Licenciement abusif : une nouvelle contestation du barème Macron

OPINION. La décision de la Cour de cassation du 11 mai dernier semblait avoir clos le débat de la conformité du barème Macron aux engagements internationaux de la France. Par Me Claudia Jonath, Associée Taylor Wessing, en charge du département Droit Social et Me Sibille Bouëssel du Bourg, Collaboratrice Taylor Wessing, département Droit Social.
(Crédits : DR)

Le barème qui prévoit des fourchettes d'indemnités à verser au salarié en cas de licenciement abusif en fonction de la taille de l'entreprise et de la séniorité du salarié licencié fait partie intégrante du Code du travail français depuis 2017.

Cependant, aux termes d'une récente décision, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) reconnait une violation de la Charte sociale européenne par ce barème d'indemnité, dans la mesure où celui-ci ne permettrait pas une réparation appropriée du licenciement abusif. Cette décision - surtout symbolique - ne devrait vraisemblablement pas remettre en question le droit du travail français et les décisions des juridictions françaises qui l'appliquent.

Le barème Macron : vers la fin de la bataille jurisprudentielle

En droit du travail français, en l'absence de réintégration du salarié dans l'entreprise, le salarié a droit à une indemnité réparant le licenciement « sans cause réelle et sérieuse ». Cette indemnité est déterminée suivant un barème fixant un plancher et un plafond d'indemnisation pour chaque ancienneté dans la limite de 20 mois de salaires.

Fortement contesté, ce barème a fait l'objet d'un débat judiciaire concernant sa conformité au droit international. Certains juges prud'hommaux, suivis par différentes Cours d'appel ont estimé que le barème Macron les prive de la liberté d'appréciation du préjudice subi par le salarié licencié, lissant en quelque sorte le montant des indemnités à allouer.

Ainsi, la résistance des tribunaux se basait notamment sur la Charte sociale européenne qui garantit le droit à une réparation appropriée du licenciement abusif. Certains juges ont ainsi écarté le barème Macron en reconnaissant le droit aux salariés d'invoquer une violation de la Charte concernant une indemnité de licenciement allouée, qui ne prenait pas en compte leur préjudice individuel.

Toutefois, la Cour de cassation a dénié tout effet direct en droit interne à la Charte par un arrêt du 11 mai dernier. Autrement dit, la plus haute juridiction française a jugé que le barème Macron ne pouvait pas être contesté sur le fondement de la Charte, non invocable devant les tribunaux français dans un litige entre particuliers.

La Cour considère en effet que les Etats parties au Conseil de l'Europe ont entendu reconnaître par la Charte des principes nécessitant des actes complémentaires pour leur application. De plus, le contrôle du respect de la Charte est réservé au CEDS. La Cour de cassation a même devancé d'autres contestations ultérieures en soulignant par avance que toute décision du CEDS ne produirait aucun effet contraignant pour les juges français.

Les syndicats continuent à lutter contre le barème, même si l'issue semble réglée d'avance par la décision de la Cour de cassation.

La décision du CEDS non contraignante pour les tribunaux français

Les syndicats CGT et Force Ouvrière (FO) ont saisi le CEDS qui a décidé que le droit à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée au sens la Charte sociale européenne n'est pas garanti par le barème Macron.

Cette décision était à prévoir : le CEDS avait d'ores et déjà rendu une décision similaire concernant les barèmes d'indemnisation italien et finlandais.

Selon le CEDS, le barème Macron viole la Charte en ce qu'il prévoit des plafonds qui ne sont « pas suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime et être dissuasifs pour l'employeur ». Pour le Comité, le barème est ainsi un risque de favoriser les licenciements abusifs.

Par ailleurs, le CEDS considère que « le juge ne dispose que d'une marge de manœuvre étroite dans l'examen des circonstances individuelles des licenciements injustifiés » qui ne permet pas au juge d'apprécier le préjudice réel subi par le salarié.

Enfin, les autres voies de droit pour contester le licenciement abusif ne sont limitées qu'à certains cas strictement énumérés par la loi.

Si la décision du CEDS a été transmise au Comité des ministres du Conseil de l'Europe, celui-ci ne peut qu'émettre des recommandations à ce sujet.

Par ailleurs, la Cour de cassation a d'ores et déjà jugé que la Charte n'est pas invocable par les particuliers devant les juridictions nationales. Par conséquent, la décision du CEDS ne devrait pas permettre d'écarter le barème Macron qui devra donc continuer à s'appliquer sans nouvelle intervention du législateur français.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 13/07/2022 à 11:28
Signaler
Bonjour Qu'en est-il du principe de la réparation intégrale des préjudices - article 1240 du Code civil (anciennement 1382) ?

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.