Le directeur financier à l’heure du COVID-19  : un pilote au cœur de la crise

OPINION. Le brusque ralentissement de l’économie lié à l’épidémie du COVID-19 met à rude épreuve les entreprises, frappées par les effets des baisses ou pertes d’activité. Dans ce contexte, il est nécessaire pour les directions générales des grandes entreprises, ETI et PME, de s’appuyer sur des directeurs financiers, armés pour faire face à la crise économique mondiale actuelle… Par Axel de Schietere, associé du cabinet d’executive search Heidrick & Struggles.
(Crédits : DR)

Lorsque la crise financière de 2008 a secoué la planète finance, ce sont vers les directeurs financiers que les conseils d'administration se sont tournés. À crise financière, réponse financière, avait-on pour habitude de dire. Or, la crise sanitaire en cours s'avère d'autant plus complexe qu'elle intervient sans préavis, affectant le domaine purement financier jusqu'aux ressources humaines.

2008 : une mémoire nécessaire mais non suffisante

Déjà en 2008, les conseils d'administration des entreprises ont pu s'appuyer sur leurs directeurs financiers pour appréhender la crise économique. Rôle de conseiller, d'analyste stratégique, porteur d'une vision sur le long terme, le CFO contribue pleinement à la construction de l'entreprise de demain.

Beaucoup de CFO gardent ainsi en mémoire certaines conséquences provoquées par la crise financière de 2008, et malgré la brutalité et la soudaineté de la crise actuelle, ces éléments comparatifs permettent de constituer une feuille de route claire pour aider la prise de décisions immédiates.

Toutefois, l'expérience ne fait pas tout face à cette situation inédite. En 2008, aucun CFO ni DSI n'a dû maintenir une continuité opérationnelle d'urgence et généraliser le télétravail pour tous les salariés de son groupe en 48h... Ce sont davantage les retours d'expérience des entreprises travaillant en lien étroit avec la Chine, exposées à la crise dès décembre 2019, qui ont permis aux CFO d'anticiper les impacts du confinement sur leur activité.

C'est ainsi que dès l'annonce des mesures gouvernementales mi-mars, un équipementier automobile a augmenté ses facilités de financement, tandis que le directeur financier d'un groupe d'équipements technologiques, fortement implanté en Asie, a quant à lui mis en en place des plans de réduction de coûts dès la fin du mois de février.

Une boussole tous azimuts à l'instant T

Au sein des comités de gestion de crise qui se réunissent de façon quotidienne, le directeur financier joue un rôle clé pour aider à la prise de décision et en mesurer l'impact. Dans ce contexte, la sécurité des équipes doit rester la priorité sans pour autant négliger la gestion du financement et de la trésorerie.

Chaque semaine, les directeurs financiers des groupes du CAC 40 partagent leurs expériences : lignes rescue (RCF : Revolving credit facility), financements alternatifs (autorisation de découverts) financements ad-hoc (sécurisés ou non par l'État Français).

Après s'être assurés de la solidité de leurs partenaires bancaires, ils sont invités à informer leurs banques de leurs intentions, tout en gardant une démarche citoyenne et solidaire pour éviter de mettre le secteur bancaire sous tension, et en restant attentifs aux délais, les back-offices bancaires étant encombrés. L'impact des nouveaux covenants sur la continuité de l'activité est également à prévoir.

Les questions liées à la trésorerie doivent également être soulevées... Combien de temps l'entreprise peut-elle tenir sans chiffre d'affaires ? Des prévisions hebdomadaires, voire quotidiennes doivent être établies et chaque poste de dépense réévalué.

Pour tous les CFO, la solidarité est aussi une préoccupation majeure : comment réduire ses coûts et optimiser sa supply chain sans trop porter préjudice aux fournisseurs et sous-traitants ? Être financier c'est aussi être citoyen.

Le directeur financier est par ailleurs mobilisé aux côtés du DRH sur le plan social : échanges avec Bercy pour déposer les dossiers de chômage partiel, chiffrage des mesures d'hiring freeze, d'augmentation des salaires, de mise en place des heures supplémentaires, et de l'utilisation des prises de congés anticipés.
En outre, la communication financière ne doit pas être négligée. Faut-il décaler le paiement des dividendes ? Réviser les objectifs 2020 ? Quelle communication adopter face aux marchés et dans quelles contraintes réglementaires ? L'exercice peut s'avérer d'autant plus complexe pour les entreprises qui ne bénéficient pas d'un rating investment grade et qui doivent anticiper les conséquences potentielles d'un downgrade.

Fort de son expérience de 2008, chaque directeur financier ne peut qu'espérer le rebond, comme en 2009. Reste à œuvrer au présent pour gérer cet épisode économique brutal, et éviter les effets d'inertie, en sortie de crise.

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Commentaire 1
à écrit le 09/04/2020 à 16:29
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Directeur financier, dentiste, proctologue, ya des boulots comme ça dont on se dit qu'ils méritent forcément ce qu'ils gagnent même s'ils gagnent beaucoup plus que nous, des métiers qui ne suscitent jamais la jalousie. Courage ! :-)

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