Vers la sobriété médiatique ?

CHRONIQUE - Qu’il soit de cinéma, de télé, de smartphone, d’ordinateur ou de tablette, l’écran est partout. Révélateur des transformations de notre société, il en est parfois à l’origine. Un double rôle que décrypte Jonathan Curiel* pour T La Revue. (Cet article est issu de T La Revue n°15 – « Sobriété, frugalité, ingéniosité : comment innover autrement ? »)
(Crédits : Astrid di Crollalanza)

La course à l'innovation a toujours été l'une des caractéristiques du monde médiatique. Toujours de nouveaux programmes, toujours plus. Il faut se différencier de la concurrence, ne pas stagner. Dans une hyper offre médiatique, la course à l'innovation est un moyen d'émerger dans le grand marché de l'attention. Attention, nouveauté ! Les projecteurs sont braqués sur un programme ; il peut espérer être remarqué, regardé ou entendu, du fait de l'effet « nouveauté » qui permet de rompre avec le ronronnement ambiant. Télévision, radio, plateformes, réseaux sociaux, chacun y va de sa propre stratégie pour la promouvoir au maximum et lui donner de la résonance. Tel Sisyphe avec son rocher, un média ou réseau social doit pousser de nouveaux contenus sous peine de vivoter et d'agoniser. Les plateformes comme Amazon, Netflix et consorts en jouent beaucoup : elles égrènent de manière régulière et événementielle leurs nouvelles séries, nouveaux films et nouveaux documentaires à grand renfort de communication.

Par ailleurs, la quête de la petite phrase et du buzz existe toujours ; elle reste un combustible médiatique incontournable même si l'on peut le regretter, mais on peut noter tout de même :

-       Une demande de temps long et d'apaisement. Le succès des podcasts en atteste ; le développement d'émissions télévisées et radiophoniques de débats pédagogiques et intelligents en atteste ; la demande pour des programmes documentaires, d'investigation et des fictions qui s'appuient sur le temps long pour apporter une valeur ajoutée réelle au flux d'informations frénétique dont il ne nous reste généralement pas grand-chose, en atteste.

-       Une fatigue informationnelle réelle qui détourne le public de la course à l'information permanente. Fatigue d'informations anxiogènes, de ces faits d'actualité qui chassent les précédents aussi vite qu'ils ne sont arrivés et qui prennent la tête au détriment de l'essentiel. « Le degré de la lenteur est directement proportionnel à l'intensité de la mémoire ; le degré de la vitesse est directement proportionnel à l'intensité de l'oubli » écrit justement Milan Kundera dans La Lenteur.

-       Enfin, les médias sont aussi une affaire de bonnes habitudes. Besoin d'une certaine permanence, de repères dans le temps qui atténuent l'objectif d'innovation à tous crins. Laisser des programmes s'installer dans le temps, rencontrer le public qui y voit ensuite une balise dans un monde anomique et chahuté.

Le temps d'une certaine sobriété médiatique semble donc être venu, malgré quelques soubresauts. À l'écran également, la sobriété devient concrète : les programmes mettant en avant des pratiques plus économes, moins énergivores et dirigées vers une production plus douce se déploient. Le faste des grandes émissions des dernières décennies représente également une période révolue. Les programmes faisant la part belle à l'écologie, eux, sont plus nombreux. Les temps changent.

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Commentaires 3
à écrit le 22/07/2023 à 19:19
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La menace est arrivée avec la télévision qui a bien lavé les cerveaux du monde pendant des décennies et qui continuent de le faire même si de façon de plus en plus grossière, son seul avantage est qu'on ne peut pas la porter partout avec nous par con...

à écrit le 22/07/2023 à 18:09
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Les Médias, la Pub, des maux nécessaires? Hélas les uns ne vont pas sans l'autre mais qui pour financer de "vrais" médias "vraiment" indépendants? Illusoire.

à écrit le 22/07/2023 à 17:30
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La sobriété médiatique sera issue de la sobriété publicitaire ! Sinon rien ! ;-)

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