Sanctions américaines : une arme à double tranchant

CHRONIQUE. Les sanctions sont un levier si fréquemment employé, certainement car il permet aux gouvernants qui en usent et abusent d'éviter de coûteux conflits armés. Les sanctions constituent une sorte de guerre «low cost». Par Michel Santi, économiste (*)
(Crédits : Reuters)

Pas vraiment, en réalité, car ces mesures de rétorsion à l'encontre d'un État - loin de nuire à ses officiels - punissent principalement les plus vulnérables sous le joug de systèmes répressifs. Alors qu'il n'est rien de plus facile pour un pays comme les États-Unis d'en imposer à travers ses dizaines d'agences fédérales ayant chacune sa spécialité, nul n'est tenu pour responsable au sein de ces administrations si ces mêmes sanctions nuisent aux populations civiles innocentes des nations sous embargo, à la politique étrangère américaine, voire aux entreprises et aux banques américaines tenues de les respecter.

10.000 sanctions

Il est, en outre, extraordinairement compliqué de lever des sanctions dans un pays comme les États-Unis - à l'origine de la moitié d'entre elles depuis les années 1950 - à cause de la bureaucratie, et ce même si elles ne servent plus les intérêts nationaux. Attardons-nous sur le cas des États-Unis dont le nombre de sanctions imposées par la Trésorerie s'est envolé de 1.000 environ en l'an 2000 à près de 10.000 aujourd'hui. Tandis que l'administration Trump ajoutait en moyenne 3 noms par jour sur une liste d'individus interdits bancaires, Biden s'en est donné à cœur joie à la faveur de l'invasion russe de l'Ukraine.

Le recours à cette arme s'est donc systématisé depuis une vingtaine d'années dans le but d'interdire l'accès à l'arme nucléaire, de punir des dictateurs, de démanteler des réseaux terroristes, en dépit de fardeaux imposés même aux citoyens américains qui n'ont pas en réalité pas de moyens efficaces de contester ces mesures souvent adoptées unilatéralement par leurs dirigeants. Décrétées, puis mises en place avec une facilité déconcertante, ces sanctions sont une sorte de massue détruisant tout sur son passage, quand elles devraient plutôt être activées avec finesse afin d'éviter à tout prix de faire mal aux innocents, à nombre d'entreprises et de citoyens américains, accessoirement aux alliés.

Les sanctions ne marchent pas

Pour faire court, la plupart des sanctions américaines appliquées aujourd'hui décrédibilisent les discours selon lesquels les États-Unis sont les ardents défenseurs des droits de l'Homme et les meilleurs promoteurs de la paix dans le monde. Elles se doivent donc d'être bien mieux ciblées, calibrées, et pas non plus mises en place de manière quasi automatisées. Enfin, ces sanctions doivent pouvoir être annulées avec la même facilité. Faute de quoi elles perdent de leur efficacité, voire se retournent contre les intérêts américains. Certaines voix se font entendre au sein même des cercles dirigeants américains, comme celle d'un ancien membre du Conseil de Sécurité nationale de Biden, Peter Harrell, qui propose que les sanctions imposées à l'encontre d'un pays ou d'un individu expirent automatiquement, sauf à être expressément renouvelées par le Congrès.

Une évidence : les sanctions dont l'objectif est le changement de régime de la nation visée ne marchent pas ! À cet égard, retentissant est l'échec de celles imposées en 1962 par Kennedy contre Cuba, levées en 2014 par Obama avant d'être rétablies par Trump. Pire encore quand ces sanctions servent le dictateur en place comme Maduro qui impute aux Américains la déchéance de l'économie de son pays. Et qui n'a pas si tort que cela du reste, puisque l'embargo contre le pétrole vénézuélien - qui constitue 90% des exportations du pays - provoque des conséquences désastreuses sur une population désormais misérable, permettant du coup à leur chef d'État de consolider son pouvoir tout en se rapprochant de la Russie et de la Chine. Pour autant, les sanctions peuvent être constructives si elles sont accompagnées d'un objectif concret et réaliste à atteindre, comme ce fut le cas en 1986 lorsque celles imposées à l'encontre de l'Afrique du Sud promettaient d'être levées dès la suppression de l'apartheid et la libération de Nelson Mandela.

Pour être efficaces, pour éviter à tout prix de nuire à des innocents, pour préserver leurs propres intérêts vitaux, les sanctions d'un pays comme les États-Unis - qui sont incontestablement une arme foudroyante - se doivent donc d'être mis en place avec discernement.

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(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier « Fauteuil 37 » préfacé par Edgar Morin. Il est également l'auteur d'un nouvel ouvrage : « Le testament d'un économiste désabusé ».
Sa page Facebook et son fil Twitter.

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Commentaires 2
à écrit le 27/09/2023 à 12:19
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Les sanctions sont surtout un moyen, pour les pays qui les promeuvent, de ne plus êtreassimilés à des soutiens des régimes (dictatures kleptocratiques) des pays visés. Comme prévu, elles sont "à long terme". Et, hormis voler le bien de leur peuple, l...

à écrit le 27/09/2023 à 10:28
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Vous êtes sûr que cela ne fonctionne pas ? En prenant du recul sanctionner au portefeuille une oligarchie quelconque ce n'est pas punir cette oligarchie mais son peuple et du coup finir par faire s'effondrer la crédibilité dudit pouvoir. L'exemple de...

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