La décision du tribunal de commerce de Paris, siège de Liberty Alvance, est tombée comme un couperet le 12 avril dans la soirée. Les juges ont placé la société en redressement judiciaire. Frédéric Abitbol, associé du cabinet Abitbol & Rousselet, a été désigné comme administrateur judiciaire de l'entreprise basée dans l'agglomération de Châteauroux. Filiale du méga-groupe minier anglo-indien Gupta Family Group (GFG) Alliance (17 milliards d'euros de recettes et 35 000 salariés dans le monde), Liberty Alvance a racheté en 2018 l'ex Liberty Wheels à Diors.
Rebaptisée Alvance aluminium Wheels, l'usine fabrique des jantes automobiles en aluminium. Les deux autres sites repris, Alvance aluminium Poitou et Alvance Foundry Poitou (ex Fonderie du Poitou à Ingrandes dans la Vienne), fabriquent respectivement des culasses et des carters pour moteurs. Une procédure de conciliation auprès du tribunal de commerce avait été ouverte début avril par Liberty Alvance, laissant augurer une possible déclaration de cessation de paiement de la part de cette dernière. En cause, des pertes de l'ordre de 12 millions d'euros pour 85 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2020 que GFG Alliance n'a pas pu éponger en raison de la liquidation de Greensill début mars. La société financière britannique était le principal bailleur de fonds du conglomérat.
Sous-traitants automobiles ultra-modernes...au Maghreb
La politique industrielle des constructeurs automobiles expliquerait en partie les difficultés récurrentes des trois fonderies, notamment le site de Diors.
« Renault et PSA, les deux principaux donneurs d'ordre de la société, se sont engagés sur des volumes de commandes qu'ils ne tiennent pas, déplore un élu de la métropole castelroussine. Au lieu des 120 000 roues promises, ils en ont acheté seulement 40 000 l'année dernière. Le reste est produit par les sites ultra-modernes de sous-traitants installés à côté de leurs usines, notamment au Maghreb ou en Europe de l'Est ».
Outre le fort manque à gagner, cette stratégie low cost se traduirait par un retard d'investissement important chez Alvance Aluminium Wheels.
« L'usine s'est peu ou mal modernisée depuis 40 ans, constate le même élu. Résultat, la qualité des jantes s'en ressent et provoquent des baisses de commandes supplémentaires ». La crise sanitaire depuis un an, qui touche lourdement le marché automobile, a encore aggravé cette politique d'achat au moindre coût, déjà pratiquée à grande échelle dans la grande distribution alimentaire.
Runacher et Le Maire montent au créneau
Le mise redressement judiciaire de Liberty Alvance, qui devrait aboutir à une cession, impactera près de 600 emplois au total. Sur le site de Dior, qui salarie 297 personnes, un comité social économique (CSE) se tiendra jeudi pour informer officiellement les collaborateurs de la situation périlleuse de l'entreprise. L'avenir des fonderies automobiles françaises, de plus en plus concurrencées à l'international malgré les promesses de relocalisation industrielle, constitue un motif d'inquiétude au plus haut niveau de l'Etat. Le cabinet de la ministre chargée de l'industrie Agnès Pannier Runacher planche ainsi depuis plusieurs semaines sur les solutions de reprise des trois sites de Liberty Alvance. Plus généralement, Bercy, par la voix de son locataire Bruno Le Maire, réunira à court une table ronde sur le sujet. Au programme, l'avenir des fonderies industrielles et les solutions pour les maintenir dans l'Hexagone.
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