien, fussent-elles une guerre comme historiquement, ou des actions sociales et collectives comme dans le monde moderne, est essentiel au juste fonctionnement de la cité.

L'impôt est traditionnellement le vecteur du financement du pouvoir régalien, couplé à la dette, qui peut être vue comme un paiement anticipé des impôts futurs.

Pour autant, l'impôt, demeure-t-il toujours l'outil technique moderne adapté à l'action du pouvoir régalien ?

Une forme de consensus apparaît dans les milieux « très bien renseignés » du haut de bilan pour dire, ou pas d'ailleurs, qu'aujourd'hui en 2021, synthétiquement, 10% de la masse monétaire mondiale s'inscrit dans le secteur économique au sens strict, 20% de la masse monétaire dans le secteur bancaire, qu'il est possible de qualifier de « finance retail », et 70% de la masse monétaire s'inscrit dans le secteur du haut de bilan financier, qualifié par certains de « Shadow Banking », ou « Banque de l'Ombre » littéralement, lié intimement aux dits paradis fiscaux.

Une part donc très importante de l'argent mondialisé, garanti par le réseau des banques centrales, ne suit ainsi pas les règles de l'impôt, outil que les citoyens profanes, modestes, comme aisés a priori, se doivent de porter sans mot dire.

Une question légitime peut ainsi être posée selon le prisme de philosophies fondamentales, faut-il maintenir le concept d'impôt et comment faire différemment dès lors ?

La réponse pourrait, pour le pouvoir régalien, comme pour les citoyens, être dans le pouvoir, dit impérial, de la création monétaire. L'impôt est une manière de capter une partie de la masse monétaire existante, pour la diffuser, ou la distribuer différemment ensuite par l'action régalienne.

Transférer le pouvoir impérial de création monétaire, directement à des villes, des régions, des Etats (réellement indépendants du miroir des banques centrales et du système financier), voire aux citoyens, pourrait permettre de financer des actions régaliennes collectives comme singulières sans avoir la nécessité technique de l'impôt, qui deviendrait ainsi caduque. En effet, le financement des actions dites « publiques » se ferait ainsi par une juste création monétaire, plutôt que des paiements d'impôts visqueux par essence pour le développement économique. Une telle hypothèse de transférer le pouvoir de création monétaire pose la question de la bonne gestion afférente à la création monétaire qui présente de nombreux risques, et la technologie Blockchain, peut se porter en outil pour maîtriser ces risques au service du bien commun.

Voter l'impôt sur la blockchain

Souvent se pose d'ailleurs une question : comment s'assurer de la bonne gestion de la création monétaire, dans l'usage qui en serait fait dans la cité, quand les dirigeants politiques, comme les Etats, ne sont pas toujours d'excellents gestionnaires.

Sur ce point, il est clair que la Blockchain comme livre de comptes de transactions économiques et financières, sécurisé et infalsifiable, dont certaines données peuvent être publiques comme d'autres privées, est un outil remarquable pour vérifier de la bonne gestion de l'argent commun de manière institutionnelle, voir démocratique, ou même citoyenne. Par ailleurs, via les technologies dites de contrats intelligents, ou « smart contacts », il serait même possible de conditionner l'usage de la « monnaie du commun » par des votes institutionnels, ou citoyens et démocratiques. Une véritable mise sous tutelle du pouvoir impérial de la création monétaire par la démocratie et le « bien commun ».

Une autre question posée, régulièrement, est celle du risque d'inflation afférent à la création monétaire « commune ». Oui en effet, imprimer trop d'argent, par rapport à la richesse réelle créée, implique mécaniquement une augmentation des prix, avec parfois des crises économiques et politiques notoires. Sur ce point, la Blockchain permet une mesure en temps réel de l'activité économique, est ainsi de gérer sa monnaie, et l'analyse des risques, avec une précision redoutable qui permet d'éviter techniquement, notamment via une juste gestion institutionnelle ou citoyenne, tout phénomène d'inflation incontrôlée. Au-delà, au sein d'une économie programmable utilisant la technologie Blockchain, comme le faisait Charlemagne ou le Général de Gaulle via des décrets, les prix peuvent être fixés techniquement, pour s'assurer d'un équilibre contraint des prix, et donc un équilibrage de l'offre et de la demande selon des règles différentes de la liberté de l'argent, pour favoriser la liberté du commun.

Enfin, la technologie Blockchain permet aussi de la destruction monétaire ciblée, qui à la fin d'une chaîne de valeur économique, comme dans le remboursement d'un prêt bancaire, permettrait de détruire de la masse monétaire, et d'équilibrer la juste valeur entre masse monétaire et volume de richesse économique. Donner un pouvoir de création monétaire, peut être dualisé de par la technologie Blockchain, par un pouvoir de destruction monétaire, dans un cadre institutionnel équilibré.

Le couplage des technologies Blockchain des cryptomonnaies et du pouvoir impérial de création monétaire institutionnelle ouvre ainsi une voie intéressante sur le plan de la non-efficience économique de la pratique traditionnelle de l'impôt.

Ce que l'usage d'un outil comme le Bitcoin, forme d'Or digital, monnaie légale au Salvador par exemple, ne permet pas de faire, par incapacité à avoir une approche sur-mesure dans la création, la diffusion et la possible destruction monétaire.

Ainsi, la technologie Blockchain, peut techniquement rendre inutile la pratique de l'impôt par les pouvoirs régaliens, pour préférer le fait de reprendre le pouvoir impérial de création monétaire aux réseaux des banques centrales, et rendre les paradis fiscaux progressivement des mythes de livres d'histoire. Ce qui est possible techniquement, peut-être plus difficile à réaliser politiquement. Mais cette maxime de Napoléon s'inscrit au-delà du temps et de l'espace : « impossible n'est pas français ».

Lire aussi 2 mnCryptomonnaies : le Salvador veut bâtir une nouvelle ville baptisée... "Bitcoin City"

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(*) Yann Le Floch, banquier des monnaies digitales, ancien banquier d'affaires pour BNP Paribas CIB, ingénieur des Mines de Paris, certifié en Blockchain du MIT et de la Harvard Business School en développement durable.

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Commentaires 2
à écrit le 09/12/2021 à 10:59
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L'article a le mérite de poser des questions essentielles que la majorité ignore. Mais sur certains points le flou est total et on peut s'interroger sur le bien fondé de certaines affirmations, sans plus d'explication. Par exemple: "Une forme de...

le 09/12/2021 à 16:35
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Disons que l’article ne démontre pas tout, mais laisse la possibilité d’approfondir. Après, comme dans tout domaine, certains profils ont besoin d’explications de détails, d’autres comprennent entre les lignes sans nécessité de l’explication de texte...

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