Mettre de la flexibilité dans son portefeuille

Pour passer au travers des soubresauts de la bourse, un fonds flexible est une solution : il protège quand ça va mal, il est offensif quand ça va bien. Mais cette catégorie étant vaste, il faut bien choisir le fonds qui convient le mieux.

Dans des bourses difficiles et heurtées, un bon moyen de s'en sortir avec sérénité est d'acheter des fonds qui s'adaptent à l'environnement de marché. Ces fonds, qui offrent une diversification intéressante avec un risque limité, doivent être en mesure de rapidement modifier leur composition pour répondre à ces mouvements : dans le vocable de la finance, cela s'appelle des fonds flexibles.

Flexibles d'abord parce qu'ils sont autorisés à réduire la voilure sur les actions, par opposition aux obligations, par exemple lorsque les marchés plongent. Rouvier Valeurs ou Sextant Grand Large, deux fonds parmi les plus performants de leur catégorie, peuvent passer de 100 % à... 0 % investis en actifs risqués. D'autre fonds peuvent aussi investir sur des actifs moins traditionnels : gestion alternative, matières premières, ou volatilité.

Cette flexibilité peut également porter sur les zones d'investissements privilégiées : c'est le cas de fonds « globaux » comme Seven Word Asset Allocation Fund ou CCR Flex Croissance. Le gérant peut investir sur les marchés européens et américains, mais également émergents. Dès lors, il pourra répartir les proportions de ses investissements différemment suivant l'environnement. Aujourd'hui, il est clair que les pays émergents afficheront les plus fortes croissances, l'Europe et les États-Unis restant à la traîne. Dorval a lancé récemment un fonds flexible émergent. Réactis Emerging est aussi principalement investi sur les émergents depuis la mi-2008.

Si l'origine de la flexibilité remonte au lancement des fonds « carte blanche » il y a vingt ans, comme RP Sélection Carte Blanche de chez SPGP créé en juin 1989, l'actualité récente les a remis sur le devant de la scène. Avec la crise de 2008, tout le monde s'est mis à adorer les fonds flexibles : c'est-à-dire à redécouvrir le talent du gérant. « On est dans un monde qui change, il faut un produit qui s'adapte : on doit déléguer une partie du choix de l'allocation au gérant », souligne Louis Bert président de Dorval Finance. Pourtant, les déconvenues avaient été importantes sur des fonds s'apparentant à ce type de gestion avec la catastrophe des fonds monétaires dynamiques (dans lesquels avaient été placés des actifs extrêmement risqués) ou certains fonds de performance absolue, décevants en termes de... performance. Dans les deux cas, ces excès ont été corrigés.

À une époque où règne la défiance envers le risque et les montages sophistiqués, maintenir un flou artistique dans la liberté de gestion d'un fonds flexible risque de devenir un gros contre-argument de vente. Si une grande marge de manoeuvre est laissée au gérant, il faut s'assurer de quelques garanties (lire l'interview ci-dessous) : sa liberté de gestion s'accompagne souvent ce garde-fous, soit avec un objectif de performance, soit avec des contrôles des risques (avec un objectif de volatilité, par exemple) ou d'autres contraintes (diversification, concentration du portefeuille). Avant tout, il faut comprendre le fonds dans lequel on investit : "Il faut bien comprendre la nature et les moteurs du fonds flexible", met en garde Louis Bert.

1. Le choix stratégique d'une souplesse encadrée

La flexibilité permet des déclinaisons adaptés à une gestion patrimoniale encadrée. Certaines enseignes ont choisi d'adapter leur offre. Ainsi, l'Union financière de France (UFF), filiale d'Aviva, a remanié sa gamme de fonds diversifiés (prudent, équilibré et dynamique) pour les rendre plus réactifs.

« La gestion diversifiée n'a pas rempli sa mission : c'est pourquoi nous avons lancé GPS, une gestion flexible réactive aux évolutions des marchés », explique le directeur général adjoint Paul Younès. UFF co-pilote quatre fonds « UFF gestion flexible » avec des partenaires triés sur le volet : Aviva Investors, UFG-La Française des placements et Pictet. Proposés comme placement en direct ou dans des contrats d'assurance-vie, ces fonds permettent de définir a priori la part maximale allouée aux actions (30 %, 70 % ou 100 %), ces dernières pouvant être totalement absentes du portefeuille le cas échéant.

Autre exemple chez Generali Investments : « Generali Ambition est un fonds qui est investi à 50 % minimum en actions. Le solde est investi dans les obligations », explique Éric Biassette, qui cogère le fonds avec Muriel Régnier. La pondération entre les deux classes d'actifs est déterminée conjointement par le gérant de la partie actions et celui de la partie obligataire suivant un processus opportuniste permettant de s'adapter aux évolutions des marchés et à la politique d'investissement préconisée par la société de gestion.

2. La « performance absolue » comme objectif central

Le regain d'intérêt pour la gestion flexible a émergé d'un contexte de marché difficile dans lequel les gérants ne parvenaient plus à pleinement exploiter leur savoir-faire. En effet, pourquoi rester pleinement investi dans des marchés baissiers ? Mais une fois les contraintes levées, il fallait aussi appréhender les risques pour définir une allocation d'actifs adaptée.

C'est sur cet aspect que certaines firmes se sont penchées pour viser une « performance absolue » : c'est-à-dire gagner de l'argent ? ou du moins ne pas en perdre ? quelle que soit l'orientation des marchés. « Nous appréhendons notre métier plus comme des gestionnaires de risque, ancrés à une réalité de marché à un moment donné, que comme des prévisionnistes », note Gérald Leudière, associé-gérant chez Seven Capital Management. « Nous ne nous repositionnons sur certaines classes d'actifs que lorsque celles-ci ont des risques faibles, déterminés par notre processus de gestion, le global risk asset allocation. »

Cela ne les empêche pas de prendre des positions tactiques sur des horizons de temps réduits pour bénéficier d'opportunités ponctuelles. Pour atteindre l'objectif de performance absolue, chacun y va de sa méthode. Muriel du Chatelier, gérante du fonds CCR Flex Croissance, a recours aux enseignements de la finance comportementale, qui étudie la psychologie des investisseurs.

3. Le stock-picking fait bon ménage avec la flexibilité

Choisir d'être investi quand il le souhaite et uniquement sur les titres qui offrent de bonnes perspectives, telle est la recette idéale pour la construction d'un portefeuille performant. En effet, en combinant gestion flexible et stock-picking, c'est-à-dire la sélection de titres un à un, les gérants se donnent toutes les chances d'optimiser leurs résultats. Olivier de Faramond, chez Swann Capital Management rappelle que les marchés actuels exigent d'être sélectifs. « Nous évitons certains secteurs trop exposés et utilisons à la fois l'analyse financière et l'analyse technique pour procéder à des achats de valeurs lorsqu'elles subissent des corrections extrêmes. Une fois investis, nous n'hésitons pas à prendre des profits partiels dès qu'un regain de nervosité se fait sentir. » Selon ses convictions, le gérant du fonds SVS Europe Flexible peut être exposé de 0 à 100%, son exposition actuelle étant voisine de 30%. L'emploi de contrats futures lui permet de faire preuve d'une forte réactivité et donc de modifier significativement le profil de son portefeuille en cas de retournement de tendance.

C'est avec le même souci de réactivité appliqué à un fonds de portefeuille robuste qu'Edmond de Rothschild AM a lancé, au début de l'an dernier, le fonds Tricolore Rendement Flexible dont l'exposition au risque actions peut varier de 20 à 80%.

Interview de Frédéric Lorenzini, directeur de la recherche Morningstar France.

Les fonds flexibles sont à la mode - logique dans des marchés qui ressemblent à des montagnes russes... Existe-t-il une définition simple de la flexibilité ?

C'est « le meilleur des deux mondes » en fonction du contexte de marché : le gérant pouvant réduire la voilure sur une classe d'actif, les actions par exemple, et l'augmenter sur une autre, les obligations. En réalité, c'est plus compliqué car il existe des périodes où toutes les classes d'actifs sont négatives. En 2008, les actions et les obligations étaient perdantes. Après la faillite de Lehman, tout paraissait possible : on craignait par exemple un défaut de Peugeot ou de Renault. Dès lors, réduire les actions n'était pas suffisant pour préserver le portefeuille. Et les obligations ne constituaient pas davantage un refuge. La question était donc de savoir si le gérant était prêt à aller vers le cash : cela n'a pas toujours été le cas. Il existe des configurations de marché où les deux grandes classes d'actifs sont plombées : dans ce cas, le concept de flexibilité est pris à rebrousse-poil.

Qu'en est-il aujourd'hui ?

Nous sommes dans une période difficile. La visibilité est réduite sur les actions et sur les obligations. Si le concept de flexibilité est séduisant sur le papier, sa mise en musique est délicate : on peut être un très bon gérant actions, mais nettement moins bon sur les obligations. Or le concept de flexibilité requiert d'être bon dans les deux domaines et d'être un bon allocateur d'actifs. Il faut être prudent : certains gérants de talent ont pu se laisser séduire par cette mode.

Que faut-il surveiller ?

Il existe parfois des décalages entre ce qui est annoncé dans le prospectus et ce que fait le gérant : il faut donc s'assurer d'une suffisante transparence. Avez-vous accès à la composition du portefeuille, à l'historique des performances et des réactions du gérant face aux coups de grisou ? Il faut aussi se poser la question des ressources dont dispose le gérant et son équipe, notamment en termes de recherche.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.