Merkel, Macron : le match du "quoi qu'il en coûte"...

POLITISCOPE. Face à la Covid-19, l’Allemagne a lâché les vannes comme jamais ! Après avoir mieux géré la crise sanitaire que la France, avec trois fois moins de morts que la France, elle pourrait bien mieux préparer la reprise de l'économie. Par Marc Endeweld, journaliste (*).
(Crédits : AXEL SCHMIDT)

Décidément, l'Élysée est passé maître dans l'art du teasing. Après la nouvelle intervention télévisée d'Emmanuel Macron du 14 juin, sur la suite du déconfinement, les Français sont restés un peu sur leur faim ! Ils attendaient un grand dessein, une stratégie d'ensemble pour faire repartir le pays et son économie... Ils devront encore attendre jusque vers la mi-juillet. Histoire que les élections municipales permettent d'y voir plus clair ? Certes, on nous annonce de grands chambardements, mais aucun indice nous permet actuellement de percevoir dans quelle direction la France s'achemine.

Un new deal qui ne dit pas son nom

Sans attendre quel va pouvoir être l'ordonnancement du prochain jardin à la française, la crise du Covid-19 aura déjà amené à un grand bouleversement économique... chez notre voisin allemand. Outre-Rhin, la chancelière Angela Merkel, et l'ensemble des forces politiques, ont décidé d'abandonner l'orthodoxie budgétaire, jusqu'alors un véritable totem. Si l'on se penche sur les annonces gouvernementales depuis mars, on mesure l'importance des décisions prises. C'est même un véritable new deal lancé à bas bruit. L'Allemagne, pourtant timide à lancer un grand plan européen de relance de l'économie, a d'ores et déjà décidé de lâcher les vannes pour sauver sa propre économie. Sans que l'on n'y prenne garde, Merkel n'a pas hésité à faire sienne la maxime macronienne du « quoi qu'il en coûte » face à la Covid-19. En pratique, sans le crier sur les toits, Merkel fait du Roosevelt.

Les Allemands ont ainsi frappé vite et fort. Dès le 9 mars, les autorités allemandes ont débloqué 12,8 milliards d'euros sur quatre ans pour financer des investissements dans les infrastructures. Neuf jours après, une nouvelle enveloppe de 38 milliards d'euros a été annoncée au niveau fédéral. Un programme de soutien « illimité » aux entreprises est alors lancé. Dans ce cadre, la banque nationale de développement (KfW) va jouer un rôle important en fournissant des liquidités aux entreprises touchées par l'épidémie de Covid-19, car « il n'y a aucune limite supérieure au montant des prêts que la KfW peut émettre », est-il alors annoncé.

Mais c'est à peine cinq jours plus tard que l'Allemagne enfonce le clou. Le 23 mars, le social-démocrate Olaf Scholz, le ministre des Finances d'Angela Merkel, présente un plan de sauvetage complet de l'économie allemande, incluant une augmentation de 156 milliards d'euros du budget 2020 ! Au total, ce sont pas moins de 50 milliards d'euros qui ont été mis sur la table pour lutter concrètement contre l'épidémie, et plus de 100 milliards, via un fonds de « stabilisation économique », pour des interventions directes dans les entreprises, dont la moitié pour les petites entreprises, les travailleurs indépendants et les freelances.

L'orthodoxie budgétaire remise en cause

Comment de telles dépenses ont-elles pu être acceptées alors qu'un plafond d'endettement - la « Schuldenbremse » - était jusqu'à présent inscrit dans la Constitution allemande ? Eh bien, il a suffi que le parlement allemand suspende ce plafond. C'était chose faite deux jours à peine après toutes ces annonces budgétaires par le gouvernement. Pourquoi si vite ? En réalité, les Allemands n'ont pas attendu l'épidémie de Covid-19 pour se poser des questions sur leur sacro-sainte orthodoxie budgétaire. Dès l'automne dernier, le débat à ce sujet avait pris de l'ampleur outre-Rhin. Les critiques envers l'orthodoxie se sont alors multipliées dans les rangs des syndicats, mais aussi... du patronat.

Mi-novembre 2019, Dieter Kempf, le patron de la puissante fédération allemande de l'industrie BDI, et Reiner Hoffmann, le chef de la confédération syndicale DGB, avaient ainsi présenté une revendication commune au gouvernement Merkel, demandant à Berlin d'investir 450 milliards d'euros sur dix ans dans les infrastructures, la digitalisation et la formation. Une étude conjointe réalisée par les instituts IW, proche du patronat, et IMK, proche des syndicats, chiffrait en effet à 450 milliards d'euros le besoin en investissement public du pays, dont 138 milliards pour l'infrastructure des communes, 110 milliards pour la formation, 60 milliards pour les chemins de fer, et 75 milliards pour le plan climat.

« L'Allemagne s'est endormie en termes d'infrastructures, de digitalisation et de formation, estimait alors Dieter Kempf. Sans compter le fait que les objectifs climatiques ne seront pas atteints sans davantage d'investissements publics. Il ne s'agit pas de lutter contre les symptômes d'une récession mais de poser les bases d'une relance ».On croirait entendre Jean-Luc Mélenchon en France !

« Seul un plan d'investissement à long terme garantit la capacité de l'économie à affronter l'avenir et donc les emplois de demain », ajoutait alors Reiner Hoffmann.

Autant dire que les Allemands commençaient, dès l'automne 2019, à envisager une relance d'inspiration keynésienne après avoir vécu une vingtaine d'années selon les principes d'une stricte orthodoxie budgétaire. La révolution était donc déjà en marche. Mais à l'époque, ni Angela Merkel ni son ministre des Finances, Olaf Scholz, ne voyaient la nécessité d'un plan de relance, évoquant justement la Constitution fédérale, qui laissait peu de marge de manœuvre au gouvernement.

Mais maintenant que les vannes sont lâchées, les Allemands ne s'en privent pas. Ainsi, dès le 3 avril, Olaf Scholz déclare à Der Spiegel que Berlin pourrait de nouveau investir 50 milliards d'euros dans l'économie dans un nouveau plan de relance après l'épidémie. Dans le même temps, l'Allemagne se paye le luxe de décider plusieurs réductions d'impôts : le taux de TVA a été réduit temporairement à 7 % pour les produits alimentaires, les petites entreprises ont obtenu des allégements fiscaux, et les restaurants ont obtenu également la réduction de moitié de la TVA. Mais parmi les autres pays européens, ils sont bien peu nombreux à pouvoir se permettre de telles mesures. En comparaison, l'État italien a annoncé vouloir investir 55 milliards d'euros pour relancer l'économie, et l'Espagne constitue un fonds de reconstruction de 16 milliards. Sans de nouvelles mesures fortes prises à l'échelon européen ces autres pays de la zone euro ne peuvent envisager l'avenir qu'en noir. Au risque d'une déstabilisation entière de l'Europe.

___

NOTE SUR L'AUTEUR

Marc Endeweld, auteur de L'ambigu Monsieur Macron (Éditions Flammarion), et de Le grand manipulateur - Les réseaux secrets de Macron (Éditions Stock), tiendra désormais chaque semaine une chronique politico-économique dans La Tribune intitulée "Politiscope".

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 12
à écrit le 22/06/2020 à 16:52
Signaler
A court terme pas de soucis pour la dette puisque de facto, elle est devenue perpétuelle avec des taux d'intérêt bas, ou même nul.Nous entrons dans un système de Ponzi , où il suffira, d'emprunter à nouveau aux échéances, ce que d'ailleurs nous fais...

le 24/06/2020 à 4:50
Signaler
@Calamard. Vous semblez oublier les creanciers. Bulle ou pas ils perdront et en ce cas, plus personne ne vous pretera un Kopeck. On paie tjrs ses dettes, c'est une obligation, quoique vous en pensiez.

à écrit le 22/06/2020 à 11:57
Signaler
Cette dette publique est délirante. Cela va très mal finir.

à écrit le 20/06/2020 à 17:06
Signaler
un virus annoncé depuis plusieurs mois ! Nous avons affaire à une armée de vrais polichinelles en 2 mois tout s'écroule comme dans un château de paille ! C'est une faillite incroyablement bien montée ! Châpeau bas ! Faites vos jeux, rien ne va plus....

à écrit le 20/06/2020 à 11:08
Signaler
politique du chacun pour soi dans cette Europe! un échec.. mais ignorent la pureté de la vérité

à écrit le 19/06/2020 à 19:08
Signaler
Il suffit de proposer aux Etats qui le souhaitent un saut qualitatif fédéral , c'est l'Europe noyau ou des projets. Les autres resteraient dans le deuxième cercle .... à moins qu'ils veulent faire comme les anglais. Nous voyons tous les jours les lim...

à écrit le 19/06/2020 à 16:21
Signaler
Mais ne plus pouvoir appeler un chat un chat est totalement paradoxal. François Fillon parlait en septembre 2007 d'une France en faillite. Que dire aujourd'hui ? Surtout, qui aura le courage, l'honnêteté, l'honneur..de le dire aux français ?...

à écrit le 19/06/2020 à 12:03
Signaler
"Quoi qu'il en coûte!!" Sachant que celui qui a prononcé ces mots n'y perdra pas un centimes bien au contraire! Cela nous rassure!!

à écrit le 19/06/2020 à 11:38
Signaler
Il ne faut surtout pas se leurrer avec l'attitude de l'Allemagne .A circonstances exceptionnelles ,mesures exceptionnelles .Attendons que la situation redevienne à peu pres normale economiquement en Europe ,et vous verrez les allemands revenir à leur...

à écrit le 19/06/2020 à 9:02
Signaler
LOL ! Vous avez vu surtout cette fixette de vouloir baisser les salaires ? Quoi qu'il en coûte pour les citoyens de leurs pays ils iront jusqu'au bout de leur servitude envers les mégas riches, ils feront tout pour remplir les paradis fisca...

à écrit le 19/06/2020 à 8:28
Signaler
quand ca allait l'Allemagne a mis des reserves de cote, avec une dette/pib de 60% la france de hollande a jete l'argent par la fenetre et s'est felicite de n'avoir fait aucune reforme, sauf le mariage pour tous la france coule, quand ca va aller au...

le 19/06/2020 à 13:01
Signaler
On voit déjà les chialeuses comme vous qui geignent constamment,allez chialez ailleurs,on vous a assez entendus.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.