Vieillissement  : sortons de l'alternative Ephad/domicile

OPINION. Dans la multiplicité des rapports publiés récemment sur les sujets du vieillissement, il est difficile de dégager autre chose qu'un débat autour d'une alternative réductrice et dangereuse:  l'Ehpad  versus le domicile. (*) Par Jean-François Vitoux, directeur général d'Arpavie (Caisse des dépôts)
(Crédits : Reuters)

Depuis la loi 2002-02 qui en a fixé le cadre de fonctionnement, l'Ehpad a structuré  l'accompagnement de la grande dépendance et de la prise en charge Alzheimer. Cette institution remplit ainsi une mission indispensable de structure spécialisée dans l'accueil de publics âgées très fragilisés, ce qu'attestent tant l'âge médian d'entrée (88 ans) que la durée médiane de séjour (1 an et 1 mois) de ses résidents. A moyen terme, la démographie va continuer à alimenter les Ehpad avec ce flux de personnes âgées très fragiles. Autant dire que l'Ehpad de demain ressemblera furieusement à celui d'aujourd'hui. Le défi majeur à y relever portera beaucoup plus sur la disponibilité de personnels qualifiés et les services qu'ils prodiguent aux résidents que sur des évolutions architecturales ou décoratives tendant à « cacher ces soins qu'on ne saurait voir ».

Traduction logique et inévitable de cette réalité, aggravée par la perception de la crise sanitaire, l'Ehpad constitue un choix contraint, un lieu subit. Corollaire tout aussi logique, 85% des Français disent vouloir vivre « chez eux » jusqu'à la fin de leur vie. Et non en Ehpad. Le tropisme domiciliaire du discours politique actuel résulte de cette réalité.

La mission de « care management »

La première étape justifiée de cette priorité donnée au domicile consiste à augmenter  le financement public des heures de Services d'Aide à Domicile (SAAD), y compris en dégageant un financement additionnel pour solvabiliser en partie la mission de « care management » des SAAD. La seconde étape, plus discutable, vise à installer les SAAD comme la solution « de droit commun » pour les personnes âgées fragiles qui n'ont pas vocation à aller en Ehpad. Or le développement des SAAD présente trois limites qu'il importe de ne pas oublier.

D'abord, avant que ces Services d'Aide à Domicile n'interviennent, personne n'est en mesure de détecter si et comment la personne âgée a besoin d'assistance. Le domicile reste souvent un lieu de fort isolement. Ensuite, dès lors que la personne âgée commence à avoir besoin d'un accompagnement important, l'intervention des SAAD peut devenir difficile à coordonner et le domicile s'avérer  inadapté. Enfin, la santé ne se résumant pas à la santé physique, la solitude, fréquente à domicile, emporte nombre de glissements qui ne seront ni repérés ni traités.

Autrement dit, résumer le vieillissement à une alternative Ehpad/domicile familial, revient à enfermer les personnes âgées dans un dilemme inutile.

Pourtant depuis longtemps des solutions intermédiaires existent, très adaptées aux populations de 75/85 ans dont le nombre, dans les dix prochaines années, devrait croître de façon spectaculaire (+2,1 millions)

Ces solutions qui mixent un vrai domicile - pas une chambre - et des services collectifs  - hôteliers et d'accompagnement - ce sont les Résidences Autonomie (RA) et les Résidences Services Seniors (RSS). Ce sont des habitats choisis qui conjuguent une vie sociale et une présence humaine capable d'identifier les premières dégradations de l'âge en coordonnant l'intervention des SAAD pour les accompagner. Ce sont des lieux où on rentre librement à 75 ans en se disant qu'en l'absence de troubles du comportement ou de pathologies graves, on pourra y vivre la fin de sa vie aidé par ces SAAD qui y trouvent un ensemble de clients facilitant la gestion du temps des personnels et donc la qualité des services rendus.

Bien sûr, les Résidences Services Seniors  se destinent plutôt aux déciles les plus favorisés de la population française, mais les Résidences Autonomie dont les murs sont souvent la propriété des bailleurs sociaux offrent, elles, des tarifs adaptés au plus grand nombre.

Alors que manque-t-il aujourd'hui à ces Résidences Autonomie pour trouver dans le débat public et la loi la place qui leur revient ?

D'abord de fonctionner dans un cadre réglementaire plus souple et plus adapté en subordonnant leur création à une simple autorisation de la collectivité départementale. Ensuite de supprimer les contraintes relatives à la population de résidents accueillis, contraintes qui n'existent pas au domicile familial ! Enfin de s'inscrire dans un cadre ambitieux de création / rénovation auquel devrait être consacré 30% du Plan d'Aide à l'Investissement du secteur médico-social, cela représente 150 millions d'euros sur 5 ans.

En réalité, ce qu'autorisent ces Résidences Autonomie est simple : concilier la liberté d'accès à des services évolutifs avec un cadre résidentiel protecteur ouvert au plus grand nombre. Si pour une fois on voulait bien s'en remettre à une solution éprouvée et de bon sens...

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Commentaires 4
à écrit le 19/07/2021 à 8:16
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Il est vraiment dommage que vous ayez oublié les accueillants familiaux qui ont des agréments délivrés par les conseils généraux et peuvent accueillir à leur domicile en pension complète 3 personnes . Le logis couvert blanchisserie est assuré mais la...

à écrit le 18/07/2021 à 19:51
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Pourquoi les frais d'hébergements en EHPAD ne sont-ils pas payés par les résidents qui ont donné leurs biens à leurs enfants depuis plus de 10 ans. Pourquoi ceux qui n'ont pas fait de donation- partage en faveur de leurs enfants parce qu'ils ne possé...

à écrit le 18/07/2021 à 12:13
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L'EPAHD est avant tout un business qui rapporte. C'est un lieu de grande solitude et de souffrance autant pour les résidents que pour les soignants. Perso, j'ai réservé un créneau en Suisse pour une solution rapide.

à écrit le 18/07/2021 à 11:17
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Du fait de la financiarisation de notre économie les secteurs marchands les plus gros ont immédiatement générer des lobbys dont le principe sémantique est d'imposer un débat binaire afin de le simplifier au maximum et d'en réduire les alternatives. M...

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