Une Europe sans champion du numérique, mais pour combien de temps  ?

OPINION. Comment est-il possible que l'Europe n'ait pas vu émerger sur son sol de nouveaux champions du numérique depuis plus de deux décennies ? Et surtout comment y remédier ? Par Luc Bretones, Président de l'Institut G9+ et Nicolas d'Hueppe, Vice-Président de Croissance+
(Crédits : Regis Duvignau)

 L'Institut G9+, en partenariat avec Croissance +, Roland Berger et la BPI a organisé depuis octobre dernier une consultation citoyenne sur l'avenir numérique de l'Europe. Les 43.000 contributions, 63.000 votes et 505 propositions recueillis en France et en Allemagne ont confirmé l'intérêt incontestable des citoyens pour ces questions et ont rappelé qu'elles devaient être placées au centre des débats à l'approche des élections européennes. Ont émergé à cette occasion une kyrielle de propositions pertinentes et innovantes, sept d'entre elles ont retenu notre attention.

Etre européen, la piste de l'identité numérique

Alors que l'idéal européen semble plus que jamais questionné par ses citoyens, le numérique représente une occasion unique de refonder l'Union et lui donner un second souffle. La création d'un passeport numérique européen serait un signal fort dans ce sens. Pourquoi ne pas y voir la clé de voute d'un futur système numérique européen sécurisé, garantissant à chaque citoyen l'accès une offre variée de services en ligne ?

Mais l'Union européenne ne doit pas seulement devenir le berceau d'une citoyenneté et d'un lien renouvelés, elle doit aussi permettre aux entreprises innovantes de voir le jour, de croitre en se basant sur le marché européen avant de s'attaquer au reste du monde. Notre marché continental est prometteur, pour peu que nous sachions dessiner une Europe du numérique à la hauteur des enjeux des transformations de demain.

Labéliser pour mieux encourager

En premier lieu, la création d'un label européen (Pass Eurotech) permettrait d'accélérer le développement de nos startups. Accès aux financements, aide au développement ou encore facilités administratives : les possibilités ne manquent pas pour faire de ce label un vrai coup de pouce pour nos jeunes entreprises innovantes. Gage de qualité, le Pass Eurotech pourrait ainsi s'imposer auprès des structures qui souhaitent être aidées à s'internationaliser. Mais cela ne peut pas suffire.

Protéger nos futurs champions

Face à des concurrents indiens, chinois ou américains toujours plus puissants, appuyés par des marchés intérieurs gigantesques, la concurrence est aujourd'hui intenable pour nos jeunes entreprises du numérique. Un mécanisme fiscal et social incitatif doit être imaginé afin de réduire au maximum ces inégalités. Et ce coup de pouce facilitateur doit aussi être administratif ! Alléger la complexité engendrée par le Cerfa, unifier le statut d'entreprise à l'échelle européenne ou encore accélérer la dématérialisation des factures sont autant de pistes pour dynamiser rapidement le marché du vieux continent. Faire de l'Europe un paradis administratif peut sembler un pari fou, mais ici encore, pour que nos futurs champions rattrapent le retard accumulé, il faut leur en donner les moyens.

Favoriser l'achat technologique européen

Donner aux entreprises européennes du numérique toutes leurs chances est une chose, tout faire pour qu'elles rencontrent leur marché en est une autre. Comment leur garantir un accès suffisant aux consommateurs sans aller à l'encontre des règles de l'OMC ? Informer les clients de la part européenne dans la valeur ajoutée de chaque produit pourrait favoriser l'achat technologique de nos entreprises innovantes. Libre ensuite à chaque pays d'aller plus loin, et pourquoi pas d'élaborer des mécanismes d'incitations financières ou fiscales. L'enjeu est crucial ; c'est bien d'approvisionnement stratégique dont il est question, et donc de notre souveraineté.

La dorsale franco-allemande

Devant l'ampleur de ces chantiers, la tâche de l'Union européenne s'annonce colossale, ne serait-ce que du point de vue réglementaire. Mais trop attendre des transformations institutionnelles serait une erreur. Les synergies et les similitudes entre pays au sein de l'Union, notamment la dorsale franco-allemande, peuvent d'ores et déjà offrir aux entreprises du numérique des perspectives de croissance pour leurs solutions technologiques. Des accélérateurs transfrontaliers de projets technologiques (6) doivent venir soutenir ces implantations dans un esprit d'étroite collaboration, quels que soient nos drapeaux !

Le relève se forme aujourd'hui

Enfin, tous ces efforts seraient vains sans la garantie pour ces entreprises qu'elles pourront demain trouver une main d'œuvre qualifiée pour accompagner leur croissance. Soutien à l'autoformation, visites d'entreprises innovantes, développement et valorisation des offres de formations numériques doivent être le prolongement d'une politique volontariste de formation en milieu scolaire.

La grande bataille du numérique ne fait que commencer. Nos gouvernements doivent désormais prendre leurs responsabilités et incarner l'ambition qu'ont en partage nombre de citoyens européens, celle d'une souveraineté numérique européenne, porteuse de croissance et d'emplois, emmenée par des champions continentaux.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 23/03/2019 à 17:24
Signaler
Un "champion" pourquoi faire? On ne sent qu'un relent de nationalisme, niveau impérial, en Europe sur les décombres des nations et peuples souverain! Rien de réjouissant!

à écrit le 19/03/2019 à 17:04
Signaler
"Champion" pourquoi faire? Adaptable et imaginatif seraient de bien plus grandes qualités!

à écrit le 19/03/2019 à 16:11
Signaler
DE ce côté là je ne désespère pas je suis persuadé que si la puissante culture européenne et ses nombreux héritiers se lancent sur la toile ils vont tout envahir et très vite. Maintenant il est évident que c'est pas des Schauble, Merkel, Macron, ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.