Les écrans sur le banc des accusés, les réseaux sociaux acquittés

OPINION. Le vent se lève : une quarantaine d'États américains poursuivent Meta l'accusant de "nuire à la santé mentale et physique de la jeunesse". Par Marie-Christine Levet, Cofondatrice d'Educapital (*)
(Crédits : DR)

La ville de New York a récemment intenté une action en justice contre Meta, Google, Snapchat et TikTok pour avoir "conçu, développé, produit, opéré, promu, distribué et marketé leurs  plateformes pour attirer, capter et rendre accros les jeunes". La Floride, quant à elle, interdit aux moins de 16 ans de créer leur compte sur les réseaux sociaux.

Une guerre est lancée contre un responsable que l'on n'ose nommer en France : les réseaux sociaux. Leur surconsommation est considérée comme un danger de première importance pour l'équilibre intellectuel et affectif, autant que pour le développement des compétences psychosociales des enfants.

Les écrans sous les feux de la critique en France

En France, ce ne sont pas les réseaux sociaux qui sont pointés du doigt, mais bien les "écrans", une notion fourre-tout qui pénalise l'ensemble du secteur du numérique

Les politiques, les journalistes et les experts du sujet diabolisent depuis quelques semaines ce qu'ils nomment "les écrans". Ils seraient néfastes pour les jeunes, et responsables de leur échec scolaire. Mais sous le terme "écran" sont rassemblées des centaines de réalités qui ne touchent pas de la même façon les jeunes. En effet, ce terme générique comprend aussi bien les jeux-vidéos que les réseaux sociaux, les plateformes d'information, les médias ou les applications éducatives. Qui s'avancerait à dire que les sites web d'information sont néfastes pour les jeunes ? L'utilisation du terme "écran" est réducteur et fait perdre de vue le débat central qui est celui de l'addiction aux réseaux sociaux. La première inscription sur un réseau social interviendrait vers l'âge de 8 ans, et 50% des 10 -14 ans sont présents sur les réseaux sociaux, connus pour leur contenu ultra-addictif.

La question cruciale est donc celle de l'utilisation qui est faite des écrans et celle du  temps d'écran inutile. Ce qualificatif est important, car il met en lumière une dichotomie dont on parle trop peu entre contenus qui « zombifient » les jeunes et contenus qui les stimulent. Il est urgent de transformer le temps d'écran en un temps utile et de favoriser une utilisation intelligente de contenus de qualité.

L'Impact positif des écrans dans l'éducation

Dans le domaine éducatif, la dernière étude Pisa a montré que les élèves qui ont consacré une heure par jour à l'apprentissage sur des outils numériques ont obtenu des résultats supérieurs de 14 points. L'impact bénéfique des écrans dans l'apprentissage est un fait qui a été démontré. L'intelligence artificielle permet de mettre en place des programmes d'apprentissage personnalisés, solution concrète pour lutter contre le décrochage, principale cause de l'échec scolaire. L'accès à des  laboratoires de sciences virtuels ou encore à des plateformes d'apprentissage des langues est une richesse, et non un danger. C'est ce que l'on pourrait qualifier de "temps d'écran utile".

Pour aider durablement les enfants, il faut d'abord former les enseignants au numérique, en leur permettant d'utiliser des outils qui conviennent au développement des enfants. Ainsi, on garantira à la fois un niveau de conscience du danger, et des pratiques numériques responsables.

Il est facile de trouver un coupable et de taper continuellement sur le même clou, ces fameux "écrans", mais cette posture rétrograde n'est en rien constructive pour les enfants qui ont grandi avec et qui continueront de s'en emparer.

Doit-on en arriver à une réglementation pour limiter l'usage des écrans comme la Chine, qui impose le couvre-feu numérique en semaine à 22 heures et qui autorise 40 minutes par jour d'utilisation pour les moins de 8 ans, une heure pour les 8-16  ans, et 3 heures maximum de jeux vidéos le week-end, avec, en prime, un filtrage des contenus socialement "positifs » ?

Une solution responsable et citoyenne peut-elle voir le jour ? C'est en identifiant clairement les ressources de confiance, en valorisant les éditeurs de contenus éducatifs de qualité, en privilégiant les interfaces respectueuses de l'intérêt des enfants, que l'on pourra les aider ainsi que les enseignants et les parents à séparer le bon grain de l'ivraie.

Les enseignants comme les parents n'ont pas besoin, collectivement, d'une  réglementation de technocrates, qui sera par définition nécessairement en retard sur l'importance de la crise, et totalement neutralisée par les lobbyistes habituels. Il est temps de réfléchir à la labellisation d'une plateforme collaborative, développée à la manière d'un Nutri-Score ou d'un Yuka de l'éducation.

Institutionnaliser ce temps d'écran en l'intégrant dans le parcours scolaire permettra aux jeunes de comprendre que le temps est précieux et qu'ils sont maîtres du temps passé sur les réseaux sociaux. Tout s'apprend, encore faut-il qu'on leur enseigne.

_____

(*)  Marie-Christine fait partie des premières femmes à avoir été à la tête d'un fonds d'investissement en France. Elle a un parcours atypique qui l'a menée au numérique très tôt, à la fin des années 1990. Elle a été fondatrice et PDG d'importantes sociétés Internet et médias (Lycos, Club-Internet, Groupe Tests...). Puis vers l'investissement, elle a notamment participé en tant qu'associée, au lancement de Jaina Capital (Marc Simoncini), l'un des premiers fonds d'entrepreneurs en France. Et aujourd'hui elle s'est tournée vers l'investissement à impact, particulièrement dans le secteur de l'éducation avec le fonds Educapital et siège à plusieurs conseils d'administration de grands groupes (Iliad - Free, Maisons du monde, AFP notamment). Elle rencontre actuellement les cabinets de plusieurs ministres pour alerter sur les enjeux liés à l'éducation.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 07/03/2024 à 14:47
Signaler
A côté de la plaque... Via des écrans (connectés, mais qui n'ont pas besoin d''y être en permanence) on accède à Wikipedia (et ses limites), mais AUSSI à des Whatsapp (et autres) dont le seul but est de "capturer" (plutôt que de "captiver") les espri...

à écrit le 07/03/2024 à 8:13
Signaler
"En France, ce ne sont pas les réseaux sociaux qui sont pointés du doigt, mais bien les "écrans", une notion fourre-tout qui pénalise l'ensemble du secteur du numérique" Ben oui mais madame en France nous sommes plus évolués qu'ailleurs et c'est tout...

à écrit le 06/03/2024 à 16:49
Signaler
Qui doit on réprimander ? L'info ou les médias ?

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.