Veille des médias : ChatGPT peut-il faire évoluer les modèles de rémunération des éditeurs ?

OPINION. Chaque jour, des sociétés de veille et d'analyse médias remettent le fruit de leur travail à des milliers d'entreprises et d'institutions. Leur rôle est essentiel : il vise à collecter l'information, l'analyser et la restituer sous format de panorama de presse, d'analyses quantitatives ou qualitatives. Par Christophe Dickès, Global Media & Copyright Director chez Onclusive
(Crédits : DR)

Dans un contexte d'infobésité, il est absolument impossible pour une institution ou une entreprise de savoir ce que l'on dit sur elle ou de son marché. Les entreprises de veille médias recherchent l'information, chassent les signaux faibles mais aussi les fake news pour leurs clients. En outre, elles permettent de sortir les décideurs de leur bulle informative, en prenant en compte l'ensemble du paysage médiatique et la pluralité des audiences. Elles s'inscrivent ainsi au cœur de la prise de décision des entreprises dans leurs plans de communication.

Chat GPT et droit d'auteur : qui paie ?

Or, tout en donnant la part belle à une valeur ajoutée humaine, ces sociétés ont régulièrement investi afin d'intégrer les nouvelles technologies dans leur process et leurs services. Il est donc naturel pour elles d'utiliser à court ou moyen termes des outils dits « d'intelligence artificielle » tels que ChatGPT afin de produire des résumés et des analyses :

« Peux-tu me donner les tendances du marché de l'automobile dans la presse sur les derniers mois ? » ;

« Quelle est la tonalité des articles parus sur les mouvements sociaux à propos des retraites ? » ;

« Peux-tu comparer les tendances du mouvement social sur les réseaux sociaux et son traitement dans la presse ? »

Les questions et donc les applications sont absolument innombrables. L'IA va ainsi révolutionner à la fois les process des entreprises de veille médias mais aussi leurs services en réduisant considérablement les temps de traitement.

Il n'en reste pas moins une question essentielle : quels droits acquitter aux auteurs ou éditeurs dans la mesure où ces outils utilisent un contenu qui n'appartient ni aux sociétés qui les développent ni à leurs utilisateurs ? Les éditeurs, à l'exemple de News Corp propriétaire du Wall Street Journal, n'ont pas attendu pour faire valoir leur droit. La question étant de savoir qui doit payer : est-ce la société qui commercialise l'outil qui génère les résultats ? Est-ce la société de veille médias qui va utiliser le résultat de l'IA ? Est-ce le client de ces mêmes sociétés ?

Des réponses à trouver du côté du droit, d'autres à inventer

En Europe, la directive européenne sur le droit d'auteur apporte une première réponse : elle a créé un nouveau droit, le droit voisin, au profit des éditeurs. En effet, le texte voté par le Parlement en 2019 et transposé dans le droit français la même année, avait pour objectif de faire payer les géants du web utilisant les contenus médias sans autorisation. L'idée était de partager la valeur des revenus publicitaires générés par le trafic sur les plateformes des GAFAM. La directive européenne a également prévu un cadre juridique pour le data mining, activité à la base de ces outils d'IA. L'Europe dispose ainsi d'un corpus législatif qui constitue une première base de régulation du phénomène de l'IA.

A cet égard, il n'est pas étonnant de voir que l'organisme de gestion DVP, chargé de collecter les droits voisins auprès des GAFAM, ait indiqué qu'il étudierait la possibilité de confier au Centre Français d'exploitation du droit de Copie (CFC) la perception des redevances liées au droit des éditeurs de presse en ce qui concerne les créateurs d'IA. En effet, le CFC est le premier interlocuteur du marché BtoB de la veille médias, à distinguer du marché BtoC des plateformes des géants du web.

Dans le contexte d'un marché qui ne cesse d'évoluer, on peut légitimement se demander si l'utilisation d'outils tels que ChatGPT ne constitue pas une opportunité afin de reconsidérer les modèles de gestion des autorisations et des rémunérations des éditeurs. N'est-ce pas aussi le moment de se poser de nouveau la question d'une gestion collective obligatoire ou d'une exception prévoyant en contrepartie une compensation équitable pour les titulaires de droit ?

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